Chapitre 10: Esclave

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Ma vue met quelques secondes à s'habituer au soleil. Je n'arrive pas tout de suite à distinguer l'ombre terrifiante devant moi. Je plisse les yeux et je vois un jeune homme qui se tient de façon bancale. Il est grand, mince, des cheveux en bataille et son haleine est chargée en alcool, j'arrive à la sentir d'ici. Ses traits portent encore les marques des excès de la nuit. Il semblerait qu'elle fût mouvementée et qu'il se soit bien amusé pendant que mon âme souffrait.

Il m'agrippe le bras et me sort avec violence de là où mon frère m'avait cachée avec tant d'amour. Il me pousse contre le mur, si fort que je me cogne la tête, et il vient se plaquer contre moi. Il est encore plus immonde de près. Je n'ai jamais rencontré un regard aussi fou. Il me scrute de haut en bas avec un sourire en coin lui donnant l'air encore plus cinglé. Les femmes qui furent mes camarades lors de cette atroce nuit, en profite pour fuir et me laisse seule pour me défendre. Je les comprends, elles n'auraient rien pu faire face à lui de toute façon.

— Mais je te connais toi !

— Cela m'étonnerait, je ne fréquente pas les ivrognes !

Il me serre toujours si fort qu'il me fait mal. Je secoue le bras de toutes mes forces pour qu'il me lâche, mais cela reste sans effet, il est beaucoup plus fort que moi. Je m'attendais à provoquer sa colère grâce à mes mots mais il n'en est rien. Au lieu de ça, il s'approche encore plus près et chuchote au creux de mon oreille :

— Ah... Tu es donc une rebelle. C'est vraiment mon jour de chance, j'aime lorsque l'on me résiste.

Je reste stupéfaite. Comment peut-il me parler ainsi ? Cet homme a un véritable problème. Cependant je ne préfère pas répondre, en effet j'ai trop peur d'attiser ses envies malsaines. Il continue de me fixer avec son regard vide d'intelligence mais plein d'idées perverses. Tout à coup il hurle :

— Oui je sais !

Mais tout de suite, il se ravise, vérifie autour de lui que personne ne l'ait entendu et me parle à voix basse.

— Tu es la princesse Diane.

Ma respiration se bloque. Comment le sait-il? Même mes propres sujets ne connaissent pas tous mon visage, mon père a toujours cherché à me protéger. La panique prend de plus en plus de place dans mon corps, je sens des tremblements prendre profession de mes doigts, puis de mon bras jusqu'à ma gorge et m'empêchent de parler, je me contente donc de secouer la tête avant de parvenir à trouver un mensonge :

— Tu te trompes, pauvre fou !

— Oh non ma belle, j'ai raison. Déjà, peu de femmes sauraient parler ma langue comme tu le fais. De plus, je me promène dans ton château depuis quelques heures, et j'ai trouvé des tableaux dans la chambre de ton petit Papa. Je suis donc sûr de moi !

Les portraits bien évidemment. Il y en a partout dans le palais. De moi seule, mais également de ma famille au complet. Impossible pour quiconque arpentant les couloirs de cette demeure d'ignorer qui je suis. Et ce parfait inconnu semble avoir pris possession des lieux. Serait-ce lui Kaël?

Comment un tel déchet de l'humanité a-t-il pu gagner?  Car oui, nous avons perdu sinon il ne se tiendrait pas face à moi dans mon palais. Cela veut donc dire que mon père et mon frère sont morts. Une boule se forme dans ma gorge à cette pensée. Je sens les larmes arriver mais je ne peux pas craquer devant lui, ma tristesse le rendrait trop heureux. Mais je dois le questionner, je dois savoir s'ils vont bien. Je décide de l'interroger,  peu m'importe si cela confirme mon identité.

— Où sont mon père et mon frère?

— Comment veux-tu que je le sache. Je dois me battre, je me bats. On me dit que la bataille est finie, j'arrête et je fais la fête. J'ai autre chose à penser qu'à ta petite famille.

— Sont-ils... morts ?

— Je ne pense pas, c'est peu probable.

— Pourquoi tant d'incertitude ? Un empereur ne devrait-il pas connaître ces informations ?

À ces mots, il se met à glousser d'un rire gras, fort et dénué d'élégance. Cela m'étonne qu'une personne ayant du sang royal puisse tant manquer d'éducation. Quel peuple peut avoir un dirigeant si grossier? Je suis déçue de savoir que de nombreuses villes de mon pays ont accueilli à bras ouverts un être aussi abjecte. Il n'en faut donc pas beaucoup pour les convaincre à la trahison.

— Tu as vraiment cru que j'étais Kaël ?

Son rire peut alors s'entendre à des kilomètres à la ronde. Je me sens très mal à l'aise, je ne sais plus quoi dire et reste sans mot face à tant d'hilarité.

— Pauvre sotte, si tu t'étais renseignée un minimum tu saurais que je ne ressemble en rien à notre Empereur. Je ne suis qu'un soldat. Un soldat qui a comme esclave une princesse que je pourrai bientôt vendre et dont je devrais tirer un bon prix. À moi la belle vie. Le problème c'est que pour le moment, tu as un trop mauvais caractère. Il faut te dompter et te briser avant! 

Les émotions se mélangent en moi. Je suis d'une part bien évidement inquiète. Je suis l'esclave d'un fou et je ne sais pas ce qu'il va faire de moi, à quoi va ressembler mon avenir et si seulement il m'en reste un. Mais d'un autre côté, je suis soulagée qu'il ne soit pas l'Empereur. Je ne sais pas pourquoi, peut-être parce que je souhaite que mon adversaire soit bien plus brave. Il me tarde presque de le rencontrer et de savoir comment est le véritable Kaël.

 Amour prisonnier: Le sommeil de la liberté {Tome 1}Where stories live. Discover now