Epilogue

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Une jeune femme s'avançait lentement, sa longue robe traînant derrière elle, attrapant quelques feuilles mortes au passage.
Il faut dire que cet été merveilleux touchait à sa fin.
L'herbe verte, humidifiée par la rosée matinale caressait délicieusement ses pieds nus.
Sa chevelure blonde, ramenée en une tresse délicatement posée sur son épaule droite était surélevée d'une couronne d'or qui sublimait l'éclat de ses yeux noisettes.

Deux stèles semblaient émerger dans le fond du jardin royal, sous un vieux chêne, loin du château et de l'agitation de la cour.
L'une était de marbre, entourée de fleurs et entretenue autant que possible. On pouvait y lire un nom gravé à l'or fin ainsi qu'une citation :

Robert de Wayton
(1342-1391)
125 ème souverain de Wayton
(1357-1391)

"Si la vie n'est qu'un passage, sur ce passage au moins, semons des fleurs."

Elle s'agenouilla auprès de cette dernière.
Dix ans avaient passé depuis ces terribles incidents que les habitants du royaumes qualifiaient de "semaine pourpre" et le décès de son père.
Son règne n'avait pas été de tout repos. Aure avait fait promulguer des centaines de lois et avait essuyé des dizaines de batailles durant les premières années de son règne.
Néanmoins, depuis son couronnement, la liberté et la paix étaient devenues les deux valeurs maîtresses du royaume.
La prospérité ne serait pas éternelle, Aure n'était pas dupe. Cependant, elle était fière d'en avoir fait profiter les habitants de Wayton.

Elle avait mené son rôle à merveille mais la liberté qu'elle avait apporté aux autres lui faisait défaut et lui manquait terriblement.

Elle baisa sa main avant de la poser sur la stèle.

-Père, vous me manquez plus que je ne pourrais l'exprimer. Je sais que vous avez toujours été là pour moi. Et je pense ne pas me fourvoyer en affirmant que j'ai honoré votre mémoire. Wayton n'a jamais été aussi paisible.

Elle marqua une pause avant de continuer :

-C'est pourquoi je me retire aujourd'hui. Je laisse les rennes de ce royaume en paix à mon très cher ami et très estimé collègue et conseiller Guillaume.
Je sais qu'il saura s'en montrer digne, tout comme son successeur.
J'ai une confiance aveugle en Firmin, son fils adoptif.
Au revoir père, il se peut que je me retire quelques temps en compagnie de Louise à la mer ou dans les montagnes pour profiter de ma liberté nouvellement acquise.
Mais n'ayez crainte, je reviendrai jeter un coup d'œil aux affaires du royaume de temps à autre.

Louise s'était silencieusement glissée derrière Aure, ne voulant pas troubler cette entrevue.
Cette dernière se tourna et lui sourit tendrement.

-Alors on va se retirer à la mer ou à la montagne ? Mais qu'est ce qui te dit que j'en ai envie ? s'enquit Louise en riant.

-Je te connais par cœur, répondit elle. Et puis du moment que je suis là, je sais que tu seras comblée, ajouta-t-elle, riant à son tour avant de se relever.

Elle jeta un léger regard à la seconde tombe totalement délabrée. Après une seconde d'hésitation, elle cueillît une pâquerette et la déposa devant la tombe avant de repartir main dans la main avec Louise. Elles s'étaient trouvées et, malgré toutes les épreuves qu'elles avaient travérsées, leur amour ne s'en était trouvé que renforcé.

La seconde stèle n'avait visiblement jamais été entretenue et semblait à l'abandon. Toutes sortes de mauvaises herbes semblaient avoir élu domicile à ses pieds. Une épaisse couche de poussière, de salissures et de végétation en tout genre la traversait d'un bout à l'autre, rendant l'identification du matériau qui la composait impossible. Malgré tout, des inscriptions restaient lisibles sous la multitude de feuilles de lierre :

Ulrich de Wayton
(1376-1391)
126ème souverain de Wayton
(1391)

"Pardonner et oublier"

Cette aventure avait révélé au monde la véritable nature d'Ulrich, et avait, du point de vue de Aure et de Louise une fin heureuse. Mais le bonheur pour l'un, implique des sacrifices pour l'autre. Chaque réussite est une question de point de vue.
L'ombre ne peut exister sans la lumière. Tout comme le bien ne pourrait le faire sans le mal. Chaque principe a son opposé. Deux forces qui gouvernent notre monde.
Mais qui définit alors la réussite d'un parti ou de l'autre ?
Certains l'appelleront la volonté divine, quelque soit son nom. Pour ma part, je préfère croire que ce monde est défini par ses habitants et que l'esprit humain en reste le seul et unique détenteur, gouverné par nul autre que pure hasard et coïncidence. Autrement dit, le destin. Tout peut changer, aucun d'entre eux n'est scellé.

Je crois en le destin de ce monde et en celui de ma fille, tout comme au pardon. La vie est un cadeau qu'elle sait apprécier à sa juste valeur.

Je l'ai appris à mes dépends, n'ayant pas profité du peu de temps que j'aurai pu passer avec elle.
Mon fils a commis la même erreur, nous en commettons tous, mais ma fille a compris la vie, mieux que je n'ai su le faire dans la mort.
Oui, comme le disait mon regretté mari, "si la vie n'est qu'un passage, sur ce passage au moins, semons des fleurs."

Aure Pourpre [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant