18. Douloureuse étreinte

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Build a home - The Cinematic Orchestra
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20 juillet 1916, sept heures et quelques minutes

Depuis deux jours, la pluie tombe et les tranchées sont gorgées d'eau ainsi que de boue. La progression pour les soldats est difficile sans parler des rats et du manque d'hygiène. Bon sang, l'enfer est donc réel. Tout le monde s'agite alors que le général de la division nous rend visite. Ce dernier se tient là, les mains derrière le dos et le regard sévère. Son visage n'exprime aucune émotion, aucune faille.

- En rang ! nous ordonne-t-il en criant par-dessus les hurlements des soldats au loin.

Nous nous exécutons rapidement. Les épaules en arrière et le regard au loin, je déglutis.

C'est le moment, j'en suis persuadée.

- Tous les soldats en état de marcher, courir et combattre sont appelés à regagner leurs postes dans une heure ! annonce le général d'un ton autoritaire.

Coup de poignard dans la poitrine. Mon cœur cesse immédiatement de battre, mon souffle se coupe. En état de choc, je suis pétrifiée. Les larmes coulent d'elles-mêmes tandis que tout le monde semble accepter cette terrible nouvelle. Je n'arrive pas à respirer.

- Blake, activez-vous ! m'ordonne le général.

Je cligne des yeux et prends une grande inspiration.

- Oui, Monsieur !

Puis je pars aider des soldats à se rhabiller et s'équiper. L'ambiance est pesante, personne ne parle, aucun sourire n'illumine le visage d'aucun d'entre nous. Les pleurs des infirmières, le bruit apaisant de la pluie, les hurlements déchirants ainsi que les plaintes des soldats blessés, sont les seuls qui résonnent. La boule au ventre, je m'efforce de leur adresser un petit rictus rien que pour leur donner de la force. Certains regardent des photos de leur bien-aimée et embrassent celles-ci tandis que d'autres prient le bon Dieu pour que ce dernier ne leur accorde une dernière chance.

Eileen et Ambre s'approchent de moi et me désignent Nikolaus du menton. Ce dernier se prépare et enfile ses chaussures pleines de boue séchée.

- Tu devrais aller le voir, me conseille Eileen.

- Oh oui, pars le voir ! renchérit Ambre.

Je souris faiblement, touchée.

- Merci les filles, leur dis-je alors que je m'avance vers le prussien.

Il lève les yeux vers moi et me sourit à peine.

- Il est temps, dit-il d'une voix grave.

J'acquiesce douloureusement. Un haut-le-cœur me prend et je réprime l'envie de vomir. Je tremble tellement, que je cache mes mains derrière mon dos par peur d'être vue. Une fois que le soldat est prêt, il saisit mon poignet et m'amène dehors, comme lors de notre petite danse inoubliable il y a deux jours. La pluie nous inonde, nos regards emplis de tristesse se croisent.

- J'ai besoin de vous dire quelque chose, Wilhelmina.

Mon cœur fait des siennes dans ma cage thoracique, il cogne douloureusement contre mes côtes et semble sur le point d'imploser. Et lorsqu'il pose ses mains de part et d'autre de mon visage, je sais.

- Ich liebe dich, chuchote-t-il.

Je ne connais peut-être rien à l'allemand, mais cette phrase est l'une des plus connues.

Je t'aime.

Interdite, je le regarde et pose une main contre son torse.

- Nikolaus...

Nos Cœurs ContrairesWhere stories live. Discover now