10° Le type à la capuche

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É M I L I E N

La nuit suivante n'avait pas été plus reposante que la précédente. Je n'avais eu de cesse de me retourner encore et encore sans jamais trouver le sommeil. La soirée m'avait paru bien longue. Colin n'avait pas quitté mes pensées, et l'érection que cela m'avait provoqué ne m'avait pas non plus aidé à fermer l'oeil.

J'étais d'ailleurs de plus en plus souvent absent, durant cette période. Je m'évadais bien trop vite de la réalité et ne faisait plus attention à ce qu'il se passait autour de moi. La preuve la veille avec ce goûter pris au café du centre-ville. Je ne saurais même pas dire de quoi Ambre, Martin et Colin avaient bien pu parler.

Sans même m'en rendre compte, j'avais passé toute l'après-midi dans mes pensées, me coupant du monde extérieur. Colin m'avait ramené à la réalité à peine deux minutes que j'étais déjà reparti dans mes réflexions. Réflexions d'ailleurs bien trop tournées vers son adorable faciès aux boucles rousses et au sourire espiègle.

Il était près de huit heures et demi du matin lorsque je pénétrais dans l'établissement. Encore une fois, j'étais crevé, comme pouvait en témoigner les deux grosses poches logées sous mes yeux. Mais surtout, j'étais tellement concentré dans mes songes que je n'avais pas remarqué l'absence de Colin. J'avais pris l'habitude qu'il vienne me saluer à cette heure-là.

Je faillis arriver en retard en cours de français, alors que ça ne m'était jamais arrivé. Et j'ai passé toute l'heure s'en prendre une seule note, alors que ça ne m'était jamais arrivé. J'aurais pourtant bien aimé me concentrer sur le cours et sur La Princesse de Clèves, mais tout ce que j'avais en tête, c'était Colin, Colin, et encore Colin.

La sonnerie retentit enfin, je rangeais mes affaires péniblement, lorsque madame Bonin -ma professeure de français- me demanda de rester quelques minutes. Je hochai la tête et me dirigeai vers elle. Je détournai le regard, embarrassé. C'était la première fois qu'un enseignant me gardait pour me parler. Je devinais que mon inattention n'y était pas pour rien.

Parce que d'habitude, même si je n'écoute pas, je donne au moins l'impression de le faire. Là, je ne m'en étais même pas donné la peine.

— Ça va Émilien ? Vous semblez ailleurs ces temps-ci... Vous avez des ennuis ? Je suis votre prof principal, alors si vous avez des problèmes avec des élèves du lycée ou autre, il ne faut pas hésiter à m'en faire part, me déclara-t-elle d'un ton bienveillant.

Je hochai la tête à nouveau. Mais je n'avais absolument pas l'intention de lui révéler que mon "problème" était le sex-appeal d'un rouquin de terminale pour qui j'avais commencé à développer des sentiments.

— Non, tout va bien, je suis juste un peu fatigué ces temps-ci...

Elle me regarda d'un air peu convaincu. Néanmoins, elle n'insista pas.

Je sortis de la salle et soufflais de soulagement. J'étais content qu'elle n'est rien rajoutée. Ça aurait prolongé la discussion, et j'étais déjà assez mal à l'aise comme ça. Néanmoins, elle avait raison sur un point. Il fallait que je me ressaisisse. Le bac blanc de français et de science approchait à grand pas, et si je commençais à ne plus écouter en cours, mes notes allaient sérieusement commencer à baisser.

Aussi passais-je la journée à tenter de faire abstraction de Colin pendant les cours. Ma dernière heure arrivait à son terme, et je venais de me rendre compte que je n'avais pas croisé le rouquin de la journée. Je me pinçais les lèvres en songeant que ce serait peut-être à moi de faire le premier pas pour aller le voir, pour une fois. C'était un peu stressant, mais j'avais très envie de lui parler. Juste un peu. Je décidais donc d'aller le voir à la fin de l'heure où club de journalisme en F107, pour m'informer de la suite des événements quant à notre enquête.

Dix-sept heures cinq, la sonnerie retentit, je me dépêchais de sortir de ma salle d'anglais. Comme d'habitude, le couloir était déjà plein à craquer des élèves qui sortaient de cours et de ceux qui s'y rendaient. Je me faufilai à travers cette masse humaine pour atteindre la sortie. Cependant, à peine puis-je souffler qu'un type me rentra fortement dedans.

Sans un mot, sans excuse ou quoi que ce soit, sans regard en arrière, il se fondit nonchalamment dans un troupeau d'élève, sa capuche bien enfoncée sur sa tête. Je l'observai s'éloigner sans oser lui faire la morale. Quelque chose chez lui me rappelait quelqu'un... Sa silhouette m'était familière, et je jurais avoir déjà vu sa veste quelque part...

Je n'y fis cependant pas plus attention que ça. Colin occupait trop mon esprit pour que je me soucis de cette petite bousculade. Je me rendis donc comme convenu à la salle F107 où travaillaient déjà Ambre et Colin.

— Ah, salut Émilien ! Désolé de ne pas être venu vers toi aujourd'hui, je suis arrivé en retard ce matin et j'ai été pas mal débordé ensuite, entre le contrôle commun de philosophie et l'évaluation de littérature que je me suis tapée ensuite, je ne savais plus où donner de la tête ! m'expliqua le rouquin, un sourire gêné aux lèvres.

— T'inquiètes, m'étais-je contenté de répondre.

Il hocha la tête. Je saluais Ambre qui me répondit par un geste de la main et le bruit d'une bulle de chewing-gum qui éclate.

— Tu n'aurais pas vu Martin par hasard ? me demanda celle-ci. Il m'avait dit qu'il passerait, mais il n'est toujours pas là...

Je secouais la tête de gauche à droite. Le regard triste, elle reporta son attention sur son calepin.

— Bon, alors... Pour l'enquête, on a plein de pistes, et plein d'indices qu'il faudrait sérieusement commencer à étudier, dit Colin, assis sur le bureau du professeur en tapotant un place à côté de lui, m'invitant à le rejoindre. Seulement, ça m'étonnerai que le reste de l'heure nous suffise pour mettre tout ça en ordre. Tu pourrais me passer ton numéro de portable ? Comme ça, je pourrais t'envoyer un message ce soir pour qu'on se voit ce week-end.

J'acquiesçais. Je plongeai ma main dans ma poche de veste. Puis dans mon autre poche. Je tâtais mes poches de pantalon. Je fronçai les sourcils.

— Un problème ?

— Je ne trouve plus mon téléphone, avouais-je, contrarié.

Il fronça les sourcils à son tour. Je réfléchis quelques secondes avant de repenser à mon altercation.

— Le type à la capuche ! m'exclamais-je. Tout à l'heure je me suis fait bousculer. J'ai dû le perdre à ce moment-là...

— Ou te le faire voler, ajouta Colin, le regard dur.

Je hochais la tête.

— Tu penses à ce que je pense ?

Je hochais la tête à nouveau.

— Il se pourrait que le type à la capuche soit le voleur de portable...

Ce fut à son tour de hocher la tête.

— Raconte moi tout dans les moindres détails, me somma-t-il, l'air déterminé.

Les apprentis détectives Where stories live. Discover now