Chapitre 31 - Selena

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Dès le moment où James m'a invitée chez ses parents après la soirée que nous avions passée avec les Dolphins, j'ai fait le deuil de notre relation telle qu'elle était. J'ai cru que ce qui se passerait le lendemain transformerait irrémédiablement notre couple, parce que je m'étais résignée à ce que le sexe y prenne le dessus désormais. Et quand je me suis effondrée, terrassée par les souvenirs que j'avais tenté d'enterrer, j'ai craint que cela modifierait le regard que mon petit ami poserait sur moi. Que ses yeux se chargeraient d'une pitié qui me renverrait sans cesse à ce que je lui ai confié. Ou pire, de regrets : ceux d'avoir fait une mauvaise pioche en tombant sur une fille incapable de l'aimer de toutes les manières qu'il désire.

Mais rien n'a changé, et je ne pourrais en être plus soulagée. James continue à rechercher ma présence autant qu'il le peut ; il m'embrasse comme avant, me prend la main comme avant, me serre dans ses bras comme avant. Sans se retenir, ni chercher à aller plus loin que ce qui me serait confortable. Et j'en profite davantage maintenant, libérée de l'angoisse qui était la mienne parce que je redoutais ce qui se produirait lorsqu'il voudrait passer à la vitesse supérieure.

Nous sommes assis sur l'une des banquettes installées dans le hall de la cafétaria, profitant d'un peu de calme après notre repas. C'est l'un de nos derniers jours sur le campus cette année : nous avons récupéré nos notes aux examens de fin de semestre hier – à notre grand soulagement, nous les validons tous les deux. Ce week-end, nos parents viennent nous aider à vider nos chambres pour que nous les libérions pour l'été. Heureusement, nous n'habitons pas loin l'un de l'autre, et nous n'aurons aucune difficulté à nous voir autant que nous le voudrons pendant les vacances.

James a un bras autour de mon épaule et joue avec l'une de mes mèches ; je lui raconte à quel point la fin du roman que j'ai terminé hier soir est frustrante – le tome suivant de la série n'étant pas encore sorti. Luttant contre mon envie de le spoiler pour qu'il puisse pleinement comprendre les questions qui me restent en tête, je clame :

— C'est tout ce qu'on croyait savoir sur l'univers que l'auteur remet en question d'un coup ! On pensait avoir compris qui sont les gentils et qui sont les méchants, même si c'est plus complexe que ça, et là, une phrase, une seule phrase, et tout est remis en cause. Tu te rends compte ?

— Anton t'avait avertie lorsqu'il te l'a conseillé, il me semble ! me rappelle James.

En effet, j'ai un peu discuté livres avec son coéquipier vendredi soir, et il m'a parlé de celui-là avec suffisamment de passion pour que je le charge immédiatement sur ma Kindle. Il faut croire que ses conseils sont un peu trop bons...

— Tu lui diras de ma part que c'est de la torture, cette fin.

— Ou alors, je peux te donner son numéro pour que tu le lui dises directement. Je suis certain qu'il sera ravi de trouver quelqu'un avec qui discuter bouquins. On ne le suit pas souvent sur ce terrain-là chez les Dolphins.

Je hoche la tête, intimidée. Que James cherche à m'intégrer à son cercle d'amis continue à me prendre par surprise : Bastian n'avait jamais pris cette peine, lui. Je ne suis pas la plus à mon aise socialement, mais je suis décidée à faire des efforts pour nouer des liens : je suis restée si longtemps isolée... C'est de la bienveillance que j'ai senti émaner du petit groupe : je crois que face à eux, je suis capable de sortir de ma coquille, peu à peu. Du moins, je suis prête à essayer : James m'a rendu la capacité à croire que m'ouvrir aux autres n'est pas synonyme de blessures inévitables.

— En tout cas, je vois qu'il t'a complètement retourné l'esprit, ce livre, s'amuse-t-il. Je comprends mieux pourquoi tu as mis vingt minutes à répondre à mon message de « bonne nuit ».

My Breeze of HopeWhere stories live. Discover now