Vingt mille lieues dans tes y...

By ManonSeguin

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Gabriel quitte sa ville métropolitaine pour terminer ses études au calme. Loin des gens peu souriants, de la... More

Prologue
1. Une sensation nouvelle
2. Là où la lumière ne frappe jamais
3. Diviser pour mieux régner
4. Les gens ne sont pas que ce qu'ils montrent
5. Maman, je me suis trompé de destination
6. Chantons sous la pluie
7. Les mots du coeur et les maux du monde
8. Etre ce que l'on attends nous
9. Jacquouille la Fripouille
10. Gaby & Gabriel
11. Discussion polochon
12. Une matinée dans les blés
13. Pic-nique et coups bas
14. Hérisson
15. Aux mots que l'on ne pense pas
16. Vivre sans avoir de regrets
17. Basile
18. Hérisson, chaton & poussin
19. Jouer avec son reflet
20. Quand l'heure viendra...
21. Crise de panique et prise de cœur
22. Aux coups durs de la vie
23. Copain coquin
24. Gaby aux commandes, ça déchire !
25. Les jardins clos de solitude
26. Promets-le-moi
27. Tempête et drame - Partie 1
28. Tempête et drame - Partie 2
29. A ceux qui partent trop tôt
30. Entends-moi, entends ma voix
32. L'Exorciste
33. Peser son poids
34. Je t'aime
35. Et demain ?
36. Merci maman
37. Avoir quelqu'un qui nous comprends
38. La grande évasion
39. Séparation
40. Moi je suis prêt, et toi ?
41. Les opposés s'attirent et se complètent
42. L'amour rends aveugle

31. Conséquences à venir et promesse d'avenir

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By ManonSeguin

-BASILE-

Je ne sais pas faire un nœud de cravate. Je ne sais pas dans quel sens je dois la tourner ou comment la positionner autour de mon cou. Je ne sais pas si c'est dans ce sens là ou l'autre. Je n'arrive pas à faire la différence. Je ne sens pas, la différence. Je sens le tissu sur moi, me frôlant la peau, le cou, mais mes doigts sont incapables de se souvenir. J'ai oublié. Suis-je obligé d'en mettre une ? J'ai horreur des cravates, ça nous serre, ça nous étouffe.

Et honnêtement, j'étouffe suffisamment comme ça.

- Basile ? C'est moi ! Tu es prêt ?

Non. Comment puis-je être prêt ? Comment peut-on être prêt à mettre quelqu'un en terre ? Moi, je ne le suis pas. Personne ne l'est vraiment. Pourtant, on sait qu'un jour ou l'autre, on va tous y passer. Bien souvent on enterre nos grands-parents, puis nos parents. Des fois, un ami ou deux y passent.

Mais moi ? Moi j'ai connu ça bien trop de fois en une vie. Je devrais en avoir l'habitude maintenant, je devrais savoir à quoi m'attendre et pourtant...Je n'arrive pas à me faire l'idée. Je n'arrive pas à me dire que Manu ne sera plus là.

- Qu'est-ce que tu fiches sur ton lit, assis comme ça ? En plus, tu n'as même pas ouvert les volets, on n'y voit presque rien !

Je m'en fiche. Je n'y vois rien de base moi.

J'entends alors le grincement bien distinctif des volets en bois quand on les ouvre et remarque que le plancher craque à chaque pas de Cléo. Je sens ses mains m'agrippant les bras et me relevant pour me mettre debout alors que je n'ai qu'une envie : resté couché toute la journée. Ne plus bouger et attendre.

- Je te laisse une matinée tout seul et tu te laisses déjà dépérir. Si tu continues comme ça, des champignons vont pousser sur ta tête.

- Finalement, j'ai changé d'idées Cléo, je n'ai pas envie d'y aller.

- Qu'est-ce que tu racontes ? Il faut qu'on soit là. On doit être présents Basile. Ça ferait plaisir à Manuel.

Mais Manuel est mort et je ne pense pas que ma simple présence change quoi que ce soit. Je suis un fervent partisan de l'idée de quand on meurt, on devient de la bouffe pour asticot. Il n'y a pas de vie meilleure après. Il y a juste...La décomposition et notre cadavre qui gonfle avec la chair en putréfaction.

- Au fait ! Tu as appelé la mère de Gabriel ? Qu'est-ce qu'elle t'a dit ?

- Elle devrait arriver dans la journée. Elle m'a dit qu'elle venait avec une amie de la famille.

- Tu sais à quelle heure ? Après l'enterrement on peut aller la chercher directement à la gare.

- Cléo ?

- Quoi ?

Je sais ce qu'elle fait ou du moins ce qu'elle tente de faire et je n'aime pas ça. Faire comme si tout allait bien. Pourtant même si je ne la vois pas, je perçois distinctement les vibrations dans sa voix, son comportement rapide et nerveux, ce faux ton joyeux...Je ne sais pas ce qu'elle essaye de faire en se montrant comme ça, mais ça ne prend pas avec moi. Alors, pour lui faire comprendre, je l'attire contre moi et la prends dans mes bras.

- Ne te sens pas responsable, s'il te plaît. Pas de ça avec moi. Tu as tous les droits de pleurer et d'être triste, personne ne t'en voudra.

Et elle craque. D'un coup. Net. Ses doigts attrapent ma chemise tandis que ses pleures, son chagrin, fait écho au mien.

Manu est mort. Nous avons le droit d'être tristes. Nous avons le droit d'avoir de la peine. D'avoir mal. Mais nous n'avons pas le droit de nous sentir coupable. Ce n'est de la faute de personne. Ni de la mienne...Ni de la sienne. Personne n'aurait pu prévoir ce qui allait se passer. Personne n'aurait pu savoir que le barrage allait lâcher emportant tout avec lui sur son passage. Personne n'aurait imaginé que Gabriel et Manuel se retrouvent tous les deux mêlés à ça.

La cérémonie fut brève et pourtant je l'ai vécu comme un supplice sans fin. Combien de fois devrais-je me tenir là ? Combien de fois vais-je entendre ces lamentations silencieuses ? Je n'ai pas envie de remettre les pieds dans ce cimetière. Jamais ! Mais pourquoi ai-je l'impression que "jamais" me paraître être en réalité un "demain". Je me sens comme hanté par la mort et où que j'aille son ombre me suit et ne m'autorisera jamais le bonheur complet et total. Pourquoi faut-il toujours que quelqu'un meure ? Pourquoi faut-il que l'on m'inflige cela ? Qu'ai-je fait pour mériter ça ?

Suis-je donc un monstre, une tare ? Est-ce une sorte de condamnation pour je ne sais quel péché commis ?

Aimer, trop aimer, est-il mon pêché ? Parce que tous les gens qui semblent me quitter au fur et à mesure de ma vie sont des gens que j'ai beaucoup trop aimés.

- C'est Manu qui m'a appris à faire les nœuds de cravate.

- Hmm ? Quoi ?

- Non rien.

C'est vrai. Maintenant que j'y pense, c'est lui qui m'a appris. Je me souviens de son rire, de ses mains contre les miennes, de mon dos contre son torse tandis qu'il se tenait juste là, derrière moi, à m'apprendre. On a refait le geste encore et encore et encore. Tout doucement. J'ai appris en refaisant ses mouvements. J'ai sincèrement aimé Manuel. De tout mon cœur.

Mais j'aime Gabriel de toute mon âme et je me refuse à l'idée ou bien même la conception d'une possibilité qu'il soit le prochain.

Si c'est cela ma punition divine, alors Dieu entends-moi, entends ma prière : Quand Gabriel se réveillera, si dommage au cerveau il a , faites qu'il ne se souvienne pas de moi.

Je ne supporterais pas l'idée d'un monde sans lui. Qu'il soit loin et en vie et heureux est, en soit, tout ce qui m'importe. C'est con, hein ? Mais c'est comme ça. Je souhaite son bonheur, je l'ai toujours souhaité et je sais bien qu'il ne sera jamais pleinement heureux s'il reste avec moi.

- Bon, je te dépose, je dois aller faire des courses, je reviens te prendre dans une petite heure, d'accord ?

- Merci Cléo.

- Hé Basile !

- Qu'est-ce qu'il y a ?

- Essaye d'être heureux, OK ? De surmonter ça.

J'essayerais. Crois-moi. J'essayerais de toutes mes forces, mais j'arrive à un point de rupture. Je le sens. J'ai l'impression qu'à chaque fois que je tends la main pour atteindre le bonheur, ce dernier me file entre les doigts. C'est horrible. On dirait que je n'y ai pas le droit.

Je peux le goûter, mais pas le savourer.

- Que dites-vous, je ne comprends pas bien ?

- Dû à l'incident ayant impliqué votre fils, ce dernier a souffert d'une grave ischémie cérébrale. Son état est cependant stable, mais il n'y a pour le moment aucun signe d'amélioration. Le souci étant qu'au moment du réveil, il faut que vous vous prépariez mentalement à de possibles conséquences.

- Quelles genres de conséquences ?

- Cela peut aller de la perte de mémoire aux troubles moteurs. Nous ne savons pas encore à quel degré cela l'a affecté.

- Trouble moteur ? Vous dites que...Oh mon dieu.

Non. Non, non, non. Gabriel ne sera pas...Non.

Voulant reculer, les jambes tremblantes, le cœur palpitant, je percute malencontreusement le chariot de l'infirmière et tombe par terre, entendant alors la porte de la chambre s'ouvrir.

- Oh ! Basile. Tu es venu.

- Basile ?

Soudain, je sens une main étrangère à hauteur de mon épaule tandis qu'un silence s'installe progressivement.

- Donc c'est toi, hein ? Viens dans mes bras.

Je présume que la mère de Gabriel me prends dans ses bras et me serre tellement fort contre elle, que l'espace d'un instant j'ai comme l'impression que son étreinte est à double sens. Une part d'elle me semble soulagée. Apaisée.

- Merci.

Pourquoi ? Pourquoi me dites-vous "merci" ? Pourquoi, hein ? Je n'ai rien fait ! Je n'ai pas pu aider Gabriel. Je ne peux rien faire pour lui et...et...

- Tu vas me prendre pour une folle, mais j'ai l'impression de te connaître. C'est certainement dû à l'imbécile heureux qu'est mon fils quand il est amoureux. J'espère qu'il ne t'a pas trop embêté, il est plutôt...fonceur quand il a une idée en tête.

- Vous savez déjà que...

- Bien sûr ! Viens avec moi cinq minutes.

Elle m'aide à me relever tandis qu'elle prend ma main, qu'elle pose sur son bras avec une grande délicatesse et une douce bienveillance alors qu'elle me guide à travers les couloirs de l'hôpital jusqu'à l'extérieur.

- Tu vois, le problème de Gabriel, c'est que c'est un éternel bavard. Une vraie pipelette ! Quand il est lancé, on ne l'arrête plus. Et ça vaut pour la longueur de ses textos. Je les ai tous gardés depuis son séjour ! Attends.

Je n'y crois pas. Gabriel a parlé de moi à sa mère ? Qu'est-ce qu'il lui a dit ?

"Aujourd'hui tout va bien, j'ai commencé les papiers pour m'inscrire à la fac en ville, ne t'en fais pas. Il faut que je te raconte quelque chose !"

- Mais ça, ce n'est que le début, écoute ça.

"Je t'ai déjà parlé de Basile maman ? Sans doute que oui dans un précédent SMS. Dis-moi, tu crois qu'il est possible d'aimer quelqu'un au premier regard?"

- Et ça continue sur une dizaine de textos...

"J'aime Basile. Je ne sais pas comment le définir, mais je l'aime et je veux te le présenter. Je veux que tu vois ce que je vois en lui. Je veux que tu comprennes ce que je ressens. Je veux te dire que je suis amoureux d'un garçon un peu bizarre, qui est aveugle dans tous les sens du terme, mais qui entend la mélodie d'un monde si longtemps oubliée"

- C'est...waw...

"Maman. Je l'ai fait. Je sais, je te l'annonce par texto, c'est pourri, mais...J'ai personne à qui dire ça. Pour la première fois de ma vie je suis pleinement heureux maman. Vraiment, vraiment heureux. Je veux que tu me voies heureux comme je le suis maintenant."

- Il y en a combien des SMS comme celui-là ?

- Tous un petit tas. Désolée de ne pas pouvoir te les faire lire Basile.

- Non...Ce n'est pas grave...C'est juste...C'est...Non, je ne sais pas. Je n'ai pas les mots et...

Hé, dis-moi pourquoi ? Pourquoi soudainement mes larmes se mettent à couler devant elle ? Pourquoi est-ce que je décide de craquer maintenant ? Je voulais être fort. Vraiment fort. Je voulais lui montrer que j'étais capable de m'en sortir. Que je pouvais le faire. Je voulais...

- Je n'ai pas envie que Gabriel m'oublie !!!

- Et moi je ne veux pas que tu oublies mon fils. Quoi qu'il arrive dorénavant, il aura besoin de toi. Quoi qu'il advienne quand il ouvrira ses petits yeux, il aura besoin de toi, d'accord Basile ? Promets-moi de veiller sur cet idiot qui en fait toujours trop.

- Je promets ! Je promets ! Je promets !

- Tant mieux. Je te le confie alors. Je sais qu'il est entre de bonnes mains.

Je ne le lâcherais pas. S'il faut que Gabriel m'oublie alors soit, je me prépare. Mais toi là-haut, qui que tu sois, oublié ou pas, je continuerais à aimer ce gars et s'il faut, je le referais tomber amoureux de moi !

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