Bonne lecture !
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Oikawa ne savait même plus où il allait tant sa poitrine s'enflammait sous l'effet de sa colère. Les rues avaient fini par toutes se ressembler, et la neige n'aidait rien : il n'avait pas froid, loin de là – il n'avait jamais froid, la glace était une partie de lui –, mais les traces de ses pas s'effaçaient rapidement, et plus rien ne pouvait l'aider à savoir où il se trouvait et où il allait.
Mais dans les faits, ce n'était pas si important. Il n'y avait pas de destination, pas d'endroit où se rendre, seulement une cible à trouver.
Pour chaque pas qu'il faisait, une image de sa sœur lui arrivait derrière les paupières, dès qu'il clignait des yeux ; Chiaki s'entraînant pour passer les examens d'entrée de police, Chiaki lui ramenant une pizza suite à une dispute idiote, Chiaki sanglotant après une rupture avec son petit-ami. Sa sœur était une bonne personne, intelligente, un peu peste parfois, mais il fallait croire que c'était de famille.
Et à présent, ce qu'il avait vu dans l'hôpital, ce qui se passerait quand elle se réveillerait : personne n'avait le droit de faire souffrir sa sœur ainsi, sa famille. Il fallait qu'il le retrouve, ce Soul Eater, et pas forcément pour une noble cause : Tooru n'était pas un justicier, il n'en avait pas l'étoffe. Il était égoïste, comme beaucoup, et tout ce qu'il voulait, c'était se venger. Lui faire payer.
L'empêcher de s'en prendre à nouveau à ceux qu'il aimait.
Le bruit de ses pas dans la neige le ramena un peu à lui. Le temps ne se calmait pas, il devenait même pire au fur et à mesure des minutes, et soudain il eut peur de ne pas le croiser. Qu'il ne se montre pas, qu'il soit resté là où il se terrait pendant la journée.
Serrant le poing, Tooru s'arrêta un instant. Il avait fini par longer une grande avenue, marchant au milieu de la route en sachant parfaitement qu'il ne risquait rien : plus personne ne se déplaçait en voiture la nuit depuis des jours. Tournant la tête, il décida de changer de voie et tourna les talons afin de se diriger vers une ruelle un peu plus à l'écart.
Il sentait sa poitrine se lever et s'abaisser, entendait sa respiration calme dans le silence de la nuit. Il faisait bien plus sombre que dans l'avenue, et c'est peut-être pour ça que Tooru le sentit plus facilement. Ses pas s'arrêtèrent immédiatement, tandis que quelque chose se glissait derrière lui, à plusieurs mètres.
Lentement, il se retourna, écartant une mèche de cheveux de devant ses yeux, et ses lèvres voulurent s'étirer dans un rictus.
– Te voilà enfin....
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Kuroo voyait bien que pousser le lien à son maximum et s'en servir ainsi épuisait Iwa. Il courait un peu moins vite, et respirait bien plus fort qu'au départ – et Tetsurou savait bien que cela n'avait rien à voir avec leur course, en comparaison avec Daishou qui commençait déjà à cracher ses poumons, Hajime possédait une endurance assez impressionnante –. Ils devaient à présent avoir traversé plusieurs quartiers, Kuroo ne pouvait rien faire à part suivre son ami et essayer d'aider l'autre à ne pas s'écrouler de fatigue.
Ralentissant légèrement son allure, il s'approcha de Suguru en murmurant :
– Tout va bien ? Si tu veux, tu peux t'arrêter là, on ramènera Oikawa et –
– Je suis.... en super forme... alors écono....mise ta salive...
Il fit une grimace, essuya la sueur sur sa tempe, puis accéléra la cadence. Kuroo l'observa d'un air étonné, mais ne dit rien de plus et fit de même pour revenir à la hauteur d'Hajime.
Son visage était concentré et sérieux quand il déclara :
– On est bientôt là. Je le sens, il est...
Mais alors qu'il s'apprêtait à ajouter quelque chose, l'atmosphère changea brusquement. Il faisait froid, bien évidemment : la nuit était là, il neigeait depuis des heures, et le sol commençait doucement à geler. Pourtant, le vent qui les frappa n'avait rien de naturel ; il était plein de colère, de glace, de froid. La température chuta drastiquement, de plusieurs degrés, peut-être même une dizaine, et quand ils tournèrent pour rentrer dans l'une des grandes avenues de la ville, ce fut Suguru qui hoqueta de surprise en premier.
Les murs, les fenêtres, le sol ; tous les bâtiments de cette rue étaient recouverts d'une épaisse couche de glace fumante, et au cœur de tout ça, Oikawa leur tournait le dos. Ses épaules se soulevaient rapidement, sûrement au rythme de sa respiration haletante, et il tenait dans sa main une lance bleu clair formée à partir de l'air autour de lui.
Entre Daishou et Kuroo, Iwaizumi fit deux pas en avant.
– Oikawa ! hurla-t-il, et ils remarquèrent en même temps l'ombre qui se trouvait face à lui, face à eux.
Elle se déplaça rapidement, comme un éclair qui se créait un chemin à travers les flocons, tandis que Tooru tournait la tête vers le cri de son meilleur ami. Hajime eut tout juste le temps de voir ses yeux écarquillés, étonné de le voir ici, avant qu'une immense épée ne le frappe dans les côtes et que tout son corps ne s'éloigne du sol, pour aller s'écraser à travers la vitrine d'un magasin.
Aux oreilles de Daishou, le cri que poussa son partenaire fut affreux, et il le vit, dans le coin de sa vision, partir en courant en direction de la vitrine.
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La petite fille se tire les cheveux. Elle sent quelque chose au fond d'elle, quelque chose qu'elle a avalé, quelque chose qui lui réchauffe le ventre. Le fait qu'elle n'en est pas effrayée lui fait peur. Le fait qu'elle sache qu'elle a fait quelque chose de mal lui fait peur.
Cela fait des heures qu'elle est là. Ou peut-être quelques minutes.
Des larmes roulent sur ses joues ; elle hurle, tape des pieds, tente d'arracher les rideaux. Cette pièce est trop petite, tout est trop silencieux, et elle veut juste dire qu'elle n'a pas fait ce qu'elle pense qu'elle a fait.
Au départ, quand sa mère lui a attrapé les cheveux pour la tirer jusqu'ici en beuglant des choses qu'elle ne comprenait pas, elle avait commencé à se sentir coupable. Sa petite sœur ne bougeait plus : elles étaient ensemble, elles jouaient, puis il y avait eu une odeur agréable, de la salive avait commencé à affluer dans sa bouche, et quelques secondes plus tard la poupée en porcelaine était tombée au sol et sa tête s'était brisée en mille morceaux. Les longs cheveux de sa sœur aussi s'étaient étalés par terre.
Elle crie toujours, tape de toutes ses forces contre la porte, supplie sa mère de la faire sortir d'ici, appelle le prénom de sa petite sœur pour qu'elle vienne lui tenir compagnie. Mais personne ne vient. À la place, la grande voix autoritaire de sa mère résonne de l'autre coté, affolée et effondrée :
– Oh mon dieu, comment – qu'est-ce que je dois faire ? J'ai appelé les secours mais ma petite ne bouge plus elle ne – oh mon dieu –
Elle pleure, et la fillette veut lui demander d'arrêter, veut lui demander pourquoi c'est elle qui est triste alors que ses propres mains commencent à s'abîmer contre le bois.
– Elle est devenue folle, elle ne veut pas arrêter de crier – oh s'il te plaît chéri revient elle me fait peur –
« Pourquoi c'est moi qui est punie alors que c'est elle qui a cassé la poupée ! » hurle t-elle de plus en plus fort, la voix douloureuse.
Sa mère s'est trompée et elle ne veut pas comprendre, sa sœur fait juste semblant elle n'a rien fait il faut qu'elle sorte il faut qu'elle lui explique il ne faut pas que papa rentre il ne faut pas qu'il comprenne qu'elle a fait une bêtise il ne faut pas qu'il la punisse encore une fois elle a mal ils ne comprennent pas il y avait l'odeur et elle a juste ouvert la bouche elle a –
– Je crois qu'elle est morte, gémit sa mère dans un sanglot, je crois qu'elle la tuée et elle ne veut pas se taire s'il te plaît, s'il te plaît –
Elle s'arrête de crier. Ses bras tombent le long de son corps. Ses petites mains se mettent à trembler.
– Maman...., dit-elle d'une voix cassée. Qui est morte ?
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