— Bon... Silence ! Écoutez-moi tous ! Ces papiers sont très importants, d'accord ? Comme tout à l'heure, les mineurs à signer par vos parents et les majeurs vous me le rendez maintenant.
À qui ça ne casse pas les couilles la paperasse à chaque début d'année ? À chaque fois c'est la même chose, il faut réécrire les mêmes trucs partout et c'est quelque chose qui me gave vraiment. Je crois qu'on ressent vraiment mon envie d'être présent en ce jour de 1er septembre.
Je soupire en recevant la pile de feuilles, m'en prenant une avant d'en passer à mon voisin de table. Mes doigts écrivent assez salement mon nom suivi de mon prénom ainsi que ma date de naissance. J'ai oublié d'acheter un stylo — des affaires tout court — alors j'écris avec le bic rongé de l'année dernière tel un boloss. Je lance un regard à la classe et, étant tout au fond, j'ai une vue sur tout le monde.
Les emplacements en début d'année déterminent parfaitement les caractères de nos camarades qui vont nous suivre durant ces trois trimestres et ce, jusqu'au bac.
Alors. Je commence. Premières places, ce sont les intellos. Il n'y a pas photo. D'ailleurs, ce que je déteste le plus chez ces cons c'est qu'ils se croient supérieurs à tout le monde avec leur calculatrice dernier cri à 120 boules. Non, ils ont pas pu prendre celle à 80 comme tout le monde. Ils sont obligés de sucer les profs à chacune de leurs répliques et ils kiffent participer. Ils adorent ça, même.
Au milieu, t'as les gens normaux donc les basiques, quoi. Alors eux ça dépend, des fois c'est des intelligents cachés malgré le fait qu'ils papotent et qu'ils dessinent en cours. C'est les types qui font genre qui ont fait leurs devoirs alors que pas du tout, ils ont tous recopiés en recevant les réponses dans le groupe Snapchat de la classe, devoir maison envoyé par un intello servant de taupe.
Et puis au fond, t'as les gens comme moi, ceux qui ont moins de 7 de moyenne. Et c'est une vérité, c'est un fait. Alors nous... On répond jamais dans le groupe de la classe, déjà. Soit on dort, soit on fout la merde. Nous demande pas si on a contrôle le lendemain, j'ai même pas noté le cours gros. Puis ouais. Dans toutes les classes, tu trouveras le même schéma.
Je soupire encore une fois, me lassant déjà de la voix de notre professeur principale. Ça m'a l'air d'une relou, elle. J'essaye de me divertir comme je peux, me balançant légèrement sur ma chaise. Vite que cette merde se termine et que j'aille retrouver Clarisse. J'avoue que j'sais pas trop pourquoi mes pensées se ruent vers elle, c'est que l'ennui dont je suis victime actuellement est tout simplement horrible.
— Bien ! Maintenant que tout est parfait, nous allons commencer. Alors je suis donc votre professeure de français pour cette dernière année de terminale. Afin qu'on puisse tous se connaître un peu mieux vous allez tous vous levez un par un, dire votre nom, prénom et quel métier vous voulez faire plus tard ! Commençons par la première colonne !
Ouais, bien sûr. Elle a fumé quoi en se réveillant ce matin. Tiens, il manquait plus que ça. Folle celle là. Je soupire bruyamment pour attirer l'attention de mes amis, ma tête se tournant vers Kévin qui la secoue négativement de droite à gauche. Romain, lui, j'crois qu'il est un peu plus intéressé par ce qu'il se passe à la fenêtre, fenêtre qui doit sûrement donner sur la cour.
— Je commence ! Alors, bonjour tout le monde ! Enchantée, je m'appelle Angélique Bellefille et plus tard, je veux devenir vétérinaire ! J'adore les animaux, mes parents travaillent dans ce milieu et ils sont une grande source d'inspiration pour moi.
Je croise mes bras et finit par laisser tomber ma tête entre. Putain, j'veux partir loin car j'sais pas quoi dire. J'en suis pas capable car je déteste parler de ça, même d'évoquer ce sujet. Cette prof a de ces idées, mais qui fait ça ?
Je lance un regard ennuyé à cette Angélique qui répond sagement aux questions de la prof. Genre, ces gens là ils m'inspirent pas. Jamais au grand jamais je pourrais leur parler, ayant peur des sujets bizarres qu'il pourront aborder avec moi. Je déteste les intellos aux lunettes, rien qu'en les voyant ben... J'ai envie de mourir.
— Intéressant, merci Angélique, vous pouvez vous asseoir. Passons à... Mr. Julien Kévin ?
— Euh ouais, ouais...
Je me retiens. Sa tête.
— Alors moi c'est Kévin Julien et... Ben j'sais pas quoi faire plus tard m'dame, répond mon pote totalement désespéré.
Certaines personnes sourient, tout le monde a le regard rivé sur lui. Je ne peux m'empêcher de rigoler silencieusement en matant sa tête d'enterré. Mais lorsque je sens le regard de la vieille sur moi, je réajuste ma casquette sur mes yeux et adopte une attitude totalement blasé. Fait chier. J'suis pas le seul, aussi.
— Mmm... Donc vous n'avez aucune idée pour votre futur Monsieur Julien ? Alors, vous savez... Vous n'êtes pas obligé de me dire le métier exact que vous voulez faire, j'aimerais juste une idée à peu près précise de là où vous voulez vous orienter, les études qui vous intéressent... Qu'on soit bien clair, d'accord ? se reprend l'institutrice en s'adressant étalement aux autres, croisant ses bras contre ses seins tombants.
La salle reste silencieuse, je dois dire que les paroles de cette dame ne semble pas trop nous atteindre.
— De mon point de vue, je trouve quand même que c'est alarmant de ne pas savoir à votre âge ! Je vous conseille d'y réfléchir assez rapidement, je rappelle que vous allez faire des vœux en fin d'année, en choisissant vos fac ! s'exclame finalement la vieille en se levant de sa chaise. Il faut savoir ou, du moins, avoir une idée du secteur qui vous correspondrait le mieux ! De toute façon, on va en discuter individuellement de ça.
Genre, elle se prend pour notre CPE ? Ah je déteste les profs comme ça. Enfin bon, j'm'en fiche. Puis ça me fait rire, comme s'ils vont s'intéresser à ce qu'on fout de nos prochaines années... C'est des conneries ça. Qu'ils se contentent seulement de donner leur cours et puis c'est tout, ils sont justement payés pour ça de toute façon.
— Nous en discuterons Mr. Julien ! Bon continuons... Maël Gautier ?
J'entends un bruit sourd de chaise — qui en a fait grincer plus d'un — et lance un regard au gars qui vient de se mettre debout en mode politicien. Bon... Je hausse un sourcil en lançant un regard à Kévin qui exerce un doigt d'honneur discretos vers notre prof avant de poser mes yeux sur le soit disant Maël.
— Bonjour, je m'appelle Maël Gautier et j'suis nouveau ici. Je veux m'orienter dans les sciences, peut-être poursuivre dans une licence chimie ou mathématiques par la suite.
Je ne peux m'empêcher de regarder ce gars qui se tient vers les tables du milieu, côté fenêtre. Un nouveau qui arrive en terminale, personne ne tique mais personnellement, je trouve ça un peu chelou. Enfin bon. Notre institutrice le regarde comme si c'est un ange tombé du ciel et lui pose quelques questions, donnant des conseils sur les universités qui peuvent l'intéresser. Des études de chimie ou de maths, rien que d'y penser ça me donne mal au crâne. Ça doit sûrement être une tête, c'est pas possible autrement.
Je soupire silencieusement en regardant l'autre s'exprimer, totalement ennuyé. Il est blond — une fausse couleur, ses racines châtain sont visibles — avec des cheveux légèrement ondulés sur les pointes. Il a des yeux clairs de ce que je peux voir, comme moi. Il s'habille style pantalon militaire et veste en cuir. Toutes les filles le matent et boivent ses paroles et puis même s'il disait de la merde, ben c'est pareil.
Putain, on n'a vraiment pas de chance sur les meufs cette année. Toutes aveuglées par des mecs qui s'habillent comme s'ils allaient poser pour un casting Gémo ou autre marque qui était surcoté en 2008. Je déteste les mecs comme ça. Et puis, j'remarque son fameux casque de moto noir à ses pieds. Bah ouais, bien évidemment. Toujours plus.
La sonnerie finit par s'enclencher indiquant l'heure du prochain cours. Dans ma tête, c'est un soulagement car je n'ai pas eu le temps de passer à la présentation. Cette routine commence déjà à m'exaspérer, pour être sincère.
Je réajuste ma casquette puis jette mon Eastpak sur mon épaule avant de quitter cette salle de merde. Kévin me rattrape rapidement avant de soupirer lourdement à mes côtés, tout aussi saoulé que moi. Romain vient aussi et, nos pas nous guident vers notre prochaine torture mentale.
— Bon... J'crois va falloir s'accrocher les gars. On n'aura pas de belles meufs cette année.