Prologue - Où il sort de la douche ✓

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De la fenêtre entrouverte de sa loge au troisième étage, Elijah regarde la file de fans s'allonger au point de bientôt disparaître au coin de la rue. Il a passé l'après-midi à répéter avec le groupe et d'ici trois petites heures, ils seront sur scène pour un show de plus.

Se détachant de la fenêtre, presque à contrecœur, il se laisse tomber dans le canapé jaune canari et attrape la bouteille de bière à moitié vide qui l'attend par terre. Une jeune femme à la peau sombre, la tignasse abondante et aux jambes longues, l'enjambe pour se poster à son tour à la fenêtre. Le nez collé au carreau, elle observe la chaîne humaine qui se déploie le long du bâtiment. Tous ces fans, frémissants d'excitation, qui ignorent être en train de se faire observer par ceux-là même qu'ils sont venus dévorer de leurs yeux avides et de leurs gorges voraces.

L'image fait sourire la fille alors que son regard curieux passe d'une tête à l'autre, d'un top griffé au nom du groupe à un drapeau bariolé étendu sur le trottoir, que quatre mains noircissent de petits-mots à leurs attentions.

La nuit n'est pas encore tombée en ce milieu du mois d'août et la température clémente, associée au bruit des vagues qui leur parvient de l'autre côté de la grand-place, fait de cette soirée l'une des plus belles de ces dernières semaines.

Une porte s'ouvre sur leur gauche et, dans un épais nuage de condensation, un homme fait son entrée, une simple serviette nouée autour des hanches. Des gouttes tombent de ses cheveux noirs détrempés et ruissellent sur ses tempes et sa nuque, constellant son torse et son dos à peine trop gras de centaines de petits diamants où la lumière s'accroche brièvement avant de disparaître à chacun de ses mouvements. Son regard endormi balaie la pièce avant de s'arrêter sur Elijah, comme s'il n'avait même pas vu les trois autres personnes dans la salle.

— À ton tour.

Sa voix légèrement traînante est plus rauque qu'à l'ordinaire, ce qui attire l'attention d'Elijah qui redresse la tête.

— Moi d'abord ! l'arrête la fille en bondissant par-dessus le canapé et l'homme se prélassant en son sein. Tu mets toujours trois plombes à te doucher, j'ai jamais vu ça.

En passant à côté de lui, elle le bouscule gentiment et, pour se venger, il se penche vers elle, secoue la tête et l'asperge, tel un chien au sortir d'une flaque de boue.

— Raaah ! Jed !

Elle le repousse, le sourire aux lèvres, et s'engouffre dans la salle de bain sans un regard de plus.

L'air content de lui, l'homme à la serviette s'affale à son tour dans le canapé, forçant Elijah à s'écarter pour lui faire une place. Sans s'inquiéter de le mouiller, il s'installe contre lui et pose sa tête sur son épaule en fermant les yeux.

Le contact humide fait reculer l'homme, mais, plutôt que de dissuader Jed, cette réaction lui permet juste de s'allonger un peu plus confortablement contre le bras d'Elijah, dont la manche et l'épaule de chemise s'ornent déjà de taches sombres et froides.

— Jared ! Mais sèche toi ! Tu vas tomber malade. Nora, une serviette, s'il te plaît.

Mais la jeune femme a déjà claqué la porte, et la serviette qui lui atterrit dans les bras vient de l'autre côté de la pièce, envoyée par un homme attablé à un petit bureau et visiblement trop occupé à texter pour ne serait-ce que lever les yeux dans leur direction. Ses propres cheveux, courts et teints en rouge, sont encore un peu luisants d'humidité et hérissés sur son crâne.

Un peu brusquement, Elijah recouvre la tête de son ami du linge pas vraiment sec et entreprend de la lui essorer en bougonnant.
Les yeux toujours fermés, les jambes croisées et posées sur la table basse, Jed marmonne.

— Tu me réveilles dans une heure, ok ?

Car dans trois heures, ils seront sur scène. Dans trois heures, ils donneront le meilleur d'eux-mêmes, comme ils ont pris l'habitude de le faire depuis 14 ans. Parce qu'ils adorent leur boulot.


La salle s'est remplie petit à petit, chauffée à point par le groupe assurant la première partie et composé de trois post-ados déjantés aux nombreuses influences punk. Dans quelques minutes ce sera à leur tour de faire leur entrée.

Bondissant sur place, excité et angoissé à la fois, Elijah tente, bien inutilement et comme avant chaque concert, de faire le vide dans sa tête. Il sait pourtant, à force, que ce vide ne se fera qu'à partir du moment où il posera un premier pied sur les planches, et qu'il prendra fin dès que les premières notes résonneront de la guitare de Jed. Mais c'est plus fort que lui, c'est son rituel d'avant concert.

Un bras plié derrière la tête, une main pendant entre les omoplates, l'autre appuyant légèrement sur son coude, Nora s'étire dans le calme, ne se préparant pas bien différemment de ce qu'elle le ferait avant de courir un cent mètres haies.

Le regard fixe, les épaules droites, Feargus, l'homme aux cheveux rouges, semble perdu dans ses pensées, chose assez courante chez lui avant de monter sur scène et qui n'inquiète pas ses amis outre mesure.

Jared, douché et reposé, pète la forme, ce qui se traduit par une tactilité exacerbée de sa part envers ses partenaires en général, et envers Elijah en particulier.

Se glissant derrière ce dernier, il entoure ses épaules de ses bras et lui glisse un mot à l'oreille. Quelle que soit la blague, elle fait mouche, car l'homme penche la tête en arrière en plissant les yeux alors que de petits rires font tressauter sa poitrine. Les cheveux sur leurs tempes se frôlent, la joue ombrée de petits poils durs d'Elijah effleure celle de Jed, faisant durer l'impression de contact bien après qu'ils se soient détachés l'un de l'autre. Il n'y a toujours aucun vide dans sa tête, mais une certaine légèreté y flotte désormais.

— Bon, les gars, c'est quand vous voulez, tout est prêt.

La petite cinquantaine, Richard Barlow a, en sa qualité de manager, son mot à dire sur beaucoup de choses et ne se prive que rarement de le faire. Pas particulièrement aimé, mais pas non plus détesté des quatre musiciens, il est essentiellement supporté en raison de l'excellent travail qu'il fait pour eux. Leur carrière ne s'est jamais aussi bien portée que depuis qu'il s'occupe de leur communication.

Un dernier regard échangé entre huit yeux, un ultime sourire, et le groupe monte sur scène.
Les hurlements de la foule, les spots qui s'emballent, la chaleur dans les corps et l'impatience dans les cœurs. Le concert a commencé.

DAM DAM DAM DAM DAM DAM DAM

L'air sérieux, Nora fait monter la tension. Sa batterie, son moyen de pression. Les garçons, tournés vers elle, attendent le coup d'envoi. Le public est mis au diapason, dompté, organisé et, très vite, les applaudissements se calquent sur son rythme. Un sourire espiègle naît sur son visage et les battements ralentissent, donnent les premières notes.

Les doigts de Jed s'animent, la mélodie jaillit de son instrument, la foule qui connaît chaque accord par cœur explose, l'adrénaline dans le cerveau d'Elijah en fait de même. Simultanément, il bondit, se retourne et se met également à jouer. Il ouvre la bouche et les premiers mots du premier couplet de la soirée se déversent dans le micro à l'instant où Feargus laisse échapper les premières notes de sa basse.

La soirée s'annonce comme l'une de celles dont on se souvient.

***

Hey bande de loutres !
Ça y est, après des semaines de boulot, je peux enfin vous présenter ma nouvelle histoire. J'ai 10 « chapitres » d'avance, ce qui devrait me permettre de voir venir la suite sans stress.

J'espère qu'elle vous plaira, elle devrait être un peu moins monstrueuse que les nouvelles du calendrier de l'avent puisqu'on ne part pas du tout sur le même genre d'univers, mais on verra.

Ah oui, j'ai mis chapitre entre guillemets parce que je parle de chapitre Wattpad et non de chapitres tels qu'ils le seraient dans un livre relié. J'ai essayé de gérer ça de façon à ce que ça se lise assez vite sans être non plus trop court (environs 1000/1500 mots, ou deux pages A4 en moyenne).
Un nouveau chapitre sortira tous les mercredis. Si on compte les sorties de la fanfic Libertines le samedi, ça vous fait pas mal de choses à lire.

Sur ce, je vous laisse, bande de filous.
À la revoyure.

Degenerate Kings - Le vampire de TregartaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant