12° Loïs Leroy

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É M I L I E N

Nous étions lundi après-midi, j'étais déjà en salle F107, avec Ambre. J'attendais patiemment Colin. On n'avait pas fait grand chose pendant la matinée, si ce n'était l'interrogation de nos principaux suspect, Samuel et François pendant la pause. Cependant, aucun des deux ne correspondaient au profil du voleur de portable.

François était issu d'une bonne famille, et au vu de ses vêtements de marque, il ne semblait manquer de rien. En plus, il était de tempérament craintif et prudent. Il n'avait pas la carrure d'un pickpocket. Quant à Samuel, nous l'avions également vite écarté de la liste des suspects. Il avait certes une réputation de bad boy fauteur de troubles, mais il avait un alibi en béton: le jour où je m'étais fait voler mon portable, vers dix-sept heures, celui-ci se trouvait en heure de colle.

Assis sur le bureau, à l'habituelle place de Colin, je me demandais ce qu'il allait bien pouvoir proposer pour faire progresser l'enquête.

Je repensais alors à notre rendez-vous à la bibliothèque. Mais surtout, à ce que j'avais osé lui dire lors de notre escapade dans le parc. Rien que le fait de me remémorer mes mots me faisait monter le rouge aux joues. C'était sorti tout seul. "Quand l'enquête sera fini, et qu'on aura trouvé le voleur... Faudra que je te dise un truc". Ridicule. J'avais honte. Il avait sans doute dû trouver cet aveu très étrange. Voir carrément bizarre. Je m'en voulais d'être si faible face à mes sentiments.

— Bonjour Ambre, Salut Émilien ! Vous allez bien ? nous salua Colin en arrivant comme une fleur dans la salle, un grand sourire épanoui aux lèvres.

Je lui rendis son sourire. Il vint s'asseoir à mes côtés.

— Ça va bien... Je viens de terminer la mise en page du journal, il ne reste plus que toi pour le relire et corriger les fautes et on pourra aller le faire imprimer au CDI, l'informa Ambre en s'étirant devant son ordinateur portable.

Colin n'eut pas le temps de répondre, Martin venait de faire une entrée fracassante dans la pièce.

— J'ai une piste pour votre voleur les gars ! s'exclama-t-il, son index nous pointant fièrement du doigt.

Les yeux de Colin s'illuminèrent. Sa curiosité venait d'être piquée. La mienne aussi, d'ailleurs. Je me demandais bien ce que Martin allait nous dévoiler. Un bruit d'une bulle de chewing-gum qui éclate suivit du claquement de la porte et Martin se lançait enfin dans ses révélations:

— Il se pourrait que votre pickpocket soit Loïs Leroy. C'est un mec de ma classe sur qui une rumeur circule depuis quelques jours. Apparemment, on aurait aperçu plusieurs portables dans son sac...

— Il faut absolument qu'on aille l'interroger, m'annonça Colin.

Je hochais la tête. C'était une piste intéressante qui méritait d'être explorer. Mais c'était surtout la seule piste un minimum solide que nous avions.

— Il est toujours dans le lycée ? s'empressa de demander le rouquin en se levant du bureau d'un bond.

Martin acquiesça.

— Oui, je l'ai vu traîner avec des gens de la classe à peine quelques minutes avant de venir ici. Et puis je le croise souvent à l'arrêt de bus, son car n'arrive qu'à dix-huit heures.

— Génial ! En route Watson !

— Du calme Sherlock, tu sais à quoi il ressemble au moins, ce Loïs Leroy ? lui demandais-je calmement en descendant à mon tour du bureau.

— Ah, bonne remarque. Je n'ai aucune idée de quoi il a l'air.

Un sourire amusé vint étirer mes lèvres. J'aimais son enthousiasme et sa curiosité enfantine.

— Si tu veux je vous accompagne, proposa Martin.

— Si je comprends bien, fit Ambre en stoppant un instant la mastiquation de sa bulle de gum, je vais devoir me débrouiller toute seule pour l'impression du journal ?

— Yep ! s'exclama le blond sans un semblant de remord. Mais t'inquiètes, tu vas gérer, comme d'habitude !

La brune rougit, ne s'attendant probablement pas à ce compliment. Nous n'attendirent pas plus longtemps pour sortir de la salle et nous mettre en quête du fameux Loïs Leroy. En arrivant dans le forum, Martin nous pointa du doigt un groupe de mec qui traînait prêt des escaliers.

— Yo Loïs ! On pourrait te parler deux minutes ?

Ils arrêtèrent presque instantanément de ricaner. Le groupe nous dévisagea quelques secondes avant que celui qui semblait être Loïs prenne la parole. Je me sentais extrêmement mal à l'aise. Ils nous faisaient très bien comprendre que nous n'étions pas les bienvenus.

— Qu'est-ce que tu veux ? grogna-t-il.

— Juste te parler.

Il souffla bruyamment avant d'obtempérer. Ce type était désagréable et le regard qu'il nous jetait était un peu effrayant. En tout cas, il ne m'avait fallu d'un seul coup d'oeil pour reconnaître qu'il avait tout à fait la carrure de mon pickpocket.

— On pourrait voir ton sac, s'il te plaît ? lui demanda Martin.

Il ne tournait pas autour du pot. Même Colin, qui lui-même manquait de tact, lui jeta un regard étonné. Loïs laissa échapper un rire mauvais.

— Et pourquoi ça ?

— On te suspecte d'être le fameux voleur de portable que mentionnent les rumeurs.

J'écarquillais les yeux de surprise. Il était beaucoup trop direct et trop peu subtil. Loïs se crispa.

— Ha ha, il blague, en fait il a juste besoin de ton sac pour voir s'il ne lui manque pas un cours en espagnol, tenta Colin afin de détendre l'atmosphère.

La situation n'allait pas tarder à dégénérer, je le sentais.

— Vous êtes pitoyables de me croire capable de faire une chose pareille. Vous faites grave pitié. Mais tu sais quoi ? Vas-y, fouille mon sac, j'ai rien à cacher, déclara-t-il en balançant à nos pieds son sac à dos.

Je ne bougeais pas. Seul Martin s'abaissa pour le ramasser et l'ouvrir. Il n'y avait rien dans la poche principal. Seul ses cours, un paquet de chips et des stylos en vrac s'y trouvaient.

— Je vous l'avais dit qu'il n'y avait rien ! s'exclama Loïs, triomphant.

— Et ça, c'est quoi ? le coupa Martin en brandissant trois téléphones de la poche arrière de son sac.

Colin et moi regardions ces portables, l'air estomaqués. Je reconnus le mien, parmi eux. Loïs avait les sourcils froncés par l'incompréhension. Il ne semblait pas y croire. Nous non plus. Ça semblait, comment dire... Beaucoup trop facile...

Les apprentis détectives Where stories live. Discover now