Bonne lecture !
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Le jeune garçon se faufilait de ruelle en ruelle, glissant presque sur le sol de ce début de matinée. Le temps était couvert, légèrement humide, et cela faisait friser ses cheveux sur sa nuque.
Lorsqu'il atteint enfin les barrières de sécurité, il dut se glisser discrètement derrière des agents afin de se rapprocher de la scène de crime. À un moment, un homme dans la quarantaine le repéra, les yeux ronds comme des soucoupes, et le garçon du l'assommer rapidement ; il fit cela proprement afin de s'assurer qu'il ne garderait pas de trace visible.
Pour ne pas se faire repérer, il déplaça le corps détendu un peu à l'écart, puis reprit son chemin sans tarder. L'endroit grouillait de policiers, et il savait que plus les voitures et agents étaient nombreux, plus il se rapprochait du but.
Tout ce qu'il devait faire, c'était ne pas se faire repérer par sa sœur ; elle était l'inspectrice en chef en charge de l'enquête, et il savait que si elle lui mettait la main dessus, il se ferait engueuler pendant une bonne heure, minimum.
Quand son objectif fut enfin en vue, il remonta le bout de tissu qui lui couvrait le visage et réfléchit à un moyen de faire diversion. À sa droite, une voiture de police était stationnée, la porte du conducteur ouverte, et personne ne se trouvait à l'intérieur.
Une idée germa dans son esprit, et il s'écarta du mur sombre dans lequel il s'était tapis pour s'en approcher discrètement. Comme il s'y était attendue, une radio était posée à coté du volant, et parlait dans le vide. Il la prit, appuya sur l'un des boutons – il fut heureux de se souvenir lequel – et commença d'une voix plus rauque et rapide que la sienne :
– Attention à toutes les unités placées autour de la scène de crime, je répète attention à toutes les unités placées autour de la scène de crime : mouvement suspect détecté au bout de la rue ouest, que tous les agents disponibles s'y rendent.
Sans attendre, il replaça la radio et s'extirpa de la voiture pour retourner se cacher. Il observa les policiers, leur rapidité d'action, la manière dont ils s'organisaient pour faire partir des unités le plus rapidement possible en direction de l'endroit indiqué. Le garçon les trouva impressionnant.
La scène de crime se vida rapidement, les seules personnes restantes s'occupant du départ des autres. Distrait, personne ne le remarqua s'approcher du corps qui reposait, déchiqueté, à cheval sur le trottoir.
Putain de merde.
Il ne put s'empêcher de porter une main à sa bouche ; l'odeur putride du sang lui donna envie de vomir. Le jeune homme qui se trouvait là était presque coupé en deux, son visage figé dans un expression de pure terreur. Mais ce que le garçon remarqua, et ce fut cela qui retint le plus son attention, c'était que malgré le fait que ce jeune adulte était bel et bien humain, son âme, elle, avait disparu de manière très peu naturelle.
Dévorée.
Au moment où il s'apprêta à faire une prière silencieuse pour elle, pour qu'elle soit sauvée, de quelque manière que ce soit, une main se posa sur son épaule et il lâcha un petit cri, prêt à se défendre.
– Je vais te tuer, petit con, siffla une femme avec rage.
Oikawa se retourna avec un air penaud.
– Sœurette....
– Pas de sœurette qui tienne, debout.
Elle lui saisit le bras avec force et le tira pour le relever. Son regard lui promettait mille sentences, et il savait qu'il risquait d'en prendre pour son grade. Sans douceur, elle le poussa en direction des barrières de sécurité, sous le regard surpris et ahuri des autres policiers qui ne l'avaient pas vu entrer.
Une fois en dehors de la scène de crime placée sous scellés, Chiaki l'envoya devant elle et il manqua de s'étaler au sol.
– Je peux savoir ce que tu fous encore là ?
Il baissa les yeux.
– Tu pensais que je ne reconnaîtrais pas ta voix ? Tu te rends compte de ce que tu fais ? Putain si tu n'étais pas mon frère je t'embarquerais pour obstruction à la justice !
Elle semblait à deux doigts de le gifler.
– Comment t'es entré ici ?
– Je...
Mais avant qu'il n'ait pu dire un mot, elle soupira bruyamment et pinça l'arête de son nez.
– Non, tu sais quoi ? Ne dis rien, je ne veux pas le savoir. Reste là.
Elle tourna les talons et leva la main en direction de l'un des agents postés pour surveiller les bandes de scellés.
– Surveillez le, d'accord ? Je reviens tout de suite. Surtout ne le quittez pas des yeux ; ce gamin est plus agile qu'une anguille.
Et la jeune femme s'éloigna d'un pas rageur, ses grosses bottes en cuir clapotant dans les flaques que la nuit humide avait laissé derrière elle. L'agent s'approcha de lui avec un air avenant.
S'il savait que j'ai assommé son collègue pour le laisser dans une ruelle déserte, il ne ferait certainement pas cette tête là.
– Alors mon garçon, tu es le petit frère de l'inspectrice Oikawa, n'est-ce pas ?
Il hocha la tête. Cet homme ne devait pas avoir plus de quarante ans, pourtant il parlait de sa sœur avec une certaine dose de respect. Elle était forte et intelligente, cela n'avait donc rien d'étonnant, pourtant il en ressentit une certaine fierté.
Une dizaine de minutes plus tard, Chiaki revint du même pas irrité, et lui attrapa le bras.
– Merci, dit-elle à son agent. Faites bien attention à ce que personne n'entre, cette fois-ci.
Tooru vit que l'homme baissa la tête, les joues rouges de honte, et il eut presque envie de s'excuser. Puis il se dit que si lui avait réussi à entrer, n'importe qui aurait pu faire la même chose.
– Suis moi, toi.
La jeune femme l'éloigna encore davantage, et lorsqu'ils furent assez loin de toute l'agitation, elle lui souffla :
– Je te préviens que si tu me refais le coup, je le dirais à maman. Si tu trouves que je suis sévère, je crois que ça veut dire que tu as passé bien trop de temps loin de la maison.
Il savait qu'elle ne ferait cela qu'en dernier recours ; cela avait toujours été eux contre le monde. Contre leur mère. Une femme froide comme la glace, qui avait élevé ses enfants avec sévérité. Pourtant, il sut tout de même qu'elle ne plaisantait pas.
– Écoute, je suis désolé d'accord ? Je... toute cette histoire est vraiment inquiétante et tu es au cœur de ça ; imagine que ce malade s'en prenne à toi ?
– Pas de soucis, railla t-elle en réponse, avec un petit air irrité. Tu n'as donc pas lu les journaux ? Je suis une chef de merde et l'enquête n'avance pas.
Tooru grimaça.
– Tu sais bien que c'est faux. Ceux qui disent ça ne font rien pour vous aider, et ce ne sont que des trous du cul.
Étrangement, sa remarque la fit sourire. Elle continua d'avancer rapidement, et il fut presque obligé de trottiner derrière elle.
– Dis moi juste : est-ce que c'était lui ? Le tueur, cette victime là, c'était de lui ?
– Oui, soupira t-elle. C'est lui.
– Donc, il y a eu une treizième victime ?
Elle ne répondit rien. Qu'aurait-elle pu répondre ? Bientôt, tout le monde serait au courant. Soudain, en arrivant au bout de la rue, Chiaki s'arrêta.
Lorsqu'elle se retourna vers lui, ses yeux flamboyaient.
– Bon, maintenant tu vas m'écouter. Je sais ce que tu veux faire en fouinant partout comme ça, et je t'assure que ça ne m'aide pas du tout. Je suis une grande fille, et même si tu es le petit génie de la famille, ça ne veut pas dire que je suis bête.
– Je ne –
– Chut, je parle, tu te tais. Donc maintenant, je ne veux plus te voir sur les scènes de crime. L'Académie vous autorise peut-être à sortir à partir de la deuxième année, mais je suis certaine que tu as complètement explosé ce pauvre couvre feu.
Elle regarda un point derrière son épaule et lui sourit.
– Maintenant, tu vas tranquillement faire demi-tour et ne pas trop m'en vouloir : c'est donnant donnant, d'accord ?
Tooru fronça les sourcils, ne voyant pas vraiment pourquoi il pourrait lui en vouloir, quand une nouvelle main se posa sur son épaule.
– Oikawa, rugit presque la voix.
L'expression de son visage se figea tendit qu'il suppliait sa sœur du regard. Pitié dis moi que tu n'as pas fait ça.
Mais il fut tout de même obligé de se retourner, et fit face au visage particulièrement irrité de son meilleur ami.
– Iwa-chan....
– La ferme. Pas un mot. On rentre, et je ne veux pas entendre le son de ta voix, c'est clair ?
Il hocha la tête. En colère comme il était, Hajime aurait pu lui luxer l'épaule simplement pour lui faire comprendre le message.
Ainsi, il commença à le suivre en silence, quand il s'arrêta finalement au bout de quelques pas.
– Oh, se souvint-il soudain. Je crois que tu devrais aller vérifier dans la ruelle près des scellés, dit-il à sa sœur. J'ai.... euh.... dû assommer l'un de tes hommes.
– Dégage de là avant que je te tue ! rugit-elle et il fut presque heureux de s'exécuter.
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