💎Douce nuit au clair de lune💎

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C'est étrange, cette sensation de flotter dans le vide, de voler sans ailes, de danser sans se mouvoir. Quand j'y songe, je n'aurais jamais cru que je me retrouverai dans une telle situation.

Il y avait bien longtemps que je n'avais plus pris la mer, j'avais perdu mon navire. T'en souviens-tu ? Ce vieux morceau de bois avait fini par m'abandonner. J'avais moi-même fini par abandonner, sur cette île perdue au milieu de rien. Pourtant, un nouveau jour s'était finalement levé. Ce que je croyais être ma dernière lettre à ton attention, relatant ma dernière aventure, ne l'était finalement pas.

Cette fois-ci, je prendrais plus de précautions. Peut-être que ce courrier sera le dernier que tu recevras de moi, peut-être pas. On dit que les voyages forment la jeunesse, mais j'ai bien vieilli et je ne sais plus si je tiendrais encore longtemps debout.

Enfin, j'ai vécu une sale situation. Ma volonté m'avait miraculeusement poussé à quitter mon île. J'avais rassemblé les planches du village déserté en un radeau de fortune. Et puis, j'étais parti.

Il se passa des heures sans que rien ne vienne troubler mon terrible voyage de retour vers le continent. Mais les lattes se détachèrent peu à peu. Je ne m'en étais pas tout de suite rendu compte. Mais désormais, c'était sous l'eau que j'étais.

Peut-être était-ce la fin ? C'est alors que les dernières bulles d'air s'échappaient de mon corps endolori que je sentis une forme me repousser des ténèbres profondes de l'océan. J'émergeai d'un coup, mon instinct de survie reprit alors le dessus et s'agrippa au rocher qui dépassait là.

Ballotté par les vagues, je reprenais mon souffle. Lentement, je contournais la pierre et il me sembla voir à l'horizon une forme montagneuse. Il s'avéra que j'étais bien plus proche du continent que je ne l'avais cru. Je me mis alors à nager. Nager, et nager encore. Puisant jusqu'à mes dernières gouttes de force.

Le temps me parut interminable. Mais le soleil n'avait pas bougé dans le ciel quand une vague énorme me repoussa sur la plage. J'étais échoué. J'avais échoué... Un capitaine sans vaisseau était-il toujours un capitaine ? Je m'allongeai sur les galets, ils me semblaient incroyablement doux. Peut-être avais-je perdu mes sensations. Je fermai les yeux, épuisé et peut-être même mort.

Plusieurs heures plus tard, j'ouvris les yeux. Une jeune fille était penchée sur moi et affichait un air inquiet et confus. Je ne l'avais jamais vue. Elle avait des cheveux brillants, dorés ou peut-être roux. Une couleur qui n'existe nulle part ailleurs que sur sa tête. Elle me semblait étrangement familière. Et pourtant, je ne l'avais jamais vue auparavant. J'en suis certain. Ses yeux étaient d'un vert d'eau incroyablement clair. Je me sentais happé dans son regard. Était-ce une sorte d'incarnation des eaux ?

Elle me sourit et m'aida à me lever, à marcher. Elle me mena jusqu'à une petite maison perchée sur la falaise. Elle vivait seule ici. Elle était bien. C'était un lieu magnifique. Je repris quelques forces auprès d'elle. Elle était comme une mère. Comme ma mer. Incroyablement douce. Elle était comme un lieu où l'on souhaite rester. Comme l'endroit où l'on revient toujours.

Elle me montra son pays. Ces pierres immenses, allongées là comme des géants endormis. Je frémis en les voyant, pensant qu'ils pourraient s'éveiller et faire trembler la terre. Je songeai que dans cette atmosphère étrange et magique régnait encore le petit peuple. Celui de l'invisible. Celui des fées, des elfes et des lutins qui dansent sous le clair de lune. Je songeai qu'en restant ici, je pourrais peut-être les voir, un jour...

Mais le large m'appelait. Alors je partis. J'avais trouvé un nouveau navire, flambant neuf. Il était un peu capricieux. Il avait un peu ton caractère. Je l'aimais bien. Je pense qu'il t'aurait plu également. Peut-être qu'un jour, nous nous reverrons et alors, je pourrais te le présenter. Nous pourrions alors partir à nouveau, ensemble, pour de folles aventures. Comme lorsque nous étions plus jeunes. Comme lorsque nous étions encore des enfants.

J'ai gardé mon âme d'enfant, mon cœur toujours jeune, mes rêves et ma poésie. Je suis toujours voyageur et aventurier. Je suis toujours conteur. Je ne raconte plus tellement d'histoires, je pense parfois que tout a déjà était dit. Puis le vent vient souffler à mon oreille et je repars de plus belle. Je suis comme une bougie à la flamme vacillante. Mais une bougie magique, de celles qui ne s'éteignent pas.

J'ai parcouru les mers, les anciennes et les nouvelles. J'ai découvert des lieux plus incroyables les uns que les autres, je pensais même avoir tout vu. J'étais surpris, encore. Surpris de pouvoir apprendre, encore. Surpris des gens, si différents d'avant, et si semblables pourtant. Et après avoir fait ma grande ronde autour du monde, spontanément, je suis retourné à ma source d'inspiration. Sur cette terre de féérie où je m'étais échoué, où je m'étais perdu.

Arrivé sur la plage, je me précipitai jusqu'en haut de la falaise, je toquai à la porte et, sans attendre, j'ouvris. Postée à sa fenêtre, un livre entre ses mains fines, la jeune femme m'offrit son sourire le plus chaleureux. Elle m'attendait. Elle savait que je reviendrais. Elle sait aussi que je repartirai. Mais que je reviendrai toujours.

Noyé dans ses yeux d'océane, je pouvais me ressourcer. Avant de préparer mon prochain départ, je pouvais enfin découvrir les merveilles de ses terres. Elle m'invita à danser le soir venu. Je l'accompagnai alors jusqu'aux rochers étranges qui s'élevèrent sous la voûte céleste. J'avais eu raison de penser aux géants endormis. J'avais eu raison de penser aux danseurs nocturnes. Pris dans la ronde tourbillonnante de cette étrange fête, je me laissais bercer aux sons des mélodies.

Tu sais, mon ami, j'espère qu'un jour toi aussi tu vivras une telle aventure. J'espère qu'un jour, tu viendras jusqu'ici, sur le sol de Bretagne, et que tu rencontreras le petit peuple.

Les Contes de Maya [Recueil]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant