27. Chez-soi

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Bleed Out - Isak Danielson
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20 août 1916, midi et demi, Londres, Royaume-Uni

Et me revoilà, à Londres. La vie ne semble jamais avoir été perturbée ici. Les rues sont restées les mêmes et le calme semble régner dans la capitale. Quant aux habitant, ceux-ci continuent de sortir, de discuter, de manger ou de lire les journaux. La guerre fait la une en ce moment, hélas. Et pourtant, parmi les femmes qui sourient dans les rues bondées de la ville se trouvent celles qui ont perdu un mari ou un frère voire les deux.

Lorsque le taxi s'immobilise devant la maison de mes parents située au cœur de Londres, mon cœur se serre et mon estomac se retourne. La façade en brique rouge et ancien bois me fait sourire : ma mère adorait cette couleur. Les souvenirs m'assaillent et la douleur de leur perte irradie chaque parcelle de ma peau. Je n'ai même pas pu leur dire au revoir ou les étreindre une dernière fois. Non, ils sont morts seuls, sans voir leur fille.

- Allez-vous bien Mademoiselle ? me demande le chauffeur en arrêtant le moteur.

Ce dernier me regarde dans le rétroviseur d'un air soucieux.

Je reviens sur terre et acquiesce lentement.

- Oui, merci beaucoup. Combien vous dois-je ? lui rétorqué-je en m'apprêtant à ouvrir ma mallette afin de prendre le peu de monnaie que j'ai.

Il balaie ma question d'un revers de main et rit légèrement.

- Oh rien ! Ma femme me tuerait si elle savait que je vous avais fait payer !

Je m'apprête à le contredire mais il sort du véhicule pour s'étirer. Je fais de même sans oublier mon seul bagage puis pose mon regard sur la maison en face de moi. Un long soupir s'échappe d'entre mes lèvres.

- Monsieur, je...

- N'insistez pas, me coupe-t-il, elle me tuerait vraiment !

Je souris, touchée.

- Merci beaucoup Monsieur...

- Daniels.

Je m'approche de lui, dépose ma mallette au sol et l'étreins soudainement, fondant en larmes. Ses bras s'enroulent autour de mon dos tandis que ses mains tapotent gentiment ce dernier.

- Oh allons, ne pleurez pas. Vous êtes forte et s'il vous plaît, vivez. Vivez avec autant d'espoir et de joie que possible.

Je m'écarte et essuie mes joues d'un revers de main maladroit.

- Je ne sais pas comment vous remercier, Monsieur Daniels...

Il me sourit et pose une main contre ma joue. Sa paume est chaude et réconfortante.

- Vivez.

J'opine du chef, le cœur brisé.

- Comptez sur moi, je le ferai.

Il retire sa main et retourne dans sa voiture. Monsieur Daniels ouvre ensuite sa fenêtre et m'adresse un large sourire.

- Ayez foi, gardez la tête redressée et haut les cœurs ! Je vous dis au revoir et surtout, vivez !

Je lui adresse un large sourire qui se veut sincère et déglutis.

- Merci, je tacherai de m'en souvenir !

Il rit et referme sa fenêtre puis, il fait vrombir le moteur et repart, me laissant ici. La voiture disparaît dans les méandres de la ville tandis que je peine à reprendre mes marques. Je suis désorientée. Je reprends ma mallette et m'avance vers le petit perron après avoir monté trois marches. Je cherche la clef cachée en-dessous d'un pot de fleur et la trouve. Fière, je souris puis la rentre dans la serrure.

Nos Cœurs ContrairesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant