J'avais imaginé qu'elle avait fui pour trouver la sécurité des terres ancestrales suomen, là où la justice française n'aurait jamais pu l'atteindre. J'admets que j'avais sous estimé son courage. Le combat devait être mené à Paris, et c'était là qu'elle devait rester, quelle que soient les risques encourus. Si elle ne voulait pas à ce point me tuer, peut être l'aurai-je admirée pour ça. 

Peut-être, seulement. 

Quelques éclats de voix résonnèrent dans la rue, puis retentit le grincement caractéristique de l'ouverture d'une porte de garage. Les trois guerriers d'Ar'henno déjà sortis dehors suivirent le van alors qu'il redémarrait et pénétrait dans la cours du bâtiment devant lequel il était auparavant garé. Derrière nous, la large porte basculante se referma et le choc du métal contre le sol résonna longuement d'une note sinistre. Je déglutis, et fus prise d'un violent accès de panique. Mais il était trop tard pour faire demi tour désormais, car nous étions dans l'antre de la bête. Les guerriers en étaient conscients. Da-jee-ha également. Elle tendit la main vers le baillon, jusque là simplement pendant mollement autour de mon cou, pour le glisser dans ma bouche.

-Pardon, Kinn'rehi-meh'na. Dit-elle alors.

S'excusait-elle pour la façon dont elle devait me traiter pour la réussite de la mission? Ou bien y avait-il une autre raison à cela? La peur s'insinua dans mes veine, infusant chaque goutte de mon sang qui se glaça alors que deux des guerriers d'Ar'henno me saisirent sans ménagement par les épaules et me poussèrent en avant pour me faire sortir du van, où je trébuchais pour m'affaisser sur la terre battue de la petite cours. Et je les vis pour la première fois. Tout autour de nous, aux fenêtres, portes, adossés aux murs. Tous Suomen, leur visages couverts de tatouages, leurs muscles saillants visible sous leurs tenues de combat, leurs armes à portée de main, et leur regard empli d'anticipation tandis qu'une main me saisissait par l'épaule pour me forcer à me relever. 

Les Taa'kangow'a. Les traditionalistes. Et, en leur centre, leur cheffe Moh'lag, dont l'expression était autant un mélange de surprise que de jouissance, rendue d'autant plus sinistre par l'imposante balafre qui parcourait son visage de son arcade gauche à sa lèvre. La terreur se saisit de nouveau de moi. Peu importait le plan. Je n'aurai pas dû venir. Je n'aurai pas dû accepter de me jeter, ainsi ligotée, dans la gueule du loup. Elle allait me tuer. Elle n'allait pas attendre que Nokomis le fasse pour elle, elle n'allait pas se satisfaire d'attendre aussi longtemps après que je lui ait encore échappé. Elle allait me tuer, là, maintenant, devant tous ses disciples, j'en eu la certitude profonde en croisant son regard froid comme l'acier dont il avait la couleur. 

La voix de Da-jee-ha résonna toute proche, et je réalisai seulement à cet instant qu'elle était celle qui me poussait vers la cheffe des Taa'kangow'a. Cela ne parvint pas à me rassurer. Je me mis à trembler comme une feuille, alors qu'elle me laissa m'effondrer à seulement deux mètres de Moh'lag, tout en discutant avec elle en suomen. La voix suave et chaude de son interlocutrice lui répondit, et elle s'approcha alors de moi pour me fixer, une expression de victoire sur le visage. C'était le moment d'agir. Les guerriers d'Ar'henno n'avaient qu'à se saisir d'elle et neutraliser ses guerriers tant qu'ils étaient encore pris par surprise. Sa main s'approcha de mon visage. Qu'attendaient-ils? Que se passait-il? Pourquoi n'agissaient-ils pas? Pourquoi... 

Moh'lag saisit mon menton entre ses doigts calleux, et le leva pour que son regard soit fixé dans le mien. 

-Il semble qu'Ukko veuille que tu finisse toujours par recroiser mon chemin, Ester... Susurra-t-elle. 

Mes yeux cherchèrent Da-jee-ha avec désespoir, mais la cheffe d'Ar'henno se contentait d'observer d'un air distant. 

-Comme tu trembles... continua Moh'lag. Tu sembles bien moins insolente que lors de notre dernière discussion. Peut être as-tu enfin compris que tu avais été trompée... et que tu n'avais plus la moindre issue. 

SauvagesWhere stories live. Discover now