Bonne lecture !
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Bokuto observa le directeur de l'Académie partir au combat tandis qu'au loin, Iwaizumi et Oikawa commençaient à se rapprocher d'eux.
– Bokuto, l'appela Akaashi en le sortant de sa contemplation. Je crois que ton ami a un problème.
Il mit une seconde à comprendre de qui il pouvait bien parler, avant de se retourner enfin vers Kuroo. Durant le temps que son cerveau utilisa pour analyser la scène, ses yeux s'écarquillèrent, et il fut à ses côtés presque immédiatement. Ses mains pleines de sang tenaient fermement Daishou — alors c'était bien lui, cette faux dans ses mains ? — et il semblait à deux doigts de s'étouffer avec ses propres sanglots. Il répétait d'une voix cassée quelque chose que Bokuto ne comprenait pas, et ce dernier comprit avec effroi que contrairement à ce qu'il avait cru, il était arrivé trop tard.
Le torse de Daishou était déchiré depuis son épaule droite jusqu'à son aine gauche.
Il semblait encore conscient, le regard vide, et fixait sans doute Kuroo sans même s'en rendre compte. Un sentiment de panique le traversa d'un coup, et il prit douloureusement conscience que c'était réel.
Que le directeur l'avait bien réveillé au beau milieu de la nuit pour qu'il se mette en route vers le centre-ville.
Que le Soul Eater avait bien attaqué ses amis.
Que les gens pouvaient être blessés.
Akaashi s'agenouilla lentement à ses côtés, le regard fixé sur son ami — Bokuto put sentir grâce à leur lien que lui et Daishou étaient proches — et posa une main sur l'épaule de Kuroo. Ce dernier ne réagit même pas.
Il leva simplement un regard ailleurs vers Bokuto, et fit un étrange bruit de gorge, comme un sanglot étouffé.
– Le lien, comprit Akaashi en se relevant car il ne pouvait pas regarder Daishou dans cet état. Ils ont créé un lien.
– Et.. et alors ?
– Kuroo le sent partir.
Bokuto cligna des yeux, quand le sens du mot partir le frappa de plein fouet. Ce n'était pas possible, ça ne pouvait pas arriver.... ça ne pouvait pas leur arriver à eux.
– On peut faire quelque chose ? Je veux dire, il doit bien y avoir quelque chose à...
– Qu'est-ce qui se passe ?
Derrière eux, le regard d'Oikawa glissa des visages livides d'Akaashi et Bokuto à celui de Kuroo. Il se détacha lentement d'Iwaizumi, tandis que ce dernier restait figé, et s'approcha en boitant. Il se laissa tomber à côté de Daishou.
– Non....
Il posa une main sur sa bouche, comme pour se retenir de vomir.
– Kuroo, l'appela-t-il. Comment c'est arrivé ?
Il ne répondit rien, et Daishou ferma enfin les yeux.
– Kuroo, putain !
– Oikawa, le reprit Iwaizumi. Calme-toi.
Ce dernier se retourna avec colère.
– Que je me calme ? Mais il est –
– Le partenaire de Kuroo. Imagine juste la situation inverse.
Mais il ne voulait pas imaginer ça. La tête basse, il regarda le visage de Daishou perdre de plus en plus ses couleurs, et la respiration de Kuroo devenir sifflante.
Ce n'était pas possible, il n'était pas en train de mourir. Il n'était pas en train de mourir car ils avaient tous décidé de le suivre. Il n'était pas en train de mourir car attaquer le Soul Eater avait été bien plus important que fuir pour leur vie, eux qui n'avaient pas eu l'entraînement nécessaire.
Il inspira douloureusement.
– D'accord, trembla-t-il. D'accord, j'ai peut-être une solution.
Mais il allait falloir se maîtriser à la perfection, et Oikawa n'était pas certain d'en être capable. Dans tous les cas, décida-t-il en se redressant, si quelque chose devait arriver, il préférait en prendre la responsabilité. Kuroo aurait alors quelqu'un vers qui tourner sa rancœur.
– Kuroo, l'appela-t-il plus doucement. Écarte-toi.
Mais il ne bougea pas.
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Sa nausée menaçait de le submerger tout entier.
Assis les pieds dans le vide, son regard tourné vers le morceau de pont qu'il restait encore de chaque côté du précipice, il essayait d'apercevoir quelque chose. La brume devenait de plus en plus intense à chaque seconde qui passait, et l'armature en pierre s'effondrait peu à peu. Mais il sentait encore une présence, un peu ténue certes, mais elle était là, quelque part.
Il observait en silence, le cœur battant beaucoup trop fort, à deux doigts de rendre son déjeuner dans le vide devant lui.
Il attendait qu'il revienne. Ce lien était une connerie, mais il n'avait pas encore perdu espoir. Peut-être que s'il attendait encore un peu, le pont se reformerait de lui-même et il pourrait...
– Kuroo, regarde-moi.
Il secoua la tête. S'il regardait ailleurs, le reste de pont risquait de réellement disparaître, et alors il n'aurait plus aucune chance. Daishou était un con arrogant, certes, mais il avait toujours été là. Il allait revenir.
– Kuroo, je vais tenter un truc, mais avant il faut que tu me regardes.
Il reconnaissait cette voix. Oikawa était toujours là au mauvais endroit au mauvais moment. Il secoua à nouveau la tête.
– Je vais geler son corps, d'accord ? Alors lâche-le et recule.
De quoi parlait-il ? Sans pouvoir s'en empêcher, Kuroo baissa les yeux. Et là où auraient dû se trouver ses pieds et ses cuisses appuyés sur la pierre du pont, il ne vit que le sang sur ses mains et le visage livide de Daishou. Son souffle se bloqua, et ses yeux s'écarquillèrent lentement.
Des mains le forcèrent à le lâcher, et il gémit pour protester.
– Iwa, prends-le et fais le reculer.
– Tu es sûr de ce que tu fais ?
– Absolument pas. Mais de toute façon, il va mourir avant que la police arrive si on ne fait rien.
Les yeux grands ouverts, Kuroo regarda Oikawa poser sa paume sur la blessure de Daishou, et soudain ce dernier se mit à grimacer. Lui même sentit quelque chose d'étrange, avant que ses dernières forces ne l'abandonnent. Des morceaux de glace se mélangèrent à son sang, sa peau devint encore plus blanche, et en quelques secondes son corps avait complètement disparu. Ça avait été si rapide que tout le monde papillonna des yeux.
– Qu'est-ce que... qu'est-ce que tu as fait ?
Oikawa transpirait à grosses gouttes, la respiration sifflante. Iwaizumi lâcha presque immédiatement Kuroo pour se précipiter près de son partenaire, et ce dernier le rassura d'une voix basse en lui affirmant que ça allait. Qu'il était juste à sa limite.
– Qu'est-ce que tu as fait ? répéta Kuroo en se traînant à nouveau vers eux.
Bokuto l'interrompit dans son mouvement et vint s'accroupir à ses côtés. Kuroo se cramponna à lui de toutes ses forces ; il avait envie de dormir.
– Il...
Daishou avait l'air bien plus tranquille. Piégé dans la glace, sans une grimace de douleur qui déformait ses traits, il semblait simplement attendre.
– Kuroo, ça va aller d'accord ? Le directeur s'occupe du Soul Eater, et la police est en route. Il y aura forcément des secours. Ça va aller, répéta-t-il.
Les yeux toujours tournés vers le pont qui ne bougeait plus du tout, Kuroo hocha lentement la tête. Il se sentit glisser, glisser, glisser très loin, puis une sensation de froid, et enfin plus rien. Seulement une voix étrange qui résonna dans sa tête un instant :
« Finalement, il y avait peut-être bien au moins une personne qui méritait qu'il se sacrifie. »
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