Je lève la tête et je vois George sortir d'une voiture. Mais pas n'importe quelle voiture, celle de Lewis, j'amène mon regard jusqu'au conducteur. J'arrête littéralement de respirer. Qu'est-ce qu'il fout là ? Pierre s'approche de Lewis, un bras appuyé sur le montant de la portière il se penche pour lui parler.
- Tu viens manger avec nous ?
- Non, non, je suis attendu ailleurs, je déposais juste Russel. Son regard s'attarde sur moi, il hausse un sourcil et sourit en coin avant de reprendre, passez une bonne soirée !
Lewis redémarre et disparait dans les rues de Londres. Nous nous avançons jusqu'au restaurant, George nous explique qu'il a eu un problème avec sa voiture et vu que Lewis revenait sur Londres lui aussi, ils ont fait le chemin ensemble. L'hôtesse nous accompagne jusqu'à notre table et nous donne les menus. Nous commandons rapidement. Les garçons débrieffent de leurs vacances, de temps à autre, ils m'incluent dans leur conversation en me demandant mon avis sur tel ou tel chose. Lorsque nos plats arrivent, je fais de la place devant moi en rangeant mon téléphone. Il vibre à ce moment là. Un sms entrant. Je prends une gorgée d'eau et j'appuie sur la notification.
LH : 20h12 : Elle te va très bien cette robe noire.
Je manque de m'étouffer, Pierre et George me regardent bizarrement. Je pianote rapidement une réponse avant de remettre mon téléphone dans mon sac.
Moi : Merci Lewis, par le biais de qui as-tu eu mon numéro cette fois-ci ?
Je me racle la gorge et fais mine que tout va bien. Le repas reprend son cours, les garçons veulent aller dans un bar pour finir en beauté le Summer break. Mais je sais qu'aller dans un bar ne sera qu'une étape de la longue soirée qui nous attend. Pierre n'a pas eu besoin d'insister pour me convaincre de les suivre. Un peu d'ivresse pourra peut-être démêler mes noeuds au cerveau. Nous commandons un digestif chacun. Un fois notre petit verre terminée, nous réglons la note et quittons le restaurant. Direction le Savoy et son bar américain. Dans la voiture, je consulte mon téléphone. Lewis m'a répondu.
LH : 20h34 : Je me suis permis d'ajouter mon contact ce matin, pendant que tu dormais. Je n'ai pas toujours besoin d'autrui pour prendre des initiatives, tu sais.
Sa réponse me fait sourire. Nous arrivons à destination. Le personnel de l'hôtel reconnait les deux pilotes, ce qui nous permet d'avoir accès à une table facilement. L'ambiance est sympa, les lumières sont tamisées, l'ensemble du mobilier est du style art déco. J'ai l'impression d'être dans Gatsby.
La première tournée de cocktail arrive à notre table, nous trinquons tous les trois. Je suis contente d'être avec eux ce soir, je compte bien profiter à fond. Nous goutons la plupart des cocktails de la carte. Ma tête commence à tourner, je vais au toilette pour me rafraichir. Je sors mon téléphone et je tape un message.
Moi : 21h06 : Et quelle initiative tu vas prendre ce soir, Lewis ?
Sans réfléchir, je l'envoie. Est-ce que je le regrette immédiatement ? Oui, un peu. Les paroles de Pierre résonnent dans ma tête, il a surement raison, je devrais laisser faire les choses. Je retourne à notre table, je souris devant les verres remplis. Pierre se penche vers moi pour me parler à l'oreille.
- On finit les verres et on va en boite ? Le Egg, tu connais ?
- Je le savais ! Je savais qu'on allait pas se contenter de boire juste des verres dans un bar !
- Alors, tu viens avec nous ?
- Compte sur moi.
Je termine mon verre cul sec, ce qui fait sourire George. Il ne nous a pas suivi dans notre descente d'alcool, c'est lui qui conduira ce soir. Quelques minutes plus tard, nous remontons en voiture pour nous rendre au Egg. Mon portable vibre à nouveau, je souris avant même de le consulter.
LH : 22h47 Dis moi où tu es, je te rejoins dans une heure.
Moi : Impossible, il y a Pierre et George avec moi, ils vont comprendre dès qu'ils te verront.
Ce n'est pas ce soir que je reverrai Lewis, cette pensée me pince le coeur. Pierre me sort de mes pensées en me tirant pour me faire sortir de la voiture. Nous entendons les basses depuis la rue. J'ai envie de danser, de profiter avant que l'on se replonge dans le rythme effréné des courses. George fait signe au videur et nous remontons la file d'attente. J'entends certaines personnes qui protestent, ça me fait doucement sourire. Nous entrons dans la boite de nuit, nous sommes escortés jusqu'à une table du carré VIP.
Il y a beaucoup de monde dans la boite de nuit, je laisse la musique guider mes pas. Pierre me rejoint, nous dansons n'importe comment. Cela faisait longtemps que je n'avais pas autant ri. Je regarde ma montre, il est déjà une heure et demi du matin. Mes talons commencent à me faire mal. Je m'assois à notre table, je prends un verre de coca, sans whisky, ma tête me tourne déjà assez. Je sens mon portable vibrer.
LH : 23h21 : Trouve une solution, j'arrive dans une trentaine de minutes.
Mon coeur s'accélère, il ne lâchera pas le morceau. Je dois trouver une excuse, et vite. Je me fais rapidement le film dans ma tête. Lewis qui débarque dans la boite de nuit, nos regards qui se croisent, Pierre comprend, puis il m'en veut de lui avoir rien dit, les gens dans la boite de nuit prennent des photos de nous et demain ça sort sur les réseaux sociaux. Adieu ma liberté, peut être aussi mon amitié avec Pierre et surtout une relation avec Lewis qui meurt potentiellement dans l'oeuf. Le calcul est rapidement fait, il faut que je sorte de cette boite de nuit avant que Lewis décide d'y entrer.
Je me lève et je quitte le carré VIP pour aller danser dans la foule. Je commence à danser, un homme se colle à moi, je sens son bassin dans mon dos. C'était plus rapide que prévu, ma petite robe noire n'y est pas pour rien. Je me retourne en direction de notre table, Pierre ne me lâche pas des yeux. Je lui souris, je sens le souffle de l'homme derrière moi dans mon cou, ses mains remontent sur mes cuisses. Il ne perd pas de temps. Je me retourne pour lui faire face.
-Attends moi ici, je vais chercher mes affaires, on rentre chez toi.
Il me regarde avec un sourire qui en dit long sur ses attentions en vers moi. Je remonte rapidement à l'espace VIP. Je prends mon sac et je vais voir Pierre.
-Tu m'en veux si je rentre pas avec vous ce soir ?
- Non, amuse toi, Amélia mais fais attention à toi.
Il me sert dans ses bras et me dépose un baiser dans mes cheveux. Mon plan se déroule à merveille. Je retrouve l'homme qui m'attendait en bas, je le prends d'une main et de l'autre je tapote sur l'écran de mon téléphone.
Moi : 0h03 : Attends moi dans ta voiture, j'arrive.
LH : Je suis là dans une minute.
Je me fraye un chemin dans la foule, j'ai incroyablement chaud et mal aux pieds. L'homme me suit toujours. Avant de quitter la salle principale, je jette un coup d'oeil vers Pierre, il est toujours en train de me regarder, il me salut avec son verre et disparait aux cotés de George. Je quitte l'établissement. L'air frais me fait du bien.
- Je vais appeler un taxi, c'est quoi ton prénom ?
- Pas besoin, j'ai changé d'avis, je vais rentrée seule, désolée. Je lui réponds en m'éloignant de lui.
Je me retourne vers l'inconnu et lui envoie un baiser d'adieu. Merci à lui qui m'a permis de m'échapper sans trop de difficulté. Il me servira d'alibi également quand demain matin Pierre me demandera comment s'est fini ma nuit. J'avance tant bien que mal jusqu'à la route principale, en chemin je m'arrête, j'enlève mes talons qui me font beaucoup trop souffrir. Je les tiens à la main. Il est là, en warning sur le bas côté de la route. Je me recoiffe un peu et réajuste ma robe. Je mets la main sur la poignée de la portière, il déverrouille les portes et je m'installe dans l'habitacle. Je regarde Lewis, il fixe la route en passant son pouce sur ses lèvres... J'ai terriblement envie de l'embrasser. Il tourne lentement sa tête vers moi.
- Bonsoir Amélia, me dit-il d'une voix suave, je pourrais mourir quand il m'appelle par mon prénom de cette façon.
- Bonsoir Lewis...
- On y va ?
Je lui souris en réponse et il démarre. J'ouvre la fenêtre et je regarde les bâtiments défiler sous mes yeux. Le silence ne me dérange pas, il est même réconfortant. Nous roulons presqu'une trentaine de minutes avant d'arriver devant un grand portail. Quand il s'ouvre, il laisse apparaitre une grande façade faite de briques rouges, typique de l'architecture anglaise. Lewis gare sa voiture devant le perron de l'entrée. Je prends le temps d'une respiration et je sors de la voiture, il attend devant la porte d'entrée. Je le rejoins pour pénétrer dans l'habitation. L'éclairage est faible, j'ai du mal à distinguer les détails de l'entrée. J'y dépose mes chaussures et mon sac. Lewis me passe devant, je lui emboite le pas.
- Tu veux un verre d'eau ? Me demande-t-il.
- Oui, s'il te plait.
Nous allons dans la cuisine, il me sert un verre d'eau que je descends presque d'un coup. Lewis s'approche de moi, il passe ses bras autour de ma taille et réduit la distance entre nous. La présence de son corps aussi près du mien me donne très, très chaud.
- Tu as bu ?
- Oui, je lui réponds dans un soupir.
- Un peu ?
- Mhm
- Beaucoup ?
- Peut-être. J'avais pas prévu de te croiser ce soir...
Il rigole doucement et se détache de moi.
- Viens avec moi, on va prendre l'air, ça te fera du bien.
J'acquiesce et Lewis se dirige vers l'arrière de la maison, sur le chemin il saisit un plaid. Après avoir ouvert une porte fenêtre, nous nous trouvons sur une terrasse qui fait la largeur de la maison. Lewis a raison, l'air frais qui remplit désormais mes poumons me fait du bien. Il s'assoit sur un transat, se glisse contre le dossier et écarte les jambes. Je le regarde s'installer, il me tend la main pour que je le rejoigne. Je m'installe dos à lui, entre ses jambes. Ses mains se posent sur mes cuisses, je frissonne. Je tente de rester calme pour garder le minimum de contrôle qu'il me reste. Avec mon index, je trace le contour de ses doigts, je suis les traits de ses différents tatouages qu'il a sur les mains. Je sens la respiration de Lewis dans mon dos.
- Pourquoi ? Je le questionne.
- Pourquoi quoi ?
- Pourquoi tu voulais me voir ce soir ? Cette phrase sort d'une traite.
Le silence retombe. Mon taux d'alcoolémie actuel vient peut-être de foutre en l'air le reste de la soirée. Heureusement que Pierre m'avait conseillé de ne pas me prendre la tête. Lewis tapote ses doigts sur mes cuisses. Il ressert son étreinte sur moi.
- Parce que les soirées qu'on passe ensemble sont agréables... Un silence. Et que dans quatre jours il sera pratiquement impossible de t'adresser la parole... Je profites du temps qu'il me reste.
- Tout ceci semble tellement dramatique, Lewis.
- J'en suis désolé.
- On pourrait pas juste... Je sais pas moi, laisser les choses se faire par elles même ? Sans se mettre de pression ?
Un silence, de nouveau. J'attends sa réponse qui ne vient pas, je me redresse et je me retourne pour lui faire face.
- Je t'écoutais, j'attendais que tu développes, me dit-il en souriant.
Je soupire, me replace dos à lui et je continue dans mon élan.
- En gardant notre relation secrète, on s'assure d'aller à notre rythme. Qu'on finisse par être de simple ami ou alors que ça aille plus loin, ça sera quelque chose qui appartient qu'à toi et à moi...
- Je vois ce que tu veux dire...
- Et qu'est ce que tu en penses ?
- Je sais pas, ce n'est pas vraiment dans mes habitudes de ne pas contrôler quelque chose...
- Et ?
- On peut tenter, on a rien à perdre..
Je ne sais pas si c'est l'alcool ou non, mais cette réponse me rend très joyeuse. J'ai envie de me lever, de danser, de faire la roue. C'est peut-être un peu excessif, mais lâcher prise alors que j'ai l'habitude de garder le contrôle me procure un sentiment très agréable. Mais je me retiens, je me blottis un peu plus dans les bras du britannique pour contenir mes émotions.
Au bout de quelques secondes, je l'entends fredonner une mélodie qui m'est inconnu, les doigts dessinent des cercles sur ma peau. Je n'ose pas bouger de peur que ce moment s'arrête, mais j'ai du mal à retenir un bâillement. Je tente tant bien que mal de me retenir, mais je finis par bailler aux corneilles. Lewis se redresse et pose son menton sur mon épaule.
- Tu veux qu'on aille se coucher peut-être ?
- Je dirais pas non, lui dis-je tout en me frottant les yeux.
- Allez viens, je te ferai visiter la maison demain.
Je me relève et suis Lewis qui déambule dans cette maison plongée dans la peine ombre. Nous montons à l'étage, au bout du couloir, il ouvre une porte, entre dans la pièce et allume une lampe de chevet, ce qui m'aveugle un peu. J'entre à mon tour dans la chambre et m'assoit sur son lit. Lewis se dirige dans son dressing qui est attenant et en ressort avec un grand t-shirt blanc. Il me le tend.
- Tiens, ça sera plus confortable que ta robe pour dormir.
Je le remercie, je me relève pour me changer. Lewis fait le tour du lit et me tourne le dos, j'entends un vêtement qui tombe au sol. Je quitte rapidement ma robe et enfile le t-shirt, quand je me retourne, Lewis est assis de son coté du lit, toujours dos à moi. Sa galanterie me fait sourire. Je prends deux secondes pour l'observer. Ses dreads sont maintenus par un élastique, son dos musclé et tatoué bouge au rythme de sa respiration. Je me glisse sous les draps et c'est à ce moment là qu'il se retourne vers moi et me rejoins. Nous sommes l'un en face de l'autre, il me sourit.
- Je ne t'ai même pas demandé comment était ta soirée... lui dis-je.
- J'avais un diner avec un sponsor, c'était sympa, mais pas non plus l'éclate.
- Tu as hâte de reprendre les courses ?
- Oui, je sais pas pourquoi, mais cette deuxième partie de l'année, je la sens plutôt bien. J'arrive à avoir de bonne sensation avec la monoplace alors que c'était vraiment compliqué en mars. On verra bien, mais j'ai espoir de remonter sur le podium.
- Tant que tu laisses une place à Lando sur ce podium, ça me va.
Ma réponse le fait sourire. Je n'oublie pas la compétition entre les deux pilotes et les deux écuries auxquelles nous appartenons. La monoplace de McLaren a montré de belles améliorations avant la coupure estivale, nous avons bon espoir de nous placer en bonne position pour le championnat constructeur. Nous sommes lucides, nous ne ferons pas parti du Top 3 cette année, mais une potentielle quatrième place serait vraiment sympa.
Je retiens un autre bâillement, ce qui fait sourire Lewis. Il se retourne pour éteindre la lampe de chevet. Nous voilà dans le noir le plus complet. Je sens son souffle près de moi, il me prend la main, y dépose un délicat baiser et me souhaite une bonne nuit.