7° Les délinquants

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C O L I N

Lorsque nous étions sous le bureau, mes pensées étaient très partagées. D'un côté, j'étais terrifié à l'idée que monsieur Keller s'approche de nous, qu'il nous découvre, et que mort s'ensuive. Façon de parler, hein. Mais d'un autre côté, j'avais aussi été complètement chamboulé par Émilien. Je sentais son souffle s'écraser sur mes lèvres. J'avais dû réprimer de fortes pulsions pour ne pas l'attirer davantage à moi pour lui rouler un patin. Foutues hormones.

Enfin, c'était normal que mon corps ait réagi de cette façon. J'aimais les hommes, et Émilien était loin d'avoir un physique désagréable. Au contraire, il était même très attirant. C'était tout à fait mon type, en tout cas. J'avoue que c'était un peu pour ça que je lui avais proposé de m'accompagner dans cette enquête. J'avais l'habitude de travailler seul, mais je n'allais pas rater une opportunité pour passer du temps avec un mec aussi mignon.

Quoiqu'il en soit, cette petite escapade dans le bureau de notre cher et tendre proviseur ne nous avait pas seulement permis de nous rapprocher physiquement, mais elle nous avait également permis de nous rapprocher de l'identité du voleur de portable.

Les quelques dossiers que nous avions retenus mentionnaient des jeunes connus pour être de mauvaises fréquentations, le genre à fumer de la beuh juste devant le lycée en sifflant n'importe quelle fille qui aurait le malheur de passer devant eux. La suite des événements était claire: il fallait qu'on aille leur causer un mot.

C'est ainsi que tout naturellement, le lendemain matin, je me postais devant la grille en attendant mon fidèle acolyte, Émilien, plus sexy que Sherlock Holmes, plus adorable que docteur Watson. Je ne dus pas attendre longtemps avant de voir apparaître sa tignasse noire. Il me regardait avec des yeux fatigués, de grosses cernes sous les yeux. Je devinais qu'il n'avait pas dû dormir beaucoup cette nuit, et que notre virée chez le directeur en était très probablement la cause.

— Salut, me souffla-t-il.

Je décidais de ne pas lui parler d'hier. Il avait l'air à bout de force, et puis, ça faisait quand même quelque jours que je le trimbalais à droite à gauche pour l'entraîner dans mes plans rocambolesques. Étant de bonne humeur, je prenais la décision de lui laisser un jour de répit pour se reposer, il semblait d'ailleurs en avoir bien besoin. Je lui avais déjà bien assez causé de soucis comme ça.

— Salut ! Bonne nouvelle, rien à faire pour aujourd'hui !

Il haussa un sourcil. Il semblait ne pas me croire.

— Ah bon ? finit-il par demander en retenant un bâillement.

— Oui. Profites-en pour te reposer.

Sur ces derniers mots, je lui offris un petit sourire rassurant, et m'en allais. J'avais toujours l'intention d'interroger les délinquants, mais je préférais désormais le faire seul. Je n'avais pas envie de causer une fois de plus du tort à Émilien.

Ainsi, je pris soin d'éviter ce dernier tout au long de la journée. J'attendis patiemment que la sonnerie retentisse à seize heure dix pour m'éclipser du lycée et aller toucher quelques mots aux racailles de notre petit bourg fleuri. Vêtus de leurs plus beaux survêtements fluorescents et de leur joint au coin de la bouche, ils accueillirent ma présence de tchips et de crachats.

— Il a un problème Mozilla Firefox ? m'apostropha celui qui devait se prénommer Kévin.

Comme l'avait indiqué son dossier, ce type était loin d'être une lumière. Les autres de la bande se mirent à rire comme des baleines. Ouais, le niveau de la conversation n'allait pas être très élevé.

— Je vais aller droit au but: vous avez entendu parler de la rumeur concernant un voleur de portable ?

— Laquelle ?

Leurs rires redoublèrent de plus belle. Leur tirer les vers du nez n'allait pas être simple.

— La plus récente.

— Vous en avez entendu parler les gars ? leur demanda Kévin en tirant une latte.

Sa bande de beauf secoua la tête de droite à gauche.

— Vous êtes sûrs ? insistais-je. Cette rumeur circule quand même pas mal en ce moment.

— Eh poil de carotte, tu serais quand même pas entrain d'insinuer que le voler serait l'un d'entre nous ? demanda un baptou blanc comme un cul d'une voix qui se voulait menaçante.

Leurs regards devinrent noirs. Ils n'avaient pas l'air ravi. Et c'était le moins qu'on puisse dire. Néanmoins, s'ils voulaient avoir l'air impressionnant, c'était raté. Tout le monde savait ici qu'ils se donnaient des grands airs mais qu'ils ne feraient pas de mal à une mouche. Comme le disait si bien Ambre, ici, c'était pas Mantes-La-Jolie.

— Eh tu te prends pour qui en fait ? Eh on n'est pas des cambrioleurs nous !

— J'avoue ! Vas-y ose encore prétendre que l'un de nous est un voleur et je te casse la tête ! me mit en garde Kévin en crachant un gros molard sur le bitume.

— Kévin, t'as quand même déjà piqué de la beuh à Morgan une fois...

— Qu'est-ce que tu dis toi ? Vas-y fermes ta gueule tu connais rien à l'histoire là.

Je commençais à m'éloigner discrètement, en reculant de quelques pas. Quelque chose me disait que ça n'allait pas tarder à dégénérer.

— Eh, reviens là sale roux ! On n'en a pas fini avec toi !

Je voulu m'enfuir, mais d'une rapidité que je ne lui soupçonnais pas -dû à la lenteur de sa capacité de réflexion- Kévin m'attrapa par le bras avant que je n'ai pu faire un pas en direction du lycée. Je retins une grimace de dégoût en sentant sa main moite serrer fortement mon poignet.

— Tu peux me lâcher ?

— T'as cru on allait te laisser repartir comme ça ? Eh, on a une réputation à tenir nous !

Hormis la réputation de branleurs qu'ils avaient tous, je ne voyais pas à quelle autre réputation il faisait référence.

Soudain, je le vis lever le bras droit en arrière, comme s'il s'apprêtait à me frapper. Je fermais les yeux par réflexe. Je ne m'attendais pas à recevoir son poing dans la figure, présumant surtout que c'était du bluff. Je fus subitement tiré en arrière. Lorsque j'ouvris les yeux, Kévin avait laissé tomber son poing, et dévisageait la personne derrière moi. Je me retournais pour voir qui était mon "sauveur", et découvrit Émilien. J'écarquillais les yeux, m'attendant plutôt à croiser le regard de Rémi. D'habitude, c'était lui qui venait me sortir des situations délicates.

— J'ai jamais été aussi content de te voir Watson ! m'exclamais-je en lui sautant au cou.


Notre étreinte dura à peine quelques secondes avant qu'il ne se détache de moi, m'offre un petit sourire soulagé et me choppe par le poignet pour s'enfuir. Les racailles en survet ne tardèrent pas à se mettre à courir à leur tour. Ils nous talonnaient. S'ensuivit alors une folle course-poursuite à travers le petit parc qui bordait notre lycée, avec Émilien en tête qui me tirait derrière lui, sa main dans la mienne.

Les apprentis détectives Where stories live. Discover now