9° Ambre et Martin

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C O L I N

Nous étions arrivés au centre-ville depuis quelques temps déjà. Ambre et Martin nous avaient rejoint. Nous discutions activement, assis dans l'unique café du coin. Des tasses de chocolats chauds et des viennoiseries reposaient sur la table, n'attendant qu'une chose, être dévorées.

— On devrait venir là plus souvent, c'est tellement plus sympa que de se voir dans la vieille salle F107 qui pue la transpiration, proposa Ambre, l'air ravie.

— J'avoue, approuva Martin la bouche recouverte de miette de croissant. D'ailleurs, on pourrait savoir pourquoi tu nous as demandé de venir là ? C'est pour le moins inhabituel.

Je levais les yeux vers lui. À côté de moi, Émilien se contentait de fixer sa tasse de chocolat fumante, songeur.

— Longue histoire.

— Colin.

— Disons qu'il se pourrait que j'ai cherché la merde avec la bande de racaille du lycée, avouais-je en détournant les yeux.

— Pourquoi ça ne m'étonne pas... souffla Ambre avant de finir son pain au chocolat et de se saisir de sa petite boîte de chewing-gum qui traînait toujours dans sa poche de parka. Ça a un rapport avec le voleur de portable je présume ?

J'acquiesçais. Ambre avait toujours été quelqu'un de très perspicace. Elle avait l'air un peu rêveuse et insouciante sur les bords, mais c'était l'une des plus maline d'entre nous. Elle avait rejoint le club journalisme en début d'année dernière. Elle mastiquait constamment des chewing-gum, aussi avais-je fini par lui demander d'où venait son addiction à cette friandise. Elle m'avait dit que c'était un toc qu'elle avait pris après qu'elle ait arrêté de fumer.

Plus tard, elle m'avait confié qu'elle écrivait des nouvelles, je lui avait alors demandé si je pouvais les lire. Je les avais trouvé très chouette, et je lui avais alors proposé de les publier dans le journal. Qu'elle ait une petite rubrique rien qu'à elle. Elle en avait été folle de joie et m'avait sauté au cou.

— En parlant du voleur, j'ai appris qu'il y avait eu un autre vol. Hier, le portable de Rémi a été chapardé, déclara soudainement Martin en finissant d'engloutir son croissant.

Je le regardais avec de gros yeux. Il n'avait pas pu m'en informer plus tôt ? Émilien ne releva même pas la tête, il avait l'air complètement absorbé dans ses pensées. Il contemplait sa tasse de chocolat chaud qui ne devait d'ailleurs plus être tout à fait chaud.

— Ça s'est passé où et comment exactement ? m'empressais-je de demander, le regard avide de réponse.

— Houlà, du calme Sherlock. Où, il me semble qu'il m'avait dit que c'était près du self. Et comment, il pense que c'est lorsqu'il mangeait à la pause de midi et qu'il avait laissé son smartphone dans la poche extérieure de son sac, qu'il avait posé comme d'habitude devant la cafétéria.

Je hochais la tête tout au long de sa tirade. Je fus étonné que Martin ait su me répondre dans les moindres détails. D'habitude, il était plutôt vague dans ses explications. Il devait sans doute prendre cette enquête très à coeur, tout comme moi.

Le blond avait un tempérament assez proche du mien, c'est probablement pourquoi nous nous étions si bien entendus dès notre première rencontre. Il était arrivé au club un beau matin, presque en même temps qu'Ambre. Il était souriant, plein d'entrain, et bosseur si on le motivait un peu. Il avait été très vite bien intégré au groupe.

Cependant, maintenant que j'y pensais, je n'avais jamais su quelles étaient ses raisons pour s'être joint à nous. Il restait toujours très évasif lorsque je lui posais la question. Mais j'avais cru comprendre qu'étant de même nature que la mienne, il aimait fourrer son nez partout et se mêler de ce qui ne le regardait pas. Et puis je crois qu'il s'ennuyait, aussi. C'était un passionné qui rêvait d'aventure, d'explorer de nouvelles horizons. En bref, Martin était un homme d'action, coincé dans notre paisible petit bourg fleuri.

— Merci pour tes précieuses informations Martin. Sinon, ça avance de votre côté ? demandais-je, curieux de savoir ce qu'ils avaient fait pour combler les articles manquant au journal de la semaine.

Ambre arrêta de mâcher sa bulle de gum, Martin détourna le regard. Soit ils avaient fait une connerie, soit ils n'avaient pas avancé du tout. Je jetais un furtif coup d'oeil à Émilien. Il n'avait pas l'air concerné par notre discussion.

— À ce point-là ? les questionnais-je, fatigué de leur immaturité.

Remarque, question maturité, j'étais mal placé pour leur faire la leçon.

— Ambre a écrit toute une nouvelle sur notre prof de philosophie et son haleine fétide, la balança Martin l'air de rien.

La brune pris une mine outrée. Elle le frappa à l'épaule.

— Martin a écrit un article entier voué au dernier tome de One Piece, renchérit-elle alors.

Ils se fusillaient du regard. Je fermais les yeux, exaspéré par leurs gamineries. Même si encore une fois, j'étais mal placé pour les critiquer. Entre Ambre et Martin, ça avait été un véritable coup de foudre dès le premier regard. Un coup de foudre amoureux pour l'une, amical pour l'autre.

Ça faisait longtemps que je m'étais rendu compte des sentiments que nourrissait Ambre à l'égard de Martin. Malheureusement, ces sentiments ne semblaient pas être partagés. Martin la voyait seulement comme une très bonne amie. Forcément, ça créait parfois des étincelles. Mais ça n'empêchait pas qu'ils étaient copains comme cochons, et que leur complicité était très forte. Très forte d'ailleurs pour faire des bêtises dans mon dos et pour couvrir l'un lorsque l'autre gaffait.

— Vous êtes irrécupérables. Vous avez intérêt à me pondre des articles convenables avant lundi matin, où je jure devant Émilien que je vous ferais passer un sale quart d'heure.

Ils avalèrent difficilement avant d'acquiescer. Je finis de manger mon pain au chocolat et donnait une pichenette sur le front d'Émilien. Il poussa un petit cri de surprise avant de me dévisager. Enfin, il réagissait !

— J'ai cru que tu étais parti dans un autre monde, plaisantais-je. Et puis à l'heure qu'il est, ton chocolat chaud est sans doute devenu un chocolat froid.

Il baissa les yeux sur sa tasse, l'air hagard. Il était complètement ailleurs.

— Et sinon Émilien, Colin n'est pas trop dur avec toi ? Tu arrives à le supporter ? Je sais que c'est difficile, mais il faut tenir bon, me taquina Martin en passant son bras autour des épaules de mon accolyte, sous le petit rire d'Ambre.

— Martin, tu tiens tant que ça à ce que je te fasse écrire entièrement le prochain journal ? le menaçais-je.

— Non, pardonne-moi Sherlock, c'est toi le meilleur, je ne suis qu'un être inférieur qui ne mérite pas ta pitié.

— Bien.

Nous riâmes de bon coeur avant de devoir quitter les lieux. Dix-huit heures approchait à grand pas, nous étions contraints de retourner au lycée pour rentrer chez nous. Sur le chemin du retour, tandis qu'Ambre et Martin discutaient tranquillement devant moi, Émilien à mes côtés était resté silencieux tout du long. Je ne savais pas à quoi il pensait, mais ça avait l'air de beaucoup le travailler.

Les apprentis détectives Où les histoires vivent. Découvrez maintenant