💎La vérité d'une cheerleader💎

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     Aujourd'hui c'est mon dernier jour dans ce bahut tout naze. Je vais recevoir mon diplôme, comme beaucoup d'autres. Je dois m'appliquer pour mon maquillage. Il faut que tout soit parfait pour ce départ. Et les fringues que j'ai dénichées... un vrai régal.

***

     Des années auparavant. J'ai commencé mes études dans une école prestigieuse. Après tout, ça a été facile d'y entrer, j'ai toujours été une élève modèle. J'ai surtout eu des facilités et de l'argent. Beaucoup d'argent. J'ai rien gagné, toujours tout eu.

     Je me suis assez vite imposée en leader des filles de la classe. Je me suis bien intégrée, c'est facile : il suffit de flatter l'égo des autres pour obtenir tout ce qu'on veut d'eux. J'ai eu quelques accrochages avec les "anciens", enfin surtout les filles de dernière année, et tout particulièrement la cheffe des cheerleaders. Mais bon, j'ai fini par avoir sa place, à cette courge. Elle s'attendait à quoi après l'obtention de son diplôme ? Rester ici pour toujours ? Franchement, quelle idiote.

     Je sais très bien ce que mes "amies" disent derrière mon dos. Je les ai entendues dans les toilettes. Elles pensaient être seules, et elles me prennent pour une truffe. Le bruit court que je me tape tous les mecs du bahut, que je suis une vraie catin, les choses habituelles, quoi. Et en face de moi, ces bécasses, qui ont lancé tout un tas de rumeurs à mon sujet, m'assurent que c'est une mauvaise plaisanterie de tierces personnes jalouses de mon succès. Je veux bien y croire, à leur jalousie... Pauvres petites filles stupides.

     Finalement, je m'affiche au grand jour avec la star masculine. Et oui, le roi et la reine sortent ensemble, c'est hyper cliché, je sais bien. Devant ses potes lourdauds, il se la pète de sortir avec "la fille la plus canon du bled" et il en rajoute avec des "elle est vraiment trop bonne, au lit on se lasse jamais !"... Et dire que c'est à peine si nos lèvres se sont effleurées. Ça me fait vraiment marrer. Dans le monde où nous vivons, seule l'apparence compte. On fait joli, à nous deux, alors on s'en sort. Je sais bien qu'il sort avec moi juste pour la déco. Mais bon, je fais pareil avec lui.

     Quel imbécile. Mon "petit ami". Il s'est fait chopé avec son mec. Bah oui, si on a jamais couché, c'est pas pour rien. Je l'ai jamais intéressé mais quand même, il aurait pu être plus discret, ça me fout dans la mouise, moi aussi...

     J'ai la chance d'avoir des amies assez lèche-botte pour me plaindre de cette rupture si brutale. "Oh mon dieu, ma pauvre chérie, ton mec te trompait depuis tout ce temps ! Et avec un mec, en plus !"... Oh mon dieu, je suis si étonnée que mon "mec" était gay depuis le début...

     J'ai tout de même fait un triomphe à la soirée de fin d'année. Soit disant par pitié. Personne n'aurait osé invoquer cette raison, "la pitié", en parlant de moi. J'ai toujours tout eu. Jusqu'au bout. Tout ça avec un large sourire. Mais n'importe qui d'un peu observateur aurait bien vu que "je ne souris pas des yeux". J'ai été élue reine incontestée. Bien sûr, j'étais venue accompagnée. Non pas de mon "petit ami" mais bien de ma troupe de "super amies cheerleaders", qui m'auraient suivie jusqu'au bout du monde si ma lumière aurait pu leur apporter un peu de ma gloire. Je leur avais dit de porter leur tenue. Comme ça, on serait une équipe triomphante. Et je suis venue dans une magnifique robe de soirée. Et j'avais mon armée de pompom-girls qui me suivait d'un air dépité. Quelle sottise que de porter des tenues aussi laides. Sérieusement, et elles m'ont crue ?

     Après ça, il restait des examens et quelques matches. Elles me faisaient la tête, bien sûr. Mais elles étaient obligées de suivre mes directives jusqu'au bout. Alors en public, elles faisaient comme si elles m'adoraient. Je sais bien qu'elles m'avaient toujours haïe. Au moins, maintenant, je leur avais donné une bonne raison! Je leur en ai fait baver de plus en plus durant nos entraînements. Il fallait bien finir en beauté.

     Au bout du compte, j'ai réussi. Elles ont commencé à sérieusement m'éviter. Elles avaient hâte que tout cela cesse. Et pour être tout à fait honnête, moi aussi.

***

     Et nous voilà ce dernier jour. Enfin. Mon maquillage est une véritable œuvre d'art. J'ajuste ma tenue comme il faut et j'y vais.

     Une fois sur place, je reste au fond la salle, à l'écart et dans l'obscurité. J'observe les autres. Les gros lourdauds et mon "copain gay". Ils se marrent comme des ânes et en se donnant de grosse claques viriles dans le dos. Pitié.

     Voyons mes "super copines" maintenant... elles jettent des regards inquiets autour d'elles. Je crois qu'elles me cherchent. Elles ont peur d'avoir à me voir une dernière fois. Sait-on jamais, je suis un vrai tyran et si je passais auprès d'elles, je pourrais leur dire à quel point elles ont été mauvaises dans nos pyramides humaines. Et à quel point leur maquillage est raté, leurs vêtements sont pitoyables et que finalement, tout ceci est à leur image. Ça aurait sans doute pu les faire pleurer, leur sensibilité est à fleur de peau. Après tout, elles sont déjà en larmes quand elles récupèrent leur fichu papier.

     Ah, on m'appelle. Je m'avance alors dans la lumière, je marche d'un pas sûr et garde la tête haute. Ils sont tous muets de stupeur. Ils ne s'attendaient pas à une telle entrée. Ni à une telle sortie. Je prends le rouleau que le muet me tend. Et je prends aussi le micro pour y glisser quelques mots qui résonneront sûrement très longtemps dans ce silence si profond.

     "Les apparences sont parfois trompeuses. Dans ce monde d'apparence, n'oubliez pas qu'au fond, on est tous les mêmes. Tous plus hypocrites les uns que les autres. À vivre ainsi, vous ne serez réellement libres que lorsque vous serez réellement vous."

     Et je traverse à nouveau la salle, sous les regards hébétés fixant mon allure douteuse. Qui aurait cru que la fille la plus élégante du bahut viendrait ainsi vêtue, d'un vieux jean délavé et troué, même pas à sa taille, d'une ridicule paire de tongs, d'un vieux t-shirt de concert quelconque tombant sur une épaule et comble du crime : les cheveux détachés et soigneusement emmêlés.

     Je me sens enfin libre et, une fois dehors, je ne peux m'empêcher de sourire, pleine de fierté. N'importe qui d'un peu observateur le remarquerait bien, c'est mon premier "véritable sourire" depuis que je suis arrivée ici.

Les Contes de Maya [Recueil]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant