Chapitre 23

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La fée, bouleversée, retire sa main du front de l'immortel. Ce dernier, épuisé, parvient tout juste à pousser un râle d'agonie. Chaque parcelle de sa vie, ses valeurs, qui il est réellement. Tout ceci a été passer au peigne fin par l'intrigante créature, causant une douleur plus atroce que toutes celles qu'il a connu au cours de sa longue vie. Pas même la mort d'Elaine et le trou béant qu'a laissé sa bien-aimée en rejoignant le monde des morts n'est parvenue à l'égaler.

- Intéressant, chuchote la fée dans sa barbe.

- Putain de merde ! Je peux savoir ce qui t'as pris ?!

- Pardonne-moi, renard de l'avarice.

Tout doucement, ce dernier reprend le contrôle de son corps. La souffrance qui tétanisait ses membres disparaît peu à peu. Il relève la tête vers la frêle et minuscule magicienne. Il voit ses yeux se remplir de larmes. 'tain, elle a de la guimauve dans le cerveau ou quoi ?! On vit pas dans le monde des Bisounours avec un B majuscule, chérie.

- De tout les hommes qui sont venus ici, tu es l'un des premiers à avoir le cœur assez pur et non dicté par la cupidité.

- Cool, j'suis dans le top 3 !

- En quelque sorte, réplique-t-elle d'un ton amusé. Mais il faut que tu rejoignes le cœur de l'Arbre-Père, reprend-t-elle plus sérieusement. Je ne me fais pas de soucis pour toi, seuls les plus purs peuvent trouver le chemin.

- Ah. Merci ?

Un rire cristallin s'échappe de la bouche de son interlocutrice. Décidément, elle trouve cet humain de plus en plus amusant ! Malgré sa grande taille (et sa grande bouche), son cœur est des plus purs qu'elle n'ait jamais rencontré. Elle sourit d'un air affectueux au Seven Deadly Sins, puis s'évapore en un claquement de doigts. Ce dernier bondit pour tenter de la rattraper, mais c'est trop tard. Elle est redevenue invisible à ses yeux. Ce que, bien entendu, il ne peut savoir.

- Attends !! Et comment je fais, moi, pour retrouver ce satané chemin ?

Un gloussement lui réponds. Puis une petite voix lui souffle à l'oreille :

- Tu sauras trouver le chemin. Suis ton instinct, Ban.

- Hyper sympa ! Pour la précision, on repassera, grommelle-t-il.

Il commence à marcher dans les sombres boyaux du conifère, en sifflotant. Pendant ce temps, Akemi s'assoit en tailleur et ferme les yeux. Elle sent chaque battement de cœur de l'Abre-Père. Doucement, ses pouvoirs lui soufflent de cesser de tout vouloir contrôler. De se laisser aller. Ce qu'elle refuse inévitablement. Elle se relève et commence à courir. Chaque fibre de son corps lui montre le chemin, la pousse vers la chambre forte du pinède. Une épaisse porte lui en bloque l'accès. En plein milieu, une sorte de coupe y est accroché. Un couteau et une bouteille sont retenus par une barre de fer de chaque côté de l'entrée. Un rapide coup d'œil lui confirme que le contenu de la petite jarre est du poison. Le couteau, bien aiguisé, semble être extrêmement tranchant.

- Je demande l'ouverture de cette porte, que ce soit par le poison ou le sang.

Le couteau tombe au sol. Imperturbable, la chasseuse le ramasse d'un geste fluide. Le rituel lui semble à présent clair, comme s'il faisait partie des coutumes qu'elle avait apprises enfant. Elle s'entaille le bras. Pressant celui-ci contre la porte, le sang gicle et s'écoule lentement dans la coupe. Une fois remplie à ras-bord, le poison se fracasse à son tour. Miraculeusement, le verre est intact. Akemi essaye de refermer la plaie. Sans grand succès. Le poignard doit être enchanté, pense-t-elle avec un rictus. D'un geste précis, elle décapsule la bouteille et boit son contenu. Une vague de chaleur la transperce quelques instants plus tard. Un hoquet sort de sa bouche tandis que sa vision se brouille. L'Arbre-Père, impassible, regarde la scène d'un air attentif. Un petit bruissement approbateur se fait bientôt entendre. Il est satisfait que la prêtresse ait saisit du premier coup l'ancestral rituel d'ouverture. Seuls les plus robustes peuvent y résister. Le poignard affaiblit en faisant perdre une grande quantité de sang et l'organisme cède plus facilement du terrain au poison. Les plus faibles rendent l'âme en moins d'un quart d'heure. Les plus forts doivent tenir deux heures, avant que le poison ne s'évapore. Il faut que je reste consciente coûte que coûte, se dit Akemi en crachant du sang. Son champ de vision est si trouble qu'elle se demande si elle ne rêve pas en voyant Ban courir vers elle.

Le regard du renard de l'avarice se pose sur une forme humaine, au sol, en train de trembler. Une mare de sang l'entoure. Il plisse ses yeux et manque de suffoquer en reconnaissant ce visage.

- Akemi !!!!!!

Elle sent sa tête se poser délicatement sur les genoux de l'immortel à la chevelure bleue. Celui-ci caresse avec inquiétude les cheveux de sa partenaire. Oubliée, la dispute ! Même si elle ne s'est passée qu'il y a quelques poignées de minutes, voire d'heures, elle leur semble remonter à plusieurs siècles.

- Ban... je dois ouvrir la porte.

- Comment ?

La jeune femme s'écarte sur le côté pour rendre ce qu'elle a ingurgité plus tôt dans la journée. Le front brûlant de fièvre, elle plante ses yeux de chat dans ceux de Ban.

- J'ai dû me couper avec un poignard enchanté, la blessure ne peut pas se refermer. Puis, il faut ingurgiter du... du poison.

Il hausse un sourcil. Akemi le regarde, flottant dans l'incompréhension la plus totale.

- Tu sais, commence-t-il d'un air de reproche, tu aurais dû m'attendre.

- Et... pour-pourquoi ? réplique-t-elle en claquant des dents.

Avec horreur, elle voit son ami s'entailler la veine du bras avec la courte lame, avant que l'obscurité ne s'empare de ses yeux.

My last loveWhere stories live. Discover now