26. Voyage déchirant

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I'm with you - Vance Joy
***

20 août 1916, dix heures

Je suis prête à repartir, le cœur serré et meurtri. La souffrance est telle que j'en ai presque le tournis. Tout est prêt, tout sauf mon âme déchirée qui ne semble pas vouloir partir d'ici. Serrant les anses de ma mallette entre mes doigts, je fais face à mes beaux-parents et plante mon regard attristé dans leurs pupilles qui reflètent leur douleur. Mon taxi m'attend dehors, le moteur du véhicule vrombit bruyamment, impatient.

- Il est temps de se quitter ma chère, déclare Peggy d'une voix tremblante d'émotion.

Cette femme est exceptionnelle, vraiment. Elle restera à jamais dans mon cœur, quoi qu'il arrive.

- Il semblerait, oui.

Miller s'approche de nous et me tend une petite boîte en écrin dont le tissu a pris la poussière. En la prenant délicatement entre mes doigts, je l'analyse rapidement et cesse de respirer brutalement. Bon sang, est-ce... ?

- Une bague de fiançailles, m'informe Monsieur Grennan d'un ton calme malgré l'émotion qui semble le submerger, Thomas comptait demander votre main et avait ma permission.

Figée par la surprise, je reste là, à contempler ce petit boîtier qui renferme un magnifique anneau qui m'étais destiné.

- Ouvrez-la ! me presse Peggy, les yeux au bord des larmes.

Mes yeux se posent sur elle tandis qu'un mince sourire vient étirer ses lèvres. Quant à Miller, il se contente de hoche la tête.

- Allez-y, dit ce dernier.

En prenant une bouffée d'oxygène, j'ouvre délicatement de mes doigts tremblants la boîte de et sens les battements de mon cœur s'accélérer sous ma poitrine. Le voilà, l'anneau. Ce dernier est en or et serti de diamants des plus scintillants. Il y en a tout autour de la bague et celle-ci en possède un central qui fait tout son charme. Magnifique.

- Il comptait demander votre main juste avant de partir à la guerre, m'apprend Peggy.

J'en tombe des nus. Anéantie, je sors avec précaution l'anneau de son socle et le contemple de plus près, fascinée. Il est si fin que le tenir entre mes doigts devient presque impossible. Je me mets à sourire, les yeux embués de larmes.

- Elle est sublime...

Peggy porte une main à son cœur et se pince les lèvres. Puis elle s'éclaircit la gorge et annonce tout en réprimant un sanglot :

- Thomas a souhaité prendre la plus belle de toutes ! Il voulait que vous soyez touchée par sa demande.

Ça ne m'étonne pas de lui. Tom était le plus gentil et romantique des hommes. Par exemple, il me couvrait de cadeaux lorsque venait la période de Noël, m'embrassait dès lors que je me voyais me faire accepter en année supérieure dans mes études ou me répétait maintes et maintes fois à quel point il m'aimait. Il méritait l'univers, vraiment. Hélas, la mort l'a emporté avant.

- Nous voulions que vous la portiez pour votre retour à Londres, confesse Miller en esquissant un petit rictus empli de mélancolie, Tom aurait insisté.

Peggy opine du chef, taciturne.

- Merci infiniment, mais je ne peux pas...

- Oh mon enfant, me coupe Peggy en sortant de son silence, faîtes-nous plaisir et mettez cette bague à votre doigt... !

Je souris et ne proteste pas, émue. Ainsi, je fais glisser l'anneau contre l'annulaire de ma main gauche et retiens ma respiration : que dirait Thomas s'il me voyait la mettre ? Portant ma main devant mes yeux, je la fixe d'un air morose.

Nos Cœurs ContrairesWhere stories live. Discover now