Douze.

2.6K 321 68
                                    

Il commençait à filmer de plus en plus, de mieux en mieux. La métamorphose de Taehee le poussait à tout immortaliser, il ne savait pas si c'était dans un réflexe de sauver ce qui allait partir sous quelques autres coups d'aiguilles ou si son excitation était vraiment sincère. Ce dont il était sûr c'était que sa carte mémoire se remplissait au fur et à mesure. De petits moment débiles où ils se goinfraient à un restaurant, d'une virée shopping avec les autres amis, de matins et de sa clope au bec.

Il y avait un certain confort à allumer son appareil et tomber sur la dernière photo qu'il avait prise. Il y avait une grande chance de tomber sur Taehee, un peu moins sur des choses aléatoires qu'il trouvait dans la rue, d'étrangers et de paysages, pour finir par croiser quelquefois la silhouette de leurs autres amis. Yoongi n'était pas très photo et Hoseok faisait toujours le con.

Alors retrouver ce visage androgyne et familier, pixélisé dans le petit écran, c'était à la fois un peu douloureux mais aussi excitant.

Ses camarades avaient commencé à lui poser des questions car les quelques exercices auxquels il avait participé depuis qu'il avait retrouvé sa caméra, on y retrouvait toujours Taehee ou une parcelle de sa beauté. Le bout des ongles soigneusement sculptés, sa nuque parsemée de quelques cicatrices d'acné, cette peau où fleurissaient justement quelques nouvelles imperfections depuis qu'il avait commencé son traitement. Et puis il y avait souvent ses lèvres et ses yeux joliment asymétriques. Ses professeurs avaient fini par lui interdire l'exercice du portrait, car malgré ses clichés travaillés, c'était devenu trop facile. Mais rien ne l'empêcherait de glisser un bout de son âme dans son flou bougé, rien ne l'empêcherait de glisser un morceau de son être dans le cliché challenge de sa classe du vendredi. Car même lorsqu'il devait chambouler tous ses réglages, son ISO, son ouverture, sa vitesse, il arrivait à capturer l'amour dans une peinture de lumière.

Il aurait pensé oser moins, il aurait pensé cacher l'existence de sa métamorphose en s'efforçant à ne plus capturer sa muse pour quelques mois. Car même pour lui c'était dur, de voir l'homme grignoter la femme. Alors voir la lueur changer dans le regard des autres élèves, leurs questions, il en avait eu peur.

Mais finalement, c'était plus fort que lui. Et Taehee le savait, posait parfois quand il se croyait discret. Il ne refusait presque jamais ses idées, quand Jungkook avait envie de lui peindre le dos, les bras, le corps et de le photographier sous tous les angles. Il n'acceptait pas toujours que les photos soient affichées sur le projecteur de sa classe du vendredi et c'était normal, Jungkook aussi les gardait souvent pour lui.

Aujourd'hui, il présentait ses derniers petits chefs-d'œuvre, c'était comme ça que les appelait Taehee. La classe avait souvent hâte de voir son travail, il était 3ème de sa promotion donc un des meilleurs élèves et chacun s'inspirait de ses photos pour apprendre et s'améliorer. Il y avait toujours une nouvelle pression alors, celle de décevoir jusqu'à ses camarades mais l'excitation fourmilla dans ses doigts quand la diapositive disparut et que son triptyque creva l'écran.

C'était trois clichés, chacun capturé dans l'appartement de Taehee. Il y avait cette même lumière que la soirée au risotto-crevette, ce camaïeu d'oranges qui attendrissait tout. La photo au centre était son amour, une clope allumée, pincée au bout de ses lèvres. Ses grandes jambes étaient moulées dans un jean brut et il portait un sweat-shirt qu'avait dû laisser traîner Jungkook. Ce dernier savait qu'au-dessous, il y avait ce fameux sarcophage autour de son torse, cette prison de tissus qui maintenait en place ce qui avait toujours été de trop. Et pourtant, il s'étirait comme un chat, un de ses bras haut par-dessus sa tête et son autre main agrippant son coude. Il y avait un charme à cette posture, dans un contre-jour qui transperçait les modestes rideaux de la salle de bain. Le lavabo en face de lui, le miroir à travers eux.

410. ::taekookWhere stories live. Discover now