Chapitre 9

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- Mily ! Me crie Wenn, me ramenant à la réalité. Tu n'as pas entendu que les renforts arrivent ? Bouge !

- Mais il reste quelqu'un là-bas ! Je réponds d'une voix paniquée.

- Quoi ?

En voyant qu'il y a un problème, le jeune garçon semble soudain tout aussi paniqué que moi. Nous ne savons absolument pas ce que nous devrions faire.

- On doit l'aider ! Dit-il soudain, l'air résigné. Il ne devrait pas y avoir de problèmes si on passe par la rue en face.

Je hoche la tête, tout à fait d'accord même si je me sens réticente à risquer autant pour une quasi inconnue.
Le jeune homme part en premier et longe les murs rapidement. Si la personne est blessée, comment est-ce qu'on fera pour fuir ? Ma respiration saccadée rythme mes pas, je sens des gouttes de transpiration descendre le long de mon cou.

Est-ce que j'aurais été la sauver si Wenn n'avait pas pris cette décision ?

Je serre les dents, agacée par mes pensées en un moment si tendu. Peu importe maintenant, je dois aller aider cette personne même si c'est risqué.
Le camion est dans une position avantageuse, il cache l'entrée de la ruelle en étant renversé devant elle. Si on pouvait tirer la blessée juste un peu derrière, on pourrait la porter sans problèmes jusqu'à une rue plus loin pour pouvoir s'y cacher ou continuer notre fuite.
Alors que nous arrivons devant, je remarque enfin la raison pour laquelle la femme reste couchée au sol, son abdomen s'est fait toucher, sûrement par une balle que les deux effacés de la voiture ont tiré au moment où Morell s'enfuyait par la ruelle. Elle n'est pas morte mais fait semblant de l'être pour ne pas recevoir d'autres tirs, sa blessure doit aussi lui avoir fait perdre beaucoup de sang et l'empêcher de franchir les dix mètres restant jusqu'à la ruelle assez vite.
Wenn se tourne vers moi après avoir observé la situation lui aussi.

- Je n'arrive pas à trouver comment la rejoindre sans nous faire repérer et fusiller, et même la ramener jusqu'ici... Le temps de le faire on sera déjà morts. Les autres groupes ont déjà dû partir, on ne peut pas espérer recevoir de l'aide.

Il ferme les yeux, complètement à court de solution, nous voulons tous les deux sauver cette femme à tout prix mais le temps nous manque. Il faut que nous y allions dès qu'une occasion se présentera.
Le bruit des renforts arrivant sur les lieux est de plus en plus fort au fur et à mesure qu'ils approchent. Si ils arrivent quelles chances avant nous de réussir ?

Je sens une main se poser soudainement sur mon épaule et je me retourne brusquement, prête à frapper l'inconnu. Mais visiblement c'est un allié, une des personnes du groupe de la femme, le visage caché tout comme nous par sa cagoule et par l'obscurité de la nuit. Nous soupirons de soulagement et il se met à nous parler en chuchotant.

- Je suis revenu en voyant qu'il manquait du monde, qu'est ce qu'il se passe ? Chuchote-t-il d'un ton calme.

Nous expliquons en quelques secondes la situation au nouvel arrivé qui m'impressionne par sa maîtrise malgré la situation.

- J'ai une arme, j'étais de l'équipe des grappins. Je peux les empêcher de riposter quelques secondes et vous couvrir. Quand vous m'entendrez tirer ce sera le moment de courir.

Après avoir marqué une courte pause, l'homme au visage inconnu se relève et commence à partir sûrement vers le toit sur lequel il était placé avant. Il se retourne soudain vers nous et nous fait un petit signe de tête avant de disparaître au coin du mur.

Avec son aide on y arrivera sûrement, c'est possible !
Mais après avoir attendu quelques instants, ma détermination disparaît petit à petit. Peut on vraiment revenir avec quelqu'un sur le dos exposés au tirs des trois effacés ? De plus les renforts sont presque arrivés, on a aucune garantie de réussir.

Au moment où le coup de feu retentit, je suis si surprise que je sursaute, trop prise dans ma réflexion pour avoir attendu le signal. Wenn s'élance en avant, et je m'apprête à faire de même quand mes sens se dirigent d'un coup vers les soldats. Leur arme en main, l'un d'entre-eux vise vers nous et l'autre vers l'homme ayant porté le premier tir. Même malgré le fait qu'il fasse nuit, je suis pratiquement sûre que ce tir nous atteindra.

Mes yeux s'écarquillent et j'ai à peine le temps de saisir le bras de Wenn et de l'attirer au sol dans ma chute.

Quelques éclats du mur s'éparpillent au sol alors que le sifflement de l'impact résonne encore un peu dans nos têtes. Ma respiration est saccadée sous la panique, j'ai l'impression de ne plus savoir où aller ni quoi faire. Pour l'instant, les débris de briques et la porte arrachée du camion nous couvrent tant que nous sommes au sol mais cela veut dire qu'on ne peut plus avancer.

- On n'y arrivera pas Wenn ! On va juste se faire tuer, faisons demi-tour !

Le garçon me regarde et je peux sentir la même peur que la mienne dans ses yeux. Il hoche la tête et me montre l'arrière pour me signifier qu'il est d'accord avec ce que j'ai dit.

- Tu es prête ? Me dit-il en reprenant sa respiration.

- Oui. Dit moi quand tu y va.

Il observe un instant de côté mais on ne peut rien voir, ni nous ni les soldats de l'autre côté.

- Maintenant !

Me relevant soudainement, nous fonçons tous les deux en sens inverse, n'ayant pas d'autres choix. Je ne crois pas qu'on nous tire dessus, mais un sentiment de déception me remplit entièrement et dépasse la peur qui m'envahissait il y a quelques secondes.

Qu'est-ce qu'il va arriver à cette femme maintenant ? Elle sera sûrement emprisonnée et questionnée sur ses alliés...

Nous arrivons sain et sauf de l'autre côté du camion et continuons notre course dans un silence de plomb, réfléchissant encore aux façons dont on aurait pu la sauver.
Cette personne était une humaine comme moi.
Elle avait sûrement des amis, des personnes chères à ses yeux. Elle était sans doute importante pour quelqu'un.
Alors pourquoi n'ai-je pas réussi ?

*

Un claquement sec retentit dans la pièce. Wenn baisse la tête d'un air honteux, portant une main à sa joue endolorie par la gifle violente qu'il vient de recevoir. Devant nous deux se tient l'homme ayant tenté de nous couvrir, furieux. Sa cagoule a laissé place à un visage âgé à la peau mate et aux yeux noirs enflammés par la colère et la tristesse.

- Pourquoi est-ce que vous avez fait demi-tour ? Vous deviez la sauver ! C'était ce qu'on avait convenu la bas !

Je ferme les yeux et pince les lèvres en attendant ma propre correction, espérant presque la recevoir, mais le coup ne vient pas. Naos vient de s'interposer entre nous d'un air doux et compréhensif envers notre agresseur qui vient de perdre quelqu'un de cher.
Les yeux plein de colère, le vieil homme nous dévisage.

- Elle était à quelques mètres de vous ! Crie-t-il d'une voix qui se brise au fur et à mesure. Il suffisait de quelques pas, et pourtant vous...

Ne finissant pas sa phrase, il sort de la pièce et claque la porte derrière lui. Après son départ, un silence lourd pèse dans la pièce, et Naos finit par le briser en nous posant à chacun une main sur l'épaule. Lorsque je relève la tête, je vois qu'il nous sourit tristement.

- Vous avez fait ce que vous avez pu.

A côté de moi, Wenn plisse les yeux d'un air attristé.

- Mais nous n'avons pas pu l'aider. Souffle-t-il doucement.

- Parfois, on ne peut rien faire de plus. Il faut savoir faire demi-tour quand c'est encore possible. Répond Naos d'un ton compréhensif.

Je serre mes mains ensembles, touchée et rassurée par ces paroles. J'espère de tout mon cœur que cette femme a survécu, mais je ne pouvais pas l'aider. Ça n'aurait servi à rien que nous mourrions tous les trois.

Naos finit par nous tapoter l'épaule, et se dirige vers la porte menant au escaliers du sous sol. Nous le suivons sachant déjà ce que nous allons voir en bas, où tout le monde est déjà réuni.

Je vais enfin savoir qui est cet homme si important pour les scientifiques, pour qui l'une d'entre-nous s'est faite attraper.

Et surtout, qui pourrait apporter des réponses à mes questions.

Nucléaires 3 : TirailléeWhere stories live. Discover now