17. Révélations

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Golden Star (A & A) - Auguste Plantevin
***

18 juillet 1916, quinze heures trente

Deux jours sont passés durant lesquels Nikolaus s'est entraîné en ma compagnie. Sa jambe est presque guérie et il peut maintenant reprendre une marche normale. Un miracle. Nous avons ainsi eu le temps de perfectionner son accent britannique malgré le fait que son origine persiste. Aujourd'hui la pluie s'abat sur le champ de bataille et rend le combat d'autant plus difficile. Le tonnerre gronde, les éclairs déchirent le ciel gris et menaçant. Il fait frais, une brise légère fait virevolter les tissus des tentes. Alors que j'observe ce paysage presque chaotique et tente de faire abstraction aux hurlements et intonations qui m'entourent, je lâche un long soupir.

Je suis à l'entrée de la tente, debout devant ce réel cauchemar.

Triturant la plaque militaire de Tom entre mes doigts, je m'autorise à fermer les yeux et d'effectuer une prière pour lui. Une larme roule sur ma joue et je m'empresse de la recueillir sur mon index afin de l'offrir à la terre. En soulevant les paupières, je me ressaisis et prends une grande inspiration.

- Willow ? m'appelle Eileen.

Elle me rejoint rapidement et pose une main sur mon épaule.

- Tu veux que je te remplace quelques temps ?

J'acquiesce silencieusement, ébranlée. Mon amie repart et me laisse ainsi seule un instant. Puis soudain, je sens sa présence derrière moi et son souffle chaud effleurer ma joue. Je fais volte-face et tombe nez à nez avec le prussien. Ce dernier me regarde avec douceur et tendresse et ça me met tout de suite en confiance.

- Nikolaus, soufflé-je.

Il sourit et se recule pour me montrer qu'il sait se tenir debout sans boiter.

- Regardez !

Je souris à mon tour, lâchant le collier autour de mon cou. C'est fou comme cet homme parvient à tout me faire oublier.

- Bravo ! Vous progressez vite ! le félicité-je, émue.

Puis le prussien s'approche de moi et saisit délicatement mon poignet, nous sortons de la tente, à l'abris des regards curieux des infirmières. Puis le soldat me tire vers lui, glisse une main autour de ma taille et serre ma main. Ainsi, nous dansons là, bercés par la douce de la pluie, le grondement du tonnerre et les atroces bruits de la guerre. Yeux dans les yeux, nous sourions, muets. Je pose mon autre main sur son épaule et ignore le fait que nous nous trouvons sous la pluie. Ainsi, ses cheveux cachent son arcade sourcilière mais ne dissimulent pas son charme. Ça le rend davantage beau.

- Tout est grâce à vous, Wilhelmina Blake.

L'entendre prononcer mon nom en entier me fait frémir de la tête aux pieds.

- Je n'ai fait que mon travail, me contenté-je de répondre en rougissant.

Nos visages ne sont qu'à quelques centimètres l'un de l'autre, nos prunelles se cherchent et se trouvent pour ne plus se lâcher.

Le regard tendre et un petit sourire accroché aux lèvres, Nikolaus me guide à travers cette danse. Nous nous balançons de gauche à droite tout en tournant sur nous-mêmes. La pluie ne semble pas nous gêner. Posant ma tête contre son épaule, je ferme les yeux et me laisse me faire bercer, sentant son souffle régulier effleurer ma peau.

Durant ce laps de temps, tout disparaît : la peur, la violence, la mort, les odeurs nauséabondes. Tout.

La pluie plaque nos vêtements et la danse rapproche nos corps désormais collés l'un contre l'autre. Mon cœur bat à tout rompre alors que ma main, dans sa nuque, glisse dans ses cheveux trempés.

Nos Cœurs ContrairesWhere stories live. Discover now