Chapitre 7-Préméditation- [Ajouté]

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Des spasmes agitaient son sommeil, accélérant sa respiration jusqu'à la rendre haletante. On le brûlait, on lui transperçait le corps de milliers de poignards qui empoisonnaient jusqu'à ses souvenirs, ses pensées, son âme. Il ne parvenait plus à réfléchir. Cette chose dans sa poitrine, qui s'apparentait autrefois à un cœur, ne comptait plus les assauts faits à ses battements, si meurtri qu'il ne pouvait plus l'être davantage. Se tournant, se retournant, tentant de plier son corps dans toute position qui lui permettrait de le relaxer enfin, le jeune homme restait tremblant.

Était-ce de la peur, de la fièvre ? Nul ne savait le dire, même pas lui. Un mélange de noirceurs qu'on ne saurait, à coup sûr pas davantage comment qualifier des siècles plus tard, quand on évoquerait sa personne, ses exploits, sa grandeur.

Mais pour l'heure, il n'était autre que ce petit être frêle d'une quinzaine d'années, se débattant en hurlant contre ses propres démons, assailli de toute part, tentant de les chasser seul dans la nuit, des larmes roulant et s'écrasant dans les profondeurs, d'où il espérait une ultime illumination. Qu'importe d'où elle venait tant qu'elle parvenait à affaiblir ces épines qui le vidaient de toute énergie. L'espoir paternel, maternel, fraternel, avait fui, vaincu depuis bien trop longtemps pour que son souvenir ne devienne ardent. La sueur commençait à couvrir son front blême, tous muscles tendus. La phase finale, la pire, l'anarchique, approchait. Derrière ses paupières maintenues closes avec effort, des lumières folles se jetaient sur la toile, créant des entités abstraites qui lui déchiraient les entrailles. Le vide, au seul instant où il le désirait, n'existait pas. Plus il tentait de détourner son esprit de ces profondeurs infinies, plus son père apparaissait devant lui, chérissant des lumières qui jamais ne l'éclaireraient.

―Mon prince ?

Était-ce un songe ou la réalité ? Il ne savait plus dire. Dieu, le Diable, qu'importe le nom qui lui avait été attribué, tentait de le tromper. Mais il n'avait plus la force de lutter.

Vacus, le médecin royal, à qui l'on avait octroyé l'appartement communiquant, apparut et posa une main sur l'épaule d'Ulrich, qui se voulait délicate.

―Vous avez recommencé, annonça-t-il, le traitement est inefficace.

Les relations se firent dans l'esprit d'Ulrich le temps d'une seconde. La saignée n'avait pas fonctionné des années auparavant. Ces plantes, il avait été les chercher le matin même en personne, parce qu'il ne fallait pas que le médecin du roi quitte sa position, son père avait uniquement permis qu'il soit géographiquement rapproché de son fils. Ce dernier remède que le médecin pouvait lui proposer, ne l'apaiserait jamais.

―Dans ce cas, pitié, tuez-moi.

Vacus recula de plusieurs pas, sans croire les mots de ce jeune homme, qui faisait d'ordinaire tout pour paraître invincible. Sa carapace se brisait régulièrement en sa présence, comme le jour où il l'avait découvert à la chapelle du château, tremblant sur le sol de pierre à s'en briser les os, hurlant à en fendre les cieux pour qu'ils lui rendent sa mère, mais jamais aussi complètement.

―Vous êtes à la dernière phase de la crise, mon prince, il n'y en a plus pour très longtemps, vous pouvez la surmonter.

Ulrich ferma les yeux et songea à la seule chose qui pouvait l'aider en cet instant.

Et en effet, il la surmonta avec, comme chaque fois, des retombées plus ou moins importantes sur son humeur du lendemain. Ces bras tendres, pendant une seconde, lui donnèrent une sensation d'importance, tout simplement d'existence. Ils lui prouvaient que lui, Ulrich, n'était pas né ici par le plus grand des hasards, tout simplement, que quelqu'un quelque part l'empêcherait de partir et le rappèlerait à lui si tel était le cas. Une sensation bien illusoire dans ces jeux de pouvoir.

Aure Pourpre [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant