''On devrait peut-être l'oublier'' me propose Karla un matin, assise à côté de moi sur le canapé.
''Si seulement c'était si facile'' je fais remarquer sans rien ajouter de plus.
Elle se tait et reste regarder la télévision avec moi, mais je sens quelque chose dans son expression du visage changer, une lueur dans son regard revivre, et c'est à ce moment-là que je comprends qu'elle est déterminée à agir.
Si seulement j'étais aussi forte.
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''Viens, on va courir'' lance Karla en agrippant mon poignet et en m'entraînant dehors.
''On ne peut pas ! Il pleut !'' je constate, une constatation sûrement idiote puisqu'elle a dû le remarquer.
''Et alors ?'' elle m'entraîne vers la sortie. ''Qui a dit qu'on ne pouvait pas courir sous la pluie ?''
Elle est folle.
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Je ne sais pas pourquoi je fais ça. Je ne sais pas pourquoi je cours alors qu'il pleut à flot. Je cours même si les gouttelettes d'eau atterrissent sur ma capuche, et que je frissonne légèrement sous mon gilet.
Je déteste courir.
Le temps s'acharne contre moi : les gouttes d'eau continuent de s'abattre sur nous, mes mains sont gelées, mon nez doit sûrement être rouge à cause du froid.
Et pourtant, j'ai l'impression d'être vivante.
Avec mes jambes qui me font plus mal que jamais, mes mains qui sont glacées, et cette impression que je vais m'évanouir d'un moment à l'autre.
J'aime courir.
J'ai l'impression de pouvoir enfin échapper à ce qui me faisait peur depuis si longtemps.
Même si je ne sais pas exactement ce que c'est.
Peu importe qu'il pleuve. Peu importe que ma gorge me fasse mal. Peu importe que je sois essoufflée.
Tu as plutôt intérêt à continuer à respirer.
Parce que je n'arrêterai pas de courir.
—
Je la regarde une dernière fois, elle, si courageuse, si déterminée, si belle.
''Merci'' je murmure une dernière fois, faiblement, avec une voix tremblante.
''Quoi ?'' elle me lance un regard confus et se tourne dans ma direction.
''Rien.''
Il est temps que j'agisse par moi-même.
—
''Tu vas où ?'' Elle m'interroge en me voyant ranger mes affaires dans les valises, un soir comme les autres.
''Le rejoindre'' je réponds simplement et j'observe son expression changer complètement.
Ses yeux brillent d'une lueur dangereuse tandis qu'elle me fixe, l'expression soudainement plus dur qu'il y a quelques instants.
''Quoi ?'' son ton est presque menaçant, et il m'effraye.
J'ai l'impression de ne plus savoir respirer correctement pendant un moment, mais je répète lentement quelques secondes après :
''Le rejoindre.''
Les larmes ne me viennent pas. Parce que je sais que j'ai fait le bon choix.
Les larmes ne lui viennent pas. Parce qu'elle sait qu'elle ne peut rien y faire.
C'est comme ça que ça doit se finir : je ne peux pas juste partir.
Je dois le revoir.
Et c'est comme ça que je quitte Karla pour aller retrouver Jungkook.
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Je me retrouve seule, à l'aéroport, une valise dans la main, mon ticket d'avion dans l'autre.
Je suis fatiguée. Je suis fatiguée de tout ça. Je pensais qu'une fois arrivée à l'aéroport, je saurai que j'ai fait le bon choix.
Pourtant, je suis plus confuse que jamais, là : je suis plus seule que jamais.
''Aela !'' je me retourne dès que l'on m'appelle.
Et c'est là que je vois Karla, en train de courir vers moi comme si sa vie en dépendait, l'air essoufflé.
''Tu sais que mon avion ne décolle que dans deux heures, n'est-ce pas ?'' je demande en remarquant qu'elle a sprinté comme si sa vie en dépendait.
La tête qu'elle fait ensuite montre clairement qu'elle n'était pas au courant.
''Mais... Pourquoi est-ce que tu es parti à cinq heures du matin, alors ?'' elle me questionne, confuse.
''Je préfère toujours prendre des précautions et y aller plus tôt.'' je réponds simplement, en m'empêchant de rigoler en la voyant si fatiguée inutilement.
Je baille afin de lui poser la question qui me taraude depuis le début :
''Qu'est-ce que tu fais ici?''
J'examine ses cheveux blonds ébouriffés qu'elle n'a pas eu le temps de coiffer, et dirige mes yeux sur les siens quand elle répond :
''Je suis venue te dire au revoir.''
Sourire triste.
''Pourquoi ? Je reviendrai.''
''Et tu ne seras plus la même."
Même sourire triste.
Je devrai peut-être m'excuser. Je veux m'excuser. C'est trop dur de s'excuser.
''Je reviendrai quand même'' j'insiste en la voyant si triste.
''Ne reviens pas, s'il-te-plaît.'' elle me demande, ses yeux se faisant suppliants.
''Quoi ?'' les mots se coincent dans ma gorge après avoir entendu sa requête.
''Il vaut mieux que tu ne reviennes pas.'' elle explique en me regardant dans les yeux. ''Je te détesterai si tu revenais avec lui. Ça ferait trop mal."
Je me détesterai si je ne revenais pas avec lui.
Et c'est à ce moment-là que j'ai compris qu'il fallait que je fasse un choix. Qu'il fallait faire un choix, parfois, presque toujours.
C'est Karla ou moi.
C'est partir à la recherche de mon bonheur, ou à la recherche du sien.
Être égoïste ou pas.
J'ai déjà fait mon choix.
''Je pars quand même.''
Je suis égoïste. Je choisis la vie à la survie.
Et je ne regrette rien.
''Je pars, et si tu veux me détester, très bien. Je pars, et je ferai tout pour le retrouver."
Et elle sourit.
''Au revoir, alors.''
Et je plonge dans ses bras, l'enlaçant une dernière fois.
Karla est quelqu'un de fort: je sais qu'elle survivra.
Je sens la tristesse m'envahir peu à peu. Alors je la serre plus fort.
Elle me rend mon câlin, et je sais déjà qu'elle essaye de rester forte.
Quelques secondes après, nous nous détachons l'une de l'autre.
''Au revoir, Karla.'' je dis, pour la dernière fois sûrement. ''Je pars et je ne me retourne pas.''
Et c'est ainsi que débute mon histoire.
Ce n'est pas la fin.
Parce que je suis Aela, et qu'Aela se relève à chaque fois qu'elle tombe.