8° L'attirance d'Émilien

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É M I L I E N

Au bout d'un moment -je dirais une bonne dizaine de minutes- nous avions fini par semer nos poursuivants. Ils avaient rapidement lâché l'affaire. Ils avaient beau être en survêtement, leur condition physique n'avait pas l'air d'être au top. Je reprenais donc mon souffle, appuyé contre un arbre. À quelques mètres de moi, Colin faisait de même, plié en deux, les mains sur les genoux.

Je n'en revenais pas qu'il m'ait menti. Qu'il soit allé parler à ces types derrière mon dos. Je sortais à peine du lycée, il me restait deux heures à tuer avant que mon père vienne me chercher. Je comptais me rendre au centre-ville pour m'acheter de quoi manger dans une boulangerie lorsque j'avais aperçu une familière tignasse rousse discuter de manière assez animée avec la bande que nous avions identifié la veille comme suspecte.

Le premier sentiment qui m'avait alors traversé était la colère. Je me sentais comme trahi, on était ensemble depuis le début, et voilà que l'envie lui prenait de poursuivre l'enquête en solitaire. Et puis j'avais vu ce gars s'approcher dangereusement de lui. La colère avait fait place à l'inquiétude. Je n'avais pas réfléchi, mon corps avait agi tout seul. Il fallait que je le sorte de là.

Quoiqu'il en soit, je continuais de me demander pourquoi il ne m'avait rien dit quant à ses intentions. Jusque là, il avait toujours fait attention à m'informer de ses pensées et soupçons. Et puis la réponse m'était apparue comme une évidence.

L'image de son air inquiet lorsqu'il avait croisé mon regard ce matin-là me revint en mémoire. Il se souciait de moi.

J'avais très mal dormi, cette nuit-ci. Je n'avais de cesse de me retourner dans mon lit, de me questionner quant à ce qu'il s'était passé avec Colin, lorsque nous étions l'un contre l'autre sous le bureau. Je n'avais encore jamais rien ressenti de tel. J'avais déjà eu une certaine attirance sexuelle pour quelques filles -Lara Croft, Chun Li de Street Fighter...- mais ça n'avait jamais été aussi fort.

Et surtout, je n'avais encore jamais été attiré par un mec. Quoique, je trouvais Mario plutôt pas mal... Blague à part, vous admettrez qu'il y avait de quoi se remettre en question. Enfin, je me souvenais avoir déjà fait un rêve érotique avec un homme, et que ça m'avait même assez plu, mais je m'étais dit que ce n'était rien d'autre qu'un rêve sans grande importance. Au final, j'avais quasiment passé toute la nuit éveillé dans mon lit. Ce qui explique ma mine de déterré au réveil.

Il avait donc sans doute vu que j'étais fatigué, et avait préféré m'épargner l'interrogatoire. Il n'empêche que j'aurais quand même apprécié qu'il me fasse part de ses projets.

— On les a définitivement semés ? me demanda Colin, les joues rouges dû à l'effort physique.

Je hochais la tête.

— Sinon, tu pourrais m'expliquer ce que tu faisais avec eux ? l'interrogeais-je.

Je m'étais redressé, et le fixais d'un air attentif. Il n'allait pas s'en tirer sans explication, et surtout, sans excuse. Il détourna le regard.

— Un oubli.

Je haussais un sourcil, lui signifiant que je n'étais pas dupe et que je n'en croyais pas un mot. Il leva les mains en l'air, et dit la vérité.

— Ça va, t'as gagné. T'avais pas l'air bien ce matin, alors je me suis dit que ce serait peut-être mieux pour toi de ne pas être mêlé à mes plans à deux balles... Mais même en faisant ça tu as quand même frôlé une baston en carton avec les racailles du bahut. Excuse-moi de ne t'attirer que des ennuis...

Il regardait ailleurs, les lèvres pincées, le regard coupable. Il semblait sincèrement désolé. J'en eus un pincement au coeur. Je ne pensais pas que mes sentiments comptaient à ce point pour lui. Il s'en voulait, mais moi, je n'avais aucune rancune envers lui. Au contraire même, je m'étais bien amusé, ces derniers jours.

Je pouffais de rire, amusé. J'étais satisfait de ces excuses. En remarquant mon amusement, il releva la tête vers moi, les sourcils froncés.

— Tu ne m'embêtes pas du tout ! finis-je par m'exclamer devant son air interrogateur. Ne t'en fais pas pour moi. Je vais très bien, j'ai juste eu un petit coup de barre, rien de plus. Et puis, je m'éclate bien avec toi. Même si on a frôlé une exclusion du lycée et une petite bagarre avec des beaufs en survet jaune fluo.

Ma déclaration parut le rassurer, puisqu'il se mit à rire de soulagement dans les secondes qui suivirent. Je l'imitais rapidement, heureux que nous ayons mis les choses au clair.

— Bon, on fait quoi maintenant ? me demanda-t-il après s'être calmé, en rehaussant ses lunettes sur son nez.

Je haussais les épaules.

— En tout cas, pas question de retourner au lycée avant dix-huit heures. J'ai trop peur que les racailles de tout à l'heure nous y attendent. 

— Je suis entièrement d'accord, approuva-t-il suivi d'un petit rire nerveux. Même si honnêtement, je ne pense pas qu'on risque grand chose. Je pense que ce serait surtout gênant de les recroiser.

— Avant que je ne te vois avec eux, j'avais pour projet d'aller au centre-ville m'acheter un pain au chocolat... Tu veux m'accompagner ?

Un immense sourire pris place sur ses lèvres.

— Avec plaisir ! Oh, et Ambre et Martin qui sont dans la même classe finissent dans une heure ! On pourra les inviter à nous rejoindre pour leur faire part de nos avancées dans l'enquête !

J'acquiescais. Ce n'était pas une mauvaise idée. Ainsi, nous nous mettions en route. Côte à côte, nos bras se frôlaient, mais je crois que nous faisions tous les deux mine de ne pas y faire attention. Tandis que je l'écoutais d'une oreille parler des autres ennuis qu'il avait eu à cause de sa curiosité maladive, mes yeux étaient rivés sur ses lèvres qui s'articulaient à chacun de ses mots.

C'était indéniable, je ne pouvais plus le nier, Colin m'attirait beaucoup trop. Les rougissements que me provoquaient ses sourires étaient loin d'être anodin. L'envie de l'embrasser, là, tout de suite, maintenant, était loin de n'être qu'une banale pulsion. Qu'il occupe de plus en plus mes pensées et que la simple vue de sa tignasse rousse fasse battre mon coeur plus rapidement était loin d'être habituel.

Je ne dirais pas que j'étais tombé amoureux de lui, mais le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il me plaisait énormément, et qu'il suscitait en moi des sentiments qui m'étaient jusqu'alors complètement étrangers.

Les apprentis détectives Where stories live. Discover now