*Dernier Chapitre*
-Reconnaissez vous être celle qui répond sous le nom de Louise, fille de Guillaume, ancien conseiller du roi Robert de Wayton et de Flore, couturière de la famille royale ?
Louise était assise sur une chaise de bois, qui constituait le centre de la salle de jugement, située à proximité de la grand-place. De grands bancs de bois étaient disposés en cercle autour d'elle et Ulrich, qui se trouvait être le juge du procès, se trouvait assis à quelques mètres d'elle, la surplombant d'un bon mètre en raison de l'estrade spécialement aménagée.
-Oui, répondit simplement Louise.
Des centaines de têtes étaient tournées vers elle, analysant ses moindres faits et gestes.
Ulrich commença alors à clamer haut et fort ses crimes. Louise, quant à elle, n'écoutait aucun des termes de ce tissu de mensonges et regardait nerveusement chacune des têtes une à une afin d'apercevoir le visage angélique d'Aure, certainement pour la dernière fois. Mais, après tous les avoir inspecter, elle dût bien admettre qu'elle n'était pas la et reporta son attention vers Ulrich.
-Je vous condamne donc, par la présente, à un crime de haute trahison.
Vous êtres condamnée au bûcher. La sentence prend exécution immédiatement.
Avez-vous quelque chose à dire ?
-Ma conscience est mon seul juge.
Des gardes l'entourèrent et l'escortèrent jusqu'à la sortie de la salle. L'exécution devait avoir lieu sur la grand-place, de façon à ce que tous les citoyens de Wayton puissent venir l'observer.
Les gardes royaux commençaient déjà à empiler du bois et de la paille autour d'un poteau de bois. Des curieux commençaient à former une foule murmurante et compacte autour de la place et chacun semblait se demander ce qui se tramait. Les mercenaires poussèrent Louise sur le devant de l'estrade et Ulrich vint se placer à ses côtés.
Il s'éclaircit la gorge et le silence se fit. Les citoyens présents semblaient le regarder avec peur et méfiance.
-Louise, fille de Guillaume et de Flore...
Ulrich débitait les habituelles formules tandis que Petrus se plaçait à ses côtés, sous le regard haineux de Flore. Plus rien ne pouvait apaiser ce sentiment. Elle rêvait désormais de voir sa tête empalée sur une pique. Mais elle n'avait pas perdu espoir, elle avait confiance en Firmin, il mettrai tout en œuvre pour la sauver.
Louise, quant à elle, croisa le regard de son père. Il semblait empreint de désespoir, voire même plus que Louise elle même. Elle semblait en paix avec elle même et acceptait son sort avec une sagesse étonnante pour son jeune âge.
Firmin lui aussi avait les yeux rivés sur la condamnée. Il avait laissé le document sur le bord de la fenêtre pour qu'Aure le prenne. Il avait pris un risque énorme. Néanmoins, seule Aure avait le pouvoir de sauver Louise et de rendre l'affaire publique. Elle viendrait, cela ne faisait aucun doute pour Firmin. La seule question demeurait : arriverait-elle à temps ?
Louise avait d'ores et déjà ses mains liées au poteau. Elle gardait les yeux fermés, marmonnant des paroles inaudibles. Il s'agissait en réalité de prières. Elle n'avait jamais été particulièrement croyante. Néanmoins, en cet instant, prier semblait la seule chose à faire, pour empêcher son esprit de s'égarer dans d'effrayantes réflexions.
Ulrich, lui, se délectait de la situation. Il alluma la torche et s'apprêtait à enflammer le bûcher. La foule ne disait mot, contemplant la scène avec horreur, n'ayant aucun pouvoir de décision.
Firmin et Flore commençaient à sentir la sueur perler sur leur front.
Alors qu'il lançait la torche, une main stoppa son geste. Ulrich se retourna avec rage et fut surpris de se retrouver face à sa sœur.
-Qu'est ce que tu fais ? demanda-t-il les dents serrées.
-Ulrich, je t'en prie, il est encore temps d'arrêter tout ça, murmura Aure d'un ton suppliant.
S'il y avait un moyen de ne pas mettre son frère dans cette situation, elle devait le tenter.
-Écarte-toi ou je te jure que je te fais brûler avec, déclara-t-il d'un ton menaçant.
Il n'abandonnerait pas, elle le savait. Elle n'aurait pas d'autre choix que de révéler sa trahison. Elle sortit le parchemin de sa ceinture et s'avança au devant de la foule.
Petrus reconnut immédiatement le document et se dirigea vers elle, l'épée levée. Il l'appuya contre son dos tout en la menaçant :
-Si vous ne voulez pas que j'appuie malencontrrreusement surrr mon épée, vous allez me rrrestituer ce document immédiatement.
Firmin observait avec appréhension la scène qui se déroulait sous ses yeux. Il devait absolument faire quelque chose. Il se saisit de sa dague et s'élança sur l'estrade, parvenant à esquiver les soldats. Il se plaça derrière Petrus et plaça son poignard tout contre sa gorge.
-Laissez la finir, menaça-t-il.
Aussitôt, sous les ordres du roi, les mercenaires se disposèrent en cercle autour des trois individus.
Louise, quant à elle n'en croyait pas ses yeux. Ses amis ne l'avaient pas abandonnée. Même si elle devait mourir aujourd'hui, son âme était en paix. Aure était venue la sauver et était désormais prête à risquer sa vie pour sauver la sienne. Elle croyait en son innocence.
Le temps semblait comme suspendu. Les lueurs rosées avaient disparu au profit d'un soleil déjà bien haut dans le ciel, ce dernier éclairant la scène. Soldats comme citoyens, chacun retenait son souffle. L'atmosphère était tendue comme jamais et l'état était à la frontière de la guerre civile.
-Le roi et son conseiller ont trahi le royaume, annonça Aure, d'une voix forte de façon à être entendue par tous.
Ces paroles lui valurent une forte douleur dans le dos. L'épée s'était enfoncée un peu plus profondément dans sa chair. L'atmosphère se tendit encore un peu plus, la rendant insoutenable.
-Je pense que personne ne peut mettre en doute la parole de Guillaume, continua-t-elle.
Un cercle se forma autour du pauvre homme et lui laissa un passage jusqu'à l'estrade. Il s'avança, les jambes tremblantes et se saisit du document.
-Empêchez-le, hurla Ulrich aux soldats.
Mais avant que ces derniers n'aient fait un seul pas, un mur protecteur et compact s'était déjà formé autour de Guillaume.
Celui-ci se mît alors à lire à haute et intelligible voix le "pacte d'assistance mutuel". Au fur et à mesure de sa lecture, un grondement grandissant s'élevait de la foule. Même les gardes rejoignirent les rangs des villageois.
La rage fut fortement accrue lors de la mention du versement des bénéfices des mines d'or et de diamants à Pyrgos.
Une fois cette lecture terminée, le peuple se mît à avancer comme un seul homme vers l'estrade.
Petrus, qui sentait la panique le gagner clama :
-Comment pouvez-vous crrroirrre cela ? Ils essayent de vous rrretourrrner contrrre nous enfin !
-Petrus, le conseiller du roi de Wayton, et roi de Pyrgos a trahi ce pays, répondit une voix forte. Si je le sais, c'est parce que je suis sa femme, et que j'y ai participé.
Le silence tomba de nouveau et tous se tournèrent vers Flore avec intérêt et surprise. Petrus la regarda avec haine.
-Je ne demande pas votre pardon, je ne souhaite que vous éclairer. J'expie aujourd'hui mes péchés en rétablissant la vérité. Ils nous a utilisés Ulrich et moi dans un but de conquête.
Il a même réussi à le convaincre de tuer son propre père.
A ces mots, la foule se tourna et fondit sur eux. La tension était à son comble.
Firmin et Aure en profitèrent pour laisser le champ libre à cette masse révolutionnaire et pour venir délivrer Louise. Cette dernière leur tomba dans les bras.
-Pardonne-moi, murmura Aure.
Louise prit sa tête entre ses mains et plongea son regard dans le sien.
-C'est déjà fait, conclut-elle avant de l'embrasser.
Aure se tourna vers Firmin et le remercia.
-Tu as laissé le document volontairement n'est-ce-pas ? demanda-t-elle.
Firmin hocha la tête, un sourire malicieux s'était glissé jusqu'à ses lèvres.
-Merci d'avoir cru en moi.
A cet instant, Guillaume arriva at souleva sa fille dans les airs, des larmes de joie dévalant ses joues.
-Merci Aure, déclara-t-il par la suite.
-Ne me remerciez-pas, remerciez plutôt Firmin. C'est lui qui a risqué sa vie pour le document.
Guillaume regarda le jeune voleur comme s'il n'en croyait pas ses oreilles et le saisit a son tout dans ses bras, dans une étreinte à vous en briser les os.
Par la suite, Flore fit son apparition dans leur champ de vision. Elle semblait dévastée et lançait un regard suppliant à sa fille et à Guillaume.
-Je sais que vous ne pourrez certainement jamais me pardonner, et je veux que vous sachiez que je respecte cette décision...
Louise lui adressa un sourire encourageant et Guillaume se dirigea vers elle et prit ses mains dans les siennes.
-Je t'aime Flore, dit-il simplement avant de l'embrasser tendrement.
La vérité sur la naissance de Louise n'était toutefois pas ébruitée et Flore emporterait ce secret dans la tombe.
Seul son mariage avec Petrus n'en était plus un et sa complicité. Néanmoins, ceux la lui étaient déjà pardonnés.
Flore, après ce moment privilégié avec son mari en profita pour avoir une conversation seule a seule avec Firmin.
Il s'assirent sur le bord de l'estrade et Flore brisa le silence.
-Je te remercie pour tout ce que tu as fait Firmin. Je ne pense pas le mériter.
-Je ne l'ai pas fait pour vous si cela peut vous rassurer.
-Je ne parlais pas seulement du vol de document, continua-t-elle, merci de ne pas lui avoir dit qui était son véritable père.
-Je réitère, je ne l'ai pas fait pour vous. Ce n'est pas à moi de lui apprendre. Et cela la détruirait.
Flore sentit son estomac se nouer et regarda la scène qui se présentait devant elle.
Les corps de Petrus et d'Ulrich se perdaient dans la foule haineuse. Seuls des cris stridents témoignaient de leur présence. Après quelques secondes pourtant, ces derniers s'évanouirent et le calme se fit de nouveau dans le royaume.
Le soleil était au zénith et projetait sa chaleur réconfortante sur Wayton. C'était une belle journée. Tout était bien. Nous étions dimanche, la semaine pourpre prenait fin.