Chapitre 81

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Reste



Les traits tirés d'angoisse, Sofia fouille sa mallette à la recherche de compresses. Pourtant, plus j'observe son visage, ses gestes, sa posture, plus je comprends que c'est fichu.

Sofia est une urgentiste chevronnée : elle sait reconnaître les cas désespérés de ceux qui ont encore une chance de s'en sortir. Et la façon dont elle appuie les compresses contre mon ventre en évitant mon regard et ceux de Mark et Philip me dit tout.

La gorge serrée par les sanglots qui crèvent d'envie de s'échapper, j'observe le ciel étoilé à travers le branchage du sous-bois.

– Je vais mourir, hein ? finis-je par lâcher avec nervosité en agrippant le poignet de Sofia.

En ouvrant grand les yeux de surprise, elle relâche la pression contre mon abdomen. Mes doigts laissent des traces rouges sur sa peau pâle. Un moment de silence s'écoule avant qu'elle ne daigne répondre du bout des lèvres :

– Les secours devraient vite arriver. Ils auront de quoi stopper ton hémorragie et stabiliser ton état. Donc tu n'as pas à...

– Arrête, la coupé-je d'un ton sec en affermissant ma prise sur son bras.

Elle pâlit un peu plus dans la pénombre, ce qui accentue la gravité de son visage. Quant à Mark et Phil, je les sens tendus comme des piquets.

– Je perdais pas autant de sang même lorsque j'ai eu l'accident de voiture, ajouté-je faiblement en lâchant son bras pour toucher le tissu trempé de ma chemise.

La belle chemise blanche de Mark, celle qu'il avait portée pour sa fête de fin d'études. Qu'il a accepté de me prêter. Et qui est maintenant imbibée de sang.

– Zachary... chuchote Philip en posant une main sur mon épaule.

Pour éviter d'être confronté à son regard larmoyant, je tourne la tête de côté. Je me sens affreusement mal, entouré de ces trois adultes qui savent bien que ça ne va pas bien.

– Tu vas t'en sortir.

Les mots, durs et péremptoires, de Mark me font presque sursauter. Il y a tant de conviction dans sa voix grave que j'ai presque envie d'y croire. Son ton sec ne me laisse pas le choix. Pourtant... pourtant, cette fois, je ne vais pas pouvoir lui obéir. Pour la première fois depuis cinq ans, je vais sûrement le trahir.

Avec des doigts tremblants, je cherche la main de Mark. Je finis par la trouver à tâtons. L'agrippant comme une bouée de secours, je profite de ce contact pour plonger le regard dans celui de Mark. Ses traits sont aussi durs que d'habitude. Mais une lueur de peur vient éclairer ses yeux sombres. Une lueur qui ne m'est pas familière.

– Mark, commencé-je d'une voix ferme en serrant fort sa main. Mark, j'y suis enfin arrivé.

– Arrivé à quoi ? s'enquiert-il d'un ton pincé.

– À rembourser ma dette.

Cette fois, je ne peux plus les retenir. Comme une digue qui cède, les larmes jaillissent de mes yeux, s'écoulent sur mes joues et finissent dans mon cou. Sofia augmente la pression sur mon abdomen, qui saigne plus abondamment à cause de mes sanglots. Tout en paniquant à moitié, Philip commence à me caresser les cheveux. Mark, quant à lui, se raidit un peu plus.

– Qu'est-ce que tu veux dire ?

– Tu sais très bien, marmonné-je en attirant sa main près de mon cœur, qui est à la fois plein de vie et proche de la mort.

The Debt [Terminé]Where stories live. Discover now