3° Le CDI

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C O L I N

Il devait être aux alentours de huit heures vingt lorsque je descendis de mon bus pour aller en cours. Je décidais cependant d'attendre un peu avant de rentrer dans l'établissement, espérant intercepter Émilien pour lui parler de mes projets quant à la suite de l'enquête sur ce mystérieux voleur de portable.

Et en parlant de mystère, Émilien n'était pas mal dans son genre. Je n'arrivais pas bien à le cerner. Il me faisait très bonne impression, mais il paraissait renfermé et assez taciturne. Enfin, ça ne me dérangeait pas plus que ça. Au contraire, j'avais toujours préféré les timides aux bavards. Les introvertis sont énigmatiques, mais une fois qu'on apprend à les connaître, on découvre toujours que sous leurs carapaces se cache de véritable passionné, recèlant de nombreuses qualités.

Émilien avait beau être sur ses réserves lorsqu'il m'adressait la parole, je savais être patient. Je ne voulais pas le forcer à me parler non plus, mais je mourrais d'envie d'apprendre à le connaître. Je ne l'avais encore jamais vu au lycée auparavant, mais c'était sans aucun doute dû au fait qu'il était du genre discret.

Quoiqu'il en soit, je n'attendis pas longtemps avant de l'apercevoir au loin, descendant d'une voiture dans les tons beige. Je lui fis signe, un grand sourire aux lèvres. Il sembla hésiter quelques secondes avant de venir vers moi, mais obtempérera finalement et vint me saluer en face.

— Salut ! m'exclamais-je avec entrain. Ça m'est complètement sorti de la tête hier, mais il faudrait qu'on se voit pour planifier comment nous allons procéder pour pondre l'article sur ce fameux voleur de portable.

— Ah, oui... Je finis à seize heures dix aujourd'hui, je peux rester jusqu'à dix-huit heures...

— Parfait ! Je finis à quinze heures, je n'aurais qu'à m'avancer un peu en t'attendant. Rendez-vous au CDI à seize heures alors !

Sur ces derniers mots, je m'en allais sans me retourner en cours de philosophie, impatient de retrouver Émilien dans l'après-midi.

Enfin, après des heures interminables d'études, de l'histoire-géographie à l'anglais, en passant par la littérature et l'allemand, l'heure de la récréation sonna, et je pus enfin gagner le CDI, délivrer de ma classe et de mes professeurs soporifiques. Je m'installais tranquillement, sans me presser. Je saluais les documentalistes qui avaient l'habitude de me voir bosser en ces lieux, puis m'affairais au travail.

Finalement, je passa l'heure à faire des fiches de révisions sur les cours de philosophie, l'histoire du voleur m'étant complètement sortie de la tête. Il faut dire que je passais le bac à la fin de l'année, je n'avais donc pas trop le temps de tergiverser. J'étais passionné par la création du journal du lycée, et mettre mon nez dans les affaires des autre pour dénicher la moindre information insolite était devenue ma spécialité. Mais je faisais tout de même attention à ce que mon temps de loisir n'empiète pas trop sur mon temps de travail.

La sonnerie retentit lorsque je me rendis compte que je n'avais absolument pas avancé sur l'enquête du voleur de portable. Enfin, en admettant que le voleur existe bel et bien. Les rumeurs allaient vite ici, certaines étaient vraies, d'autres fausses. Il était donc tout à fait possible que Martin ait mal saisi une information, et que ce mystérieux voleur en carton n'existe tout bonnement pas.

Ce n'était sans doute pas très correct, mais j'espérais au fond de moi que le cleptomane de téléphone existe bel et bien. Ça ferait au moins un peu d'action dans ce bahut sage comme une image. Le bruit d'une chaise raclant le sol me sortit de mes pensées. Émilien venait de s'asseoir juste en face de moi. Il me salua d'un maigre sourire avant de sortir une trousse et une feuille à carreau de son sac à dos.

— Alors, par quoi commence-t-on ? me demanda-t-il timidement en faisant tourner distraitement son stylo entre ses doigts.

Je lui souris, satisfait de voir qu'il ne prenait pas cette enquête à la légère.

— Premièrement, pour écrire un bon article, il faut des sources fiables. Si on ne se base que sur des rumeurs, on ne risque pas d'aller bien loin. Néanmoins, celles-ci pourraient nous donner des informations non-négligeable sur notre énigmatique voleur de portable. Je propose donc dans un premier temps d'interroger les gens du lycée, élève ou professeur, peu importe. Je pense que ce serait déjà un bon début.

Il hocha la tête, et commença à prendre en note tout ce que j'avais suggéré. Je me retins de rire devant tant d'investissement, je ne voulais pas non plus qu'il pense que je me moquais de lui. Au contraire même, j'appréciais son enthousiasme.

— Je vois... murmura-t-il après avoir fini d'écrire. On débute quand alors ?

Je levais des yeux malicieux vers lui.

— Tu as quelque chose à faire pour les deux heures à venir ? le questionnais-je, un sourire en coin.

— Je ne crois pas...

— Alors on commence maintenant ! m'exclamais-je en me levant.

Je rangea mes affaires et remis mon manteau sur mes épaules. Émilien ne bougea pas pendant plusieurs secondes, assimilant mes paroles, puis finit par m'imiter. Nous quittions donc le CDI sur les coups de quatre heures et demi.

— On se sépare pour dénicher des infos chacun de notre côté ou tu préfères rester avec moi pour interroger les gens ensemble ? lui demandais-je en l'entraînant dans le forum, où glandaient bon nombre de nos contemporains.

Secrètement, je souhaitais qu'il veuille rester avec moi. C'était plus amusant d'avoir un compère avec qui enquêter. Et puis sa compagnie m'était agréable.

— Je préfère être avec toi, s'était-il empressé de répondre.

J'écarquillais les yeux, surpris par son ton sans appel. Semblant se rendre compte de mon étonnement, Émilien se mit à rougir. J'avoue l'avoir trouvé mignon, avec ses joues roses et son regard gêné.

— Pardon... s'excusa-t-il.

— T'inquiète, je suis ravi que ma présence te soit devenue indispensable, le taquinais-je.

Il rougit de plus belle. Je m'amusais de cette réaction. Un sourire espiègle étira mes lèvres.

— Aller, à présent en route docteur Watson, on a du pain sur la planche !

— Je vous suis monsieur Holmes.

Je souris de plus belle, satisfait de sa répartie, et lui emboîta le pas. Première mission: interroger les témoins !

Les apprentis détectives Where stories live. Discover now