Chapitre 39 - Selena

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— C'est ici, au quatrième étage.

— Wow, bel immeuble, commente James en hochant la tête d'un air appréciateur.

C'est vrai que le bâtiment qui abrite l'appartement de Maneen est plutôt joli. En briques rouges, dans une architecture Art Déco typique des années 1920, il est niché au cœur du quartier de Greenwich Village. Ma grand-mère habite ici depuis plus d'une cinquantaine d'années, et j'ai passé nombre de Noël et autres fêtes de famille entre ces murs. J'ai la satisfaction de me dire que je n'ai jamais emmené Bastian avec moi ; l'occasion ne s'est pas présentée. Pouvoir vivre au moins une première fois avec James me ravit.

Je tape le code de l'entrée sur l'interphone puis pénètre dans l'immeuble, mon petit ami derrière moi. Nous traversons le hall carrelé jusqu'à l'ascenseur, aussi authentique que le reste du bâtiment. En découvrant sa cabine minuscule et sa grille de fer forgé, James tord du nez.

— Hm. Je crois que je vais prendre les escaliers, plutôt.

— Oh, allez, n'aie pas peur ! Je te promets qu'il fonctionne à la perfection !

Avec une grimace, il se résout à me rejoindre à l'intérieur. Entre nous deux et le sac de voyage qu'il a récupéré dans le coffre de la voiture de Caliban avant de quitter les autres Dolphins, tout l'espace disponible est occupé, ce qui me permet de ne pas manquer son sursaut quand l'ascenseur s'ébranle dans un grincement retentissant. Je m'y attendais et ne suis pas troublée outre mesure, mais l'air paniqué de James à cet instant est absolument hilarant.

— Je croyais que New York aurait été plus à cheval sur les normes de sécurité, grogne-t-il.

— Hé, je ne pensais pas être la plus aventureuse de nous deux ! je réplique.

Lorsque les portes s'ouvrent au quatrième étage, James jaillit sur le palier en hâte. Amusée, je le suis d'un pas plus tranquille et me dirige vers l'appartement de droite. Je frappe trois coups, puis entre sans attendre que Maneen m'ouvre. Si elle est assise, je ne veux pas l'obliger à se lever pour nous accueillir.

— On est là ! je m'exclame en remontant le petit couloir garni d'un tapis oriental tout en longueur.

— Je suis au salon, je l'entends me répondre. Viens donc, ma chérie.

Rien que sa voix me donne le sourire. J'indique à mon petit ami qu'il peut laisser son sac dans l'entrée pour le moment puis, légère, je nous guide jusqu'à la pièce d'à côté. Ma grand-mère est installée dans son fauteuil favori – en velours émeraude, à haut dossier. En nous voyant, elle pose le livre qu'elle était en train de lire sur la petite table à sa gauche, puis rajuste ses fines lunettes dorées.

Elle a 81 ans, et c'est l'une des plus belles femmes que je connaisse – même si en raison de son âge, les magazines seraient probablement en désaccord avec moi. Elle est l'un de mes modèles, en tout cas. Elle a une élégance qui ne rogne en rien sur la tendresse qu'elle accorde à ses proches, une aura qui lui permet de capter l'attention sans aucune difficulté. Ses cheveux blancs coupés court dégagent son cou, de part et d'autre duquel pendent deux boucles d'oreille ornées de perles. Sa robe en lin est sans manches : même si la nuit est tombée, la chaleur n'est pas encore retombée à l'intérieur de l'appartement. J'espère qu'elle n'en souffre pas trop : elle est de plus en plus sensible aux températures avec l'âge, raison pour laquelle mon père essaie de la convaincre d'installer un climatiseur chez elle. Pour l'instant, elle résiste, peu désireuse de « dénaturer son foyer avec encore plus de technologie », comme elle dit.

J'avance jusqu'à elle pour l'embrasser sur la joue, mais c'est sur mon petit ami que son attention est focalisée.

— Bonjour, James, le salue-t-elle. Selena m'a beaucoup parlé de toi.

My Breeze of HopeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant