𝖕𝖗𝖔𝖑𝖔𝖌𝖚𝖊

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    Jungkook, aux yeux des autres étudiants de son université, était différent. Pourtant, il ne sortait pas de l'ordinaire : des cheveux noirs et ondulés, des yeux en amande foncés, des lèvres pulpeuses et de longs doigts de pianiste. Au contraire, on pouvait définir Jungkook comme un bel homme.

    Enfin, si ce n'était la longue balafre qui partait de son sourcil droit au coin de sa lèvre et qui le défigurait totalement. Ce n'était pas sa cicatrice qui faisait fuir les gens, non. Au fil des années, le noiraud avait remarqué que celle-ci attisait la curiosité du genre opposé, et les filles se pressaient au pas de sa porte quand il était encore au lycée.

    Mais voilà, il avait fallu qu'on le surprenne en train d'embrasser un garçon, et c'en était fini de lui. S'il vivait en Amérique ou en Europe, les gens n'y auraient pas fait attention, mais il habitait en Corée du Sud, l'un des pays les plus fermés d'esprit sur l'homosexualité. Et ce simple baiser avait eu des conséquences désastreuses sur sa vie entière.

    Marchant dans l'un des couloirs de son université, Jungkook bouscula un étudiant, et il grogna en voyant les gens aux alentours les dévisager.

    « Fais gaffe, sale pédale ! » s'exclama le jeune homme, le visage déformé par la colère.

    « C'est toi qui m'es rentré dedans, crétin. » siffla le brun.

    Toutefois, Jungkook n'était pas simplement connu pour son orientation sexuelle. Ce dernier se battait depuis tout petit, et cela lui avait attiré pas mal de problèmes. Ses parents l'avaient inscrit à plusieurs arts martiaux lorsqu'il était plus jeune, et il savait parfaitement se défendre face à un type comme lui. Il n'avait pas peur de lui casser le nez.

    Finalement, l'étudiant n'eut pas le cran de répondre, et se contenta de faire demi-tour, dédaigneux.

    La majorité de l'université n'aimait pas le brun et le lui faisait bien comprendre. Jungkook s'en fichait éperdument, ce n'était pas ça qui lui faisait le plus mal. Non, la solitude était beaucoup plus amère que le fait d'être détesté. Il était seul, sur le campus, atrocement seul. Il n'avait pas d'amis, pas de petit-ami, aucun point d'attache autre que Seokjin qui le retenait à l'université. Seules ses études comptaient, à son plus grand regret. Comme les autres, il aurait aimé avoir un groupe de meilleurs amis, un amant sur qui compter, éprouver toutes sortes de sentiments contradictoires rendaient une personne humaine.

    Jungkook fendait la foule d'un pas lent, la tête haute. Son masque était parfaitement en place : neutre, forgé dans la glace, sans l'ombre d'une fissure. Ses pupilles d'un joli écorce d'arbre se promenaient sur les étudiants, avec tout le mépris dont il était possible. Certains le dévisageaient de haut en bas, d'autres rigolaient à son passage, la moitié ne se préoccupait pas de sa présence qu'ils jugeaient nuisible, comme un insecte à écraser sous leurs semelles.

    On était en hiver, et quand les cours se finissaient, il faisait noir depuis déjà quelques heures. Jungkook adorait l'obscurité, mais ne pouvait s'empêcher de s'y sentir mal à l'aise en présence d'une autre personne. C'est comme si sa bulle misanthrope se perforait, et que sa vulnérabilité apparaissait à la lumière du jour ; et il souhaitait tout, sauf ça.

    Le jeune homme n'avait pas le droit se montrer vulnérable. Il ne pouvait pas se montrer sans son masque, sans faire sembler de s'en ficher, d'être assez puissant pour passer au-dessus. Sinon, il signerait sa fin. Les gens étaient cruels, et n'attendaient qu'une chose : lui asséner le coup fatal.

    Il sortit du bâtiment et son souffle se dessina en volutes de fumée sous ses yeux. Il enroula son écharpe en laine autour de son cou et y enfouit son nez. Son corps fut pris de légers tremblements à cause du froid et il accéléra le pas. Le site était vide, en dépit des bâtiments pleins à craquer d'étudiants, et il apprécia un instant le calme autour de lui. Il aurait pu mettre ses écouteurs, mais après une journée entière à vivre dans le bruit, il avait besoin de se ressourcer dans le silence.

    Ses soirées, Jungkook les passait seul. Il s'était habitué à la solitude et cette dernière ne l'angoissait plus autant qu'avant. Ses anciens amis du lycée l'avaient tous laissé tomber lorsqu'ils avaient appris qu'il aimait les hommes. Mais l'abandon qui l'avait fait le plus souffrir était sans doute celui de ses parents. Durant son enfance et son adolescence, ils l'avaient poussé à se dépasser, toujours trop jusqu'à ce que sa santé en pâtisse, et désormais ils ne voulaient plus de lui. Ils ne voulaient plus d'un fils indigne qui n'avait pas su briller comme ils l'auraient voulu.

    Le brun n'avait plus de famille. Il gardait son nom seulement pour l'université, mais c'était juste Jungkook. Il ne faisait plus partie des Jeon. Il était juste Jungkook, le type un peu paumé dans sa vie, en quête de trouver une certaine sérénité.

    La lune brillait. Il n'y avait aucun nuage dans le ciel. C'était reposant. Tranquille. Aussi lisse qu'une toile encore vierge. Un hibou hulula, plus loin dans un arbre, le faisant légèrement sursauter, et un petit sourire étira ses lèvres. Le premier depuis peut-être une semaine ? Il ne souriait pas souvent. Quand il était seul, à la rigueur, et seulement dans certaines circonstances.

    La vérité était qu'il n'en pouvait plus de supporter cette vie. Bien qu'il réussisse à vivre avec, la solitude commençait à lui peser. Il rêvait de s'enfuir de cette vie misérable et de prendre son indépendance dans un autre pays. De tout quitter, et ne plus jamais revenir. Plus jamais.

    Jungkook quitta la place principale du campus et se dirigea vers les bâtiments qui abritaient les chambres étudiantes. Il était assez tranquille là-bas, étant donné que les personnes qui y dormaient n'avaient pas les moyens de louer un appartement à proximité et ne s'occupaient pas vraiment de lui. À vrai dire, comme il n'avait pas les moyens, comme eux, il était plus ou moins accepté. Toutefois, il avait fait pression sur le secrétariat pour avoir une chambre pour lui seul. Jungkook savait qu'il était égoïste en agissant de cette manière, mais pour une fois il avait envie d'être égoïste, lui aussi. De ne penser qu'à son bien-être.

    C'est donc sur cette pensée qu'il rentra dans son petit appartement. Il possédait deux lits simples, ainsi que deux petits bureaux, un coin cuisine assez limité et une porte qui donnait sur une salle de douche et des toilettes.

    Une nouvelle fois, le jeune homme se coucha avec le cœur lourd, dans le silence.

petit prince +vkookWhere stories live. Discover now