Chapitre 41 - Selena

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Certains aiment New York pour ses buildings si nombreux qu'ils en deviennent une forêt, sa modernité, la démesure avec laquelle le mode de vie américain s'y exprime. Mais moi, ce qui m'y impressionne le plus, c'est Central Park. Cela me ravit que malgré tout, l'être humain ait réservé pour la nature un espace si immense au cœur de la ville. En son centre, au bord du Réservoir, son plus grand lac, la vue s'étend si loin... jusqu'au ciel. En cette journée d'été, le bleu de l'horizon et de l'eau se répondent ; je souris, transportée ailleurs, gagnée par une paix que je ne pensais pas être capable de trouver au beau milieu d'une mégalopole.

— Ça a quand même plus de gueule que Westside, commente James.

— Il faut comparer ce qui est comparable, je réplique.

Ses bras entourent ma taille ; je laisse aller ma tête en arrière jusqu'à ce qu'elle repose contre son torse. Pouvoir passer toute une journée ici, avec lui, est comme un rêve qui se réalise. Nous n'avons pas encore eu l'occasion de partir tous les deux, en laissant Danbury derrière nous. J'avoue qu'avec la distance, c'est comme si les dernières limites qui retenaient mon cœur d'enfler tout à fait d'amour s'étaient effacées. M'éloigner de nos préoccupations du quotidien me fait du bien ; m'éloigner des lieux que Bastian a souillés de souvenirs douloureux aussi. Ici, j'ai la conviction que je peux enfin oublier. Tout recommencer. Et c'est libérateur de me sentir si légère.

Les lèvres de James se posent dans mon cou, y déposent un baiser. Je ferme les yeux, profitant de leur contact. Ce n'est pas seulement Central Park qui m'envoûte ; c'est lui, c'est l'amour qu'il me manifeste sans retenue depuis que nous sommes ensemble. Aujourd'hui, il me touche encore plus profondément.

— On continue à avancer ? me suggère-t-il. On s'est prévu un sacré circuit, on ne doit pas trop traîner.

— Je te suis !

Ma main dans la sienne, je le laisse me guider alors qu'il suit les instructions du guide de visite qu'il a téléchargé sur son téléphone. En réalité, je connais déjà bien le parc, grâce aux balades que j'y ai faites lors de mes séjours chez Maneen au fil des années. Mais avec lui, tout semble plus beau, assez pour graver ces instants dans ma mémoire pour toujours. Nos rires lorsque nous découvrons ensemble les citations inscrites sur les bancs de la promenade du Mall ; notre photo délirante devant la statue d'Alice aux pays des merveilles, où nous essayons de nous intégrer tant bien que mal aux personnages ; notre imagination qui s'emballe en inventant un passé chevaleresque au Belvedere Castle – une surprenante reproduction d'un château médiéval dominant un étang peuplé de tortues. Cependant, au fil de la journée, sous cet amusement si jubilatoire, je sens quelque chose d'autre monter en moi. Une chaleur qui se loge dans mon ventre, à l'image du soleil qui brille au-dessus de nous et nous gratifie de ses rayons. J'ai été glacée si longtemps, contrainte de m'enfermer en moi-même parce que j'avais été blessée en m'ouvrant une première fois à l'amour... Je n'étais pas certaine qu'il restait des braises sous tout ce givre. Je ne sais pas si elles sont encore capables de devenir une flamme, mais je n'ai pas envie d'y penser. Je veux juste en profiter. Vivre cette journée comme une merveilleuse parenthèse, en suivant mes envies sans me poser la question d'où elles me mèneront.

Il apparaît bien vite que ce dont j'ai envie, c'est de James. D'être proche de lui, de le toucher. Nos mains liées, sa paume est contre la mienne une bonne partie de la journée. D'habitude, cela me suffit. Pas aujourd'hui. Je me surprends à me coller à son bras, à me blottir contre lui alors que nous passons aux endroits les plus romantiques du parc. Sur le Bow Bridge, qui surplombe une eau paisible de son élégante arche blanche, je l'embrasse à ne plus pouvoir me détacher de lui. Ce n'est pas qu'à Danbury, je ne souhaite pas lui manifester mon affection – au contraire. Mais aujourd'hui, quelque chose s'est réveillé en moi ; quelque chose qui est endormi d'ordinaire. Enchaîné par le passé et mes peurs. Et tous les baisers que nous partageons ne parviennent pas à lui suffire.

My Breeze of HopeWhere stories live. Discover now