Aure Pourpre [Terminé]

Chapitre 5-Accommodation- [Ajouté]

Depuis quelques jours, pour démontrer son mécontentement, Aure avait trouvé refuge au fond de sa couche, fuyant brutalement ses responsabilités. Dans ses rêves au moins, elle était maîtresse de ce qu'elle désirait voir. Du moins elle le croyait. Elle se contentait de faire le minimum pour survivre et ne pas démolir l'image qu'elle avait mis toute sa courte vie à construire.

Le seul qui parvint à la tirer de cela fut son père, la veille de l'arrivée de la cour d'Anburg.

A sa plus grande surprise, son père avait demandé à Ariane de l'aider à se préparer, sous le prétexte de faire une ballade. Aure n'avait bien entendu aucune envie de quitter la chaleur de ses draps, encore moins pour se faire réprimander durant plusieurs heures. Mais son père restait le roi, et il s'agissait là d'une question de respect. On ne désobéissait pas à son souverain.

Comme avec un air de déjà vu, Aure se présenta face à son père, cette fois dans la salle du trône, dans laquelle on venait d'ajouter les derniers détails à la décoration anburgeoise, avant qu'il ne l'entraîne vers l'extérieur. A sa grande surprise, il ne dit pas un mot à propos de leur dispute. Il se contenta de lui demander comment elle se sentait et d'avancer le long de la rivière. Après quelques minutes, ils approchèrent des confins du parc du parc royal et Aure fut surprise de voir que son père ne s'arrêtait pas et continuait d'un pas tranquille à avancer vers l'orée de la forêt.

―Êtes-vous sûr de vouloir continuer dans cette direction ? Aucun garde royal ne nous accompagne.

Le roi Robert leva les yeux vers le grand chêne et hocha la tête. Le plus imposant arbre du parc avait été planté un millier d'années auparavant, par le premier prince du royaume, en souvenir de sa mère, première souveraine d'un Wayton uni et indépendant. Son sceptre avait été placé en son centre à sa mort et au fil des siècles, le tronc s'était noué autour du précieux métal, renfermant son symbole et entérinant le pouvoir de la dynastie. Mythe ou réalité, toujours était-il que depuis cette époque, seuls ses descendants avaient été appelés à régner.

―Nul besoin de gardes. Là où nous nous rendons, il faut que nous nous présentions seuls.

Cette phrase laissa Aure perplexe et légèrement décontenancée. Il était hautement imprudent d'arpenter seuls le royaume. Elle le faisait certes tous les matins, mais la situation n'était pas comparable. Elle ne croisait alors jamais personne, et si d'aventure un quelconque agresseur se présentait, elle ne doutait pas de ses capacités à s'en débarrasser.

―Je m'excuse, avoua-t-il après un long silence.

Aure tourna les yeux vers lui, le choc avait été si important qu'il mit un terme au cours de ses pensées et lui donna à voir à quel point il lui en coûtait de prononcer ces mots.

Ne voulant pas l'interrompre dans un discours qu'il ne lui ferait certainement jamais à nouveau, elle reporta son attention sur ses poulaines et se contenta d'écouter.

―Ce qu'il faut que tu comprennes, c'est que j'ai mis longtemps à prendre cette décision. J'ai juré à ta mère, sur son lit de mort, de vous protéger et je compte bien le faire. Si j'avais pu prendre ta place... Le simple fait de t'imaginer dans une contrée lointaine me brise le cœur.

Ces mots arrachèrent un sourire à Aure et son amertume diminua quelque peu.

―Mais j'ai également fait vœu de protéger mon royaume. Il a donc fallu faire un choix et j'ai tenté de concilier mes deux responsabilités au mieux. Le royaume ne peut se protéger seul. En revanche, je pense que tu es désormais assez mature pour te prendre en main. Tu auras tout de même une couronne et de l'influence, rassure-toi.

Un rire discret traversa ses lèvres et se répéta en écho. Ils progressaient maintenant vers les montagnes de Wayton.

―Peu m'importe que mes pouvoirs s'en trouvent réduits. Je sais bien qu'Oswald n'aura aucune raison de m'écouter et de me laisser un pouvoir, autre que de m'occuper des enfants et de la direction du château. Mais je pense néanmoins qu'il le fera.