Chapitre 19

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Le froid ambiant me fait frémir alors que je suis Marlone et les autres hommes dans le couloir étroit. Deux soldats nous escortent avec un air renfrogné, et une femme à l'air pincé nous guide jusqu'à une autre porte, nous faisant signe d'entrer. L'intérieur n'est pas différent d'une salle d'attente, avec un banc pour s'asseoir. Séparée en deux, la salle en face de nous semble cloisonnée de vitres teintées, rendant impossible la vision à l'intérieur pour l'instant. Je remarque que notre guide vient de saisir un appareil, avant de nous faire asseoir. Elle nous explique que nous allons recevoir notre code, après l'entretien. Apparemment, c'est comme un tatouage qui permettra aux gardes de nous scanner. En l'écoutant, je sens mes muscles se crisper d'indignation. Je ne vois pas l'intérêt. En réalité, je pense surtout à l'aspect pratique pour les prisonniers qui sortiraient un jour : trouver du travail avec un tel fardeau doit être compliqué.

Lorsqu'elle a fini d'expliquer, la femme se détourne de nous et toque à la vitre de la salle, pour prévenir qu'ils peuvent démarrer.

Le premier a être appelé est un des trois hommes. Je suis interpellée par l'attitude morne et déconnectée qu'il montre, presque comme s'il était drogué. Passant une main sur mon crâne, je finis par me dire que ce doit être justement la raison de son arrestation. Je suis plutôt soulagée de ne pas être la première à passer, je crois que j'aurais paniqué.

L'homme imposant à côté de moi m'apporte en quelque sorte du réconfort dans cette situation. C'est bien la dernière chose que j'aurai cru possible. Je doute d'être de la même aide pour lui, c'est en partie à cause de moi que son amie est retenue ici. Quelque chose me tracasse, mais je garde ma question pour plus tard : qu'est-ce qu'il compte faire après avoir retrouvé cette femme ? Bien que j'ai un accord à passer avec les effacés, je doute de sortir d'ici avec facilité. Mais lui, s'est-il résolu à vivre en prison à long terme ?

Au bout de plusieurs longues minutes d'attente dans un silence total, le premier interrogé sort avec la même expression vide. Il ne devait pas avoir beaucoup de choses à dire pour que ce soit si rapide. La femme lui attrape le bras sans douceur et plaque l'appareil étrange sur la peau de son poignet. Un petit bruit sec se fait entendre, puis elle lui lâche la main, laissant entrevoir des sortes de traits alignés les uns aux autres. Le deuxième à passer est Marlone, a mon grand désespoir. L'entretient me semble assez long, mais nous n'entendons rien depuis nos places, la pièce doit être insonorisée. J'ai l'impression que ça fait déjà une demi-heure lorsque la porte s'ouvre. Le vieil homme semble épuisé, mais ses sourcils sont froncés de colère. On dirait qu'il s'est énervé, j'espère qu'il ne lui ont rien fait et qu'il n'a rien révélé sur la résistance. Il s'en va lui aussi après avoir reçu son tatouage, ce qui me fait remarquer qu'il en porte déjà un, plus haut sur l'avant bras.
La chair de poule envahi mon corps, a présent que ma seule connaissance a disparu, j'ai la sensation d'être dans un environnements totalement étranger, comme sur une autre planète. J'aimerai en finir rapidement et être appelée tout de suite, mais mon nom n'est pas celui qui sort du micro.

Quand je suis enfin appelée, je serre les poings et prends mon courage à deux mains avant de me lever et d'entrer.

- Prenez place. M'ordonne une voix grave.

Seules deux chaises sont présentes au milieu de l'endroit. Je m'approche de la libre avec prudence, jetant un coup d'œil méfiant à l'homme qui doit m'interroger. Il doit avoir la quarantaine, et ses traits sont creusés. Mais son regard noir semble perçant et intrusif.

- Bien. Dites-moi si je fais erreur sur quelque chose. Mademoiselle Mily Swash, dix-huit ans depuis le quinze février. Vous avez habité dans le deuxième quartier agriculteur de Hadassa jusqu'à votre engagement en tant que recrue des effacés.

Nucléaires 3 : TirailléeWhere stories live. Discover now