Chapitre 19 - James

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Une touche florale dans l'air. Elle est ténue d'abord, mais je la capte malgré tout, et les battements de mon cœur accélèrent. Je fais encore quelques pas de plus vers mon casier ; elle s'intensifie, déployant toutes ses nuances, m'enveloppant de l'odeur de violette que je désespérais de sentir un jour de nouveau. Je m'en emplis les poumons, comme un asphyxié crevant la surface après une longue apnée. Oui, c'est bien celle que j'attendais, celle qui m'a tant manqué. J'en reconnais les subtilités, la richesse. Pas de doute possible : mon inconnue est revenue. Enfin...

C'est le troisième entraînement qui se termine depuis que j'ai placardé mon message sur la porte de mon casier. Sans signe de la part de la fille aux origamis, je commençais à me dire que ma tentative pour attirer de nouveau son attention avait échoué. Ce matin, pendant les exercices à sec, je me suis donné comme jamais, même l'épuisement physique ne parvenant pas à dissiper ma détresse. Mais maintenant...

Maintenant, je vais peut-être respirer de nouveau, sauf si mon inconnue a vu ce que je lui ai écrit et s'est tout de même détournée.

C'est une possibilité : qu'elle n'ait pas cru que je l'aie réellement confondue avec une autre. Cependant, qu'elle soit venue jusqu'ici ne peut être que bon signe, pas vrai ? Si elle me pensait indigne de confiance, elle ne se serait pas déplacée.

De toute façon, je vais tout de suite être fixé. Tendu, j'ouvre mon casier. Je manque de laisser échapper un cri de joie lorsque j'aperçois le papier plié qui m'y attend. Je l'ouvre sur le champ. Habituellement, j'attendais d'être sorti de la piscine pour lire les lettres de mon inconnue, histoire de les savourer au calme, loin du regard de quiconque, mais j'en suis incapable aujourd'hui. J'ai trop besoin de ses mots. J'ai un pincement au cœur lorsque je constate qu'il n'y a que deux phrases sur la feuille :


Explique-moi ce qui s'est passé. Je te lirai.


Clairement, je vais devoir sortir les rames pour qu'elle accepte de se rouvrir à moi, mais à partir de ce nouveau départ, tout est possible. C'est un fil que je vais devoir tirer, délicatement, jusqu'à elle ; mais j'en tiens le bout et c'est l'essentiel.

Je n'ai pas peur de livrer tout ce que j'ai dans la bataille pour la reconquérir.

Serrant le papier contre mon cœur, je m'empresse de récupérer mes affaires et de me rhabiller pour rentrer dans ma chambre au plus vite – sans Caliban, pour une fois, qui préfère passer du temps avec le reste de l'équipe au clubhouse. Moi, je n'ai qu'une priorité : composer ma réponse à la fille aux origamis au plus vite. Une fois à mon bureau, je me lance à corps perdu dans ma lettre, bien plus longue que toutes celles que j'ai pu écrire auparavant, occultant les protestations de mon estomac qui essaye de me rappeler que je suis censé le nourrir après toute séance de nage intensive. J'opte pour la sincérité la plus totale dans mes mots, parce que j'estime que c'est mon meilleur argument. Je ne cache rien à mon inconnue : ni l'excitation que je ressentais le jour de la compétition à l'idée de peut-être la rencontrer enfin, ni l'euphorie qui m'a envahi quand j'ai cru me trouver devant elle – ainsi que les raisons de ma confusion –, ni ma détresse quand j'ai réalisé quelle erreur j'avais faite. Je lui avoue à quel point elle m'a manqué, à quel point ses lettres comptaient pour moi ; je me mets à genoux devant elle pour qu'elle comprenne, qu'elle me rende son affection. Peut-être que j'en fais trop, que je m'enflamme plus que de raison ; mais dans le vide de sentiments que j'ai traversé ces derniers mois, ceux que j'éprouve pour elle brûlent avec la puissance d'un brasier.

Je conclus ma lettre avec un paragraphe qui puise tout droit dans mon âme :


Je ne sais pas ce que je pourrais te dire d'autre pour te convaincre de me redonner une chance, sinon que j'ai rarement autant espéré quoi que ce soit de toute ma vie. De l'extérieur, tes messages pourraient ne paraître que de petites touches dans mon quotidien, mais ils me font tant de bien... Je voudrais que ta douceur me revienne, la simplicité avec laquelle tu m'instilles ta tendresse, la lumière dont tu irradies sans même que tu sois réellement là, près de moi. Si tu me pardonnes, je prendrai soin de te garder près de mon cœur.

My Breeze of HopeWhere stories live. Discover now