Chapitre 9-Discrétion-

2.6K 198 1
                                    

Louise rentrait chez elle le plus silencieusement possible, ses parents étant toujours lovés confortablement dans les bras de Morphée.
Elle rentra dans sa chambre, baignée dans une semi-obscurité due à l'aube grandissante et se laissa tomber sur son lit.
Elle avait dit à Aure de continuer à s'entraîner seule, que son malaise l'avait affaiblie, mais il n'en était rien.

Elle réfléchit quelques instants aux nouvelles qu'elle avait accumulées tout au long de la journée.

Louise n'avait confiance en personne au sein de ce chateau, excepté son père et Ariane. Elle avait un très mauvais pressentiment vis à vis de Aure et elle se devait de la protéger.
Elle n'avait absolument pas confiance en Ulrich et son père allait lui laisser le royaume.

Elle se leva rapidement, se dirigeant vers son petit bureau de bois. Elle prit son pendentif et en sortit une petite clé dorée, usée par le temps.
Elle la glissa dans la serrure de l'un des nombreux tiroirs du petit secrétaire et un déclic se fit.
Une multitude de lettres y étaient dissimulées et elles étaient presque toutes recouvertes d'une écriture ronde et nette qu'elle reconnu comme étant celle de Aure.

Elle prit une feuille blanche et de l'encre et écrit sa lettre d'une écriture fine et penchée :

Mon cher Firmin,

Je suis navrée de te déranger de si bon matin mais j'ai besoin une fois de plus de tes services. Je ne peux malheureusement me confier à toi dans cette lettre. Retrouve-moi dans une heure au port, à notre endroit habituel.

Ta très chère amie,
Louise

Après avoir fini sa lettre, la jeune femme se dirigea vers la fenêtre légèrement entrouverte de sa chambre.
Elle se pencha, glissa deux doigts dans sa bouche et émit un sifflement discret.
Une colombe se matérialisa alors devant ses yeux et entama un doux chant, comme une réponse à l'appel de la jeune femme.
Louise la prit dans ses mains avant de l'amener sur son bureau et d'attacher sa lettre à la patte de l'animal.

Elle se reporta vers la fenêtre et lui murmura avec beaucoup de douceur:

-A Firmin ma belle.

Louise élança alors cet oiseau de paix avant de le regarder s'éloigner vers son ami d'enfance, Firmin.
Il l'avait sauvé de la noyade lorsqu'elle était encore enfant et il avait été son premier amour, sans le lui avoir avoué.
Elle avait une confiance aveugle envers son ami et c'est pour cela qu'elle se tournait vers lui dans une situation si délicate.

Quelques minutes plus tard, Louise arpentait les rues en direction du port de commerce de Wayton.
Il n'y avait pas âme qui vive à cette heure matinale.
Seul le ronflement d'un homme couché sur le bord de la route brisait ce silence inquiétant.
Des dizaines de bouteilles roulaient autour de ses bras en croix et une odeur nauséabonde d'alcool emplissait l'atmosphère.

Il se réveilla au bruit des pas de Louise et la regarda un sourire aux lèvres.

-Tu t'es perdue, ma belle ? demanda ce dernier.

Louise ne répondit pas et continua sa route, imperturbable.
Il se leva et se dirigea vers elle.

-Pourquoi cours-tu, on peut discuter si tu veux ?

Un jeune homme surgit alors d'une rue latérale et prit Louise par les épaules.
Cette dernière reconnut alors les boucles blondes de Firmin et émit un soupir de soulagement.

Devant la carrure imposante de ce dernier, l'alcoolique s'avoua vaincu et repartit, se laissant tomber aux côtés de ses bouteilles.

-On dirait que j'arrive au bon moment, déclara Firmin, l'inquiétude se lisant sur son visage, il ne t'a rien fait au moins ?

-Non, grâce à toi, mon sauveur, plaisanta Louise en déposant un baiser sur la joue de son ami.

Les deux confidents parvinrent alors jusqu'à un petit bateau de bois.
Ils entrèrent dans la cabine et Firmin proposa alors à Louise de prendre place sur son lit, à côté de lui.
Cette embarcation miteuse constituait à elle seule la demeure du jeune voleur.
Sa chambre ne contenait qu'une banquette, une table d'appoint et un pot de chambre dissimulé sous le couchage. Le sol était recouvert de moquette bleue rapiécée çà et là avec des bouts de tissu vert et sur le plafond, des traces témoignant de l'humidité de cet habitat précaire avaient formé des fissures qui s'étalaient d'un bout à l'autre de la pièce, si bien qu'on se demandait s'il n'allait pas céder d'un instant à l'autre.

Orphelin, Firmin avait dû apprendre des son plus jeune âge à gagner sa vie de façon malhonnête, ce qui lui valait par ailleurs l'indifférence de Aure. Il était donc forcé de vivre dans un minuscule bateau ne lui offrant qu'une piteuse cabine pour se reposer.

Cependant, ce style de vie semblait lui convenir à merveille et ne l'inquiétait nullement. Même si on ne peut pas dire que ce soit pour son plus grand bonheur, il avait développé un talent certain pour le vol, fort de ses années d'apprentissage.
Firmin était d'ailleurs devenu l'espion personnel de Louise de par sa grande discrétion.
Elle avait fait appel à lui de si nombreuses fois qu'il ne les comptait plus et il ne fut pas étonné qu'elle se tourne une fois de plus vers lui pour l'une de ses missions de surveillance.

Après s'être installé le plus confortablement possible étant donné la situation, Firmin s'enquit, non sans un sourire :

-Alors, qui est notre nouvelle cible ?

-Mon cher Firmin, si je suis venue te voir c'est parce que j'ai vraiment confiance en toi et en ta discrétion...

-Je le sens mal, vas-y, continue, l'interrompit-t-il.

-Je voudrais que tu passes quelques jours au château pour garder un œil sur Aure et surtout la protéger de son frère.

-Pourquoi cela ? demanda-t-il avec étonnement.

Louise entreprit alors de lui raconter toute l'histoire, n'omettant aucun détail : le mariage, leur discussion de ce matin, ses doutes et ses sentiments vis à vis du père et du frère de Aure...

-Alors, demanda-t-elle à la fin de son récit, tu es prêt à épier ces personnes ?

Firmin n'appréciait pas Aure, principalement en raison de son air hautain vis à vis de sa profession.
En effet, il était relativement simple de critiquer quelqu'un sur les mauvaises actions qu'il devait faire jour après jour pour survivre lorsqu'on était née avec une cuillère en argent dans la bouche.
Mais elle comptait pour Louise et il était certain que son aversion était due à un autre sentiment destructeur : la jalousie réciproque que les deux jeunes gens entretenaient l'un vis à vis de l'autre de par leur place centrale dans la vie de Louise.
Cette fois, Firmin se décida à mettre tout cela de côté afin d'aider son amie.

-Bien sûr, je vais le faire, déclara-t-il à contrecœur mais avec détermination.
Je vais les espionner pour voir ce qu'il se passe à l'intérieur du château et je t'avertirai au moindre geste suspect.

Aure Pourpre [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant