Chapitre 8-Poison- [Réécrit]

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Le village ne s'était pas encore éveillé. Seuls les pas d'un garçon sur les pavés froids résonnaient dans ce silence oppressant, ponctué par les couinements des rats dans les bas fonds d'une taverne sur sa gauche. Dans la rue commerçante de Wayton, toutes les échoppes étaient fermées. Il faudrait tout de même se hâter. Ulrich n'arpentait jamais la grand-rue. Il haïssait lorsque son père le forçait à descendre au village en sa compagnie une à deux fois chaque année, se mélanger aux vilains et aux commerçants de cette façon lui donnait l'impression qu'il renonçait à tous les avantages qui lui étaient donnés par sa naissance, la seule condition dont il pouvait presque entièrement jouir, songea-t-il. Après tout, si Dieu l'avait  fait naître dans cette famille, c'est qu'il avait été désigné pour se placer au-delà de toutes ces âmes endormies à quelques mètres de lui.

Toujours était-il que sa connaissance limitée du village lui jouait aujourd'hui des tours. Observant les devantures, il ne parvenait pas à trouver la seule qui l'intéressait en ce jour particulier. Il avait beau s'être rendu la veille même chez le meilleur apothicaire du royaume, il ne pouvait décemment pas y retourner ce matin-là. La discrétion était devenue le maître mot de toute son existence. L'apparence également. Le but de son expédition n'était plus de trouver un traitement pour sa propre personne, bien au contraire, il s'agissait d'une élimination. La chasse de la veille avait été une révélation pour Ulrich. Il n'y parviendrait pas de sang froid. Il lui faudrait passer par un autre moyen. Il ne faisait pas seulement cela pour lui, la rancœur qui l'animait n'était après tout plus seulement personnelle. Elle l'avait été, il était vrai, toujours être relégué au second plan, être l'élément perturbateur d'une famille parfaite,à cause de ses crises. Il avait été méprisé, mais plus encore, il faisait cela pour le royaume. Pour le sauver de la faiblesse de son père, il n'avait plus d'autre choix. Ce serait une élimination passive. A l'instant où ce mot résonna dans l'esprit d'Ulrich, comme un coup de poignard scindant son âme en deux, la devanture qu'il cherchait apparut enfin. Ulrich se présenta devant elle, frappa à la porte,attendit quelques secondes et recommença. Ainsi, il fit de même trois ou quatre fois frappant chaque fois un peu plus fort. Il commençait à s'impatienter, il n'avait qu'une ou deux heures devant lui avant qu'on ne se rende compte de son absence au château. De plus ses coups risquaient d'attirer un voisin un peu trop curieux à chaque instant. Au bout de quelques minutes, une chandelle s'alluma et un vieil homme en peignoir vient à la rencontre d'Ulrich.
Le visage de l'apothicaire apparut alors derrière le cadre de la porte,l'air interdit. Son regard passa tout d'abord sur le visage juvénile de son prince, avant de détailler son habit et que les liens ne se fassent dans son esprit. Son teint livide s'illumina lorsqu'il reconnut son petit seigneur, juste avant de s'empourprer.

―Mon prince, pardonnez ma tenue...

Bien entendu qu'il l'avait reconnu,Ulrich comptait là-dessus pour obtenir ce qu'il voulait à cette heure. Cela compliquait néanmoins sa mission en mettant en péril le caractère nécessairement discret de sa venue. L'apothicaire ne serait certainement pas un modèle d'intelligence, mais ses connaissances dans les poisons égaleraient au moins celles d'Ulrich.C'était tout de même son métier.

―J'ai besoin de certains de tes ingrédients, apothicaire, le coupa Ulrich.

En voyant que le vieil hommes'apprêtait à ouvrir la bouche, il ajouta :

―Maintenant.

L'apothicaire se retira pour le laisse rentrer, tout en s'inclinant du mieux qu'il put, certainement en raison de problèmes de dos, même s'il paraissait relativement  en forme, et referma la porte derrière lui.
L'intérieur, tout comme l'extérieur de sa boutique, était entièrement constitué de bois,depuis les grosses poutres de chêne, desquelles pendaient des lézards séchés et autres queues d'animaux, dont l'odeur pestilentielle ne semblait pas l'inquiéter outre mesure, aux étagères de pin sur lesquelles s'étalaient des milliers de bocaux de tailles et de couleurs différentes.
La pièce était toute en longueur et basse de plafond, sombre, éclairée seulement par les deux fenêtres qui encadraient l'entrée principale. Le petit homme paraissait donc bien adapté à son environnement. C'était souvent le cas, songea Ulrich en imaginant sa propre stature dans la salle du trône, contrairement à celle de sa sœur.
Le petit homme vint se placer derrière son comptoir étonnement bas et demanda :

Aure Pourpre [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant