10. Tranchées

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I'm Still Here - Sia
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14 juillet 1916, sept heures du matin

À peine ai-je le temps d'enrouler le moignon de la jambe d'un soldat inconscient à l'aide d'un pansement, que les premières attaques aériennes commencent. Le bruit fracassant des obus percutant le sol m'effraie, les hurlements déchirants des soldats me hantent, les supplices n'en finissent pas. Les détonations des armes résonnent dans mes tympans, bourdonnant à cause des explosions. Ainsi, des tonnes d'acouphènes m'assaillent et me rendent folle.

Tout ceci est un cauchemar éveillé, une vision à en glacer le sang.

Le soldat que j'étais en train de soigner, se réveille et agrippe brusquement mon bras. Il me fixe de ses yeux écarquillés et lutte vainement contre la terrible douleur qu'il semble ressentir. Son souffle est court, son front est trempé de sueur. Ses ongles aiguisés s'enfoncent dans ma chair, me faisant alors grimacer. De plus, son extrême pâleur ne représente rien de bon.

- Fuyez tant qu'il est encore temps ! me hurle-t-il.

Sa voix fend l'air, se perd parmi les plaintes et les grondement qui nous entourent. Pétrifiée, je ne dis rien et me contente simplement de le regarder.

- Partez, laissez-nous mourir... !

La souffrance dans sa voix étouffée m'horrifie, me fend le cœur et me rend impuissante.

- S'il vous plaît !

Sa main me relâche, le soldat perd à nouveau connaissance. Le souffle coupé, je tente de reprendre mes esprits et de regarder autour de moi : les tranchées sont jonchées de corps sans vie, un réel bain de sang. Sans parler du front qui représente la violence même de la guerre. Une multitude de soldats blessés arrivent vers nous. Certains sont à moitié défigurés, d'autres arrivent avec un voire plusieurs membres en moins.

Ces visions me donne des haut-le-cœur, je suis malade, débectée, terrifiée.

Mon Dieu.

Sur mes joues sales, dévalent des larmes silencieuses, brûlant ainsi mes yeux fatigués par cette infâme barbarie que nous vivons depuis plusieurs jours.

Me massant le poignet, je constate que ce dernier a gardé la trace rougeâtre de l'emprise du soldat paniqué. Je le regarde et le voit perdre le peu de couleur qui lui restait. Bon sang...

Je regarde autour de moi et m'effondre : les tas de soldats blessés n'attendent qu'espoir et soin. Les plusieurs centaines de corps inertes et déchiquetés qui décorent les galeries, rendent le décor davantage macabre.

On a besoin de mon aide dans celles-ci afin de soigner des soldats, je m'agite afin d'être le plus efficace possible. Prenant le matériel nécessaire, je suis prête. En descendant à l'aide d'une échelle, je bute sur un corps sans vie et tombe à terre, les mains enfoncées dans la boue mêlée à du sang.

Tremblante et épouvantée, je ne bouge pas.

- Blake, par ici ! hurle un officier.

Je me ressaisis et me force à me redresser pour ensuite avancer parmi les multitudes cadavres qui m'entourent. L'odeur de la mort et du sang me marqueront à jamais. Les regards torturés voire martyrisés des soldats me font face. Certains me regardent passer, silencieux, acceptant ainsi leur sort ; d'autres agrippent ma robe et me supplient de m'occuper d'eux.

- Blake, dépêche-toi !

Mes bottes s'enfonçant dans la boue, rendent le passage d'autant plus difficile. D'autres obus éclatent, des avions alliés et ennemis volent dans le ciel et se poursuivent. Des sacs de sable tombent, des corps chutent, des balles volent. Peinant à respirer convenablement, je titube jusqu'à arriver auprès de l'officier en question. Mes oreilles bourdonnent, j'ai mal au dos et une vive douleur traverse mon flanc droit.

Nos Cœurs ContrairesUnde poveștirile trăiesc. Descoperă acum