Chapitre 15: Les forêts du Lothar

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Devant ses yeux, se dessinait l'orge à perte de vue, sous un grand soleil d'été. Seule une petite chaumière et quelques arbres apparaissaient au loin. En s'approchant, il vit quelques vaches et moutons. Les arbres répandaient leurs douces odeurs par le vent qui caressait son torse. Tout était parfaitement agencé, c'était le bonheur. Puis devant dansait une femme aux longs cheveux qui aurait pu se fondre avec l'orge environnant, s'ils n'avaient pas été roux. Mais cela lui importait peu, car tout cela était splendide. Il désirait rester ici pour l'éternité. Il regarda alors les rondes qu'effectuaient ses cheveux couleurs de flammes, dans le vent. « Flamme » ce mot lui revint. Et tout autour tout s'enflamma. C'était comme si tout cela était dans l'ordre des choses, guidé par une force inconnue. Alors la chaumière s'écroula sur elle-même. L'orge se mit à flétrir, les vaches et les moutons hurlèrent de douleur. La douce senteur des pins se changea en l'odeur des cadavres carbonisés. Même le vent disparu au profit de la lourdeur de la chaleur ambiante. Le sol se craquela alors sous lui, il chuta, puis il se réveilla.
Sevel était en sueur aplati dans l'herbe couverte de rosée que l'aurore venait caresser. Ce n'était qu'un songe, pourtant au fond de lui, il aurait souhaité que ce soit la réalité. Voir le monde brûler peut-être que cela aurait été la solution à tous ses problèmes.
Il prit le temps de s'asseoir, puis il s'examina un instant. Ses vêtements, que ce soit son gambison, son tabard, ou ses chausses, étaient déchirés en certains endroits. Ses gants de cuir étaient eux noircis en certains endroits et ses cubitières d'acier avait légèrement fondu sous la chaleur. Il retira ces dernières, vu leur état, elles ne lui serviraient plus vraiment.
Il prit le temps de humer l'air comme pour se remémorer complètement ce qui s'était passé la veille. La bataille, les immenses boules de métal, puis les flammes et les cris. Et bien sûr revint de le souvenir de son père. Le dernier souvenir qu'il aurait à jamais de Pramin, était ce visage qui commençait à brûler. Il lâcha une larme quand il pensa à cela. Il souffla un instant, un frisson lui parcouru l'échine. Puis après cela, il tenta de se rappeler son rêve, mais rien à faire sa conscience l'avait déjà effacé. Il prit ensuite une grande inspiration et il se leva. Ses jambes étaient engourdies par la fatigue.
Il observa alors les alentours. Il se trouvait dans une petite clairière tout autour s'élevaient des sapins et des broussailles. Le soleil naissant filtrait entre les branchages et les feuilles. Quelques champignons poussaient aux pieds du garçon.
Il devait suivre le soleil, aller vers l'Est. Cela n'était en aucun cas quelque chose de sûr pour sa vie, néanmoins, il ne pouvait retourner dans la plaine. Il était désormais un déserteur et sa vie était en danger s'il crossait le chemin de forces Lionnaise. Il devait s'enfoncer dans les bois, sans vraiment d'objectif. Il retira alors son tabard, même si ce dernier était troué, il valait mieux ne pas s'afficher avec. D'un côté, on le prendrait pour un ennemi, de l'autre pour un traître. De plus, il n'en aurait pas besoin, il le laissa donc à dame nature, comme une offrande pour son voyage. Il replongea son regard tout autour de lui, puis il se mit en route.

Devant s'étendait les broussailles à perte de vue, sous les arbres. Il avançait entre les branches, tentant désespérément de ne pas s'accrocher. Quelques feuilles tombaient des arbres tout autour, laissant penser que l'automne approchait. Il s'émerveilla quelque peu devant ce spectacle, puis il reprit son chemin. Il avait soif et il avait faim. Il devait bien se trouver un quelconque ruisseau dans les environs. Mais pour l'instant, il ne pouvait savoir où. Il décida donc de suivre le soleil montant entre les arbres.
Le chemin montait et descendait sans vraiment de terrain plat. Ses jambes lui firent rapidement mal, ainsi que ses pieds. Il retira ses bottes pour constater qu'il avait moult ampoule. Il perdit un peu l'espoir de survivre dans ces bois. Cet espoir diminuait d'autant plus qu'il se sentait constamment observer. Était-ce simplement une impression due à sa solitude, que quelques oiseaux venaient parfois briser par des piaillements ou y avait-il une vraie raison à tout cela. Esse qu'une créature ancienne des bois ne l'observait pas, ou même peut-être la déesse du Lothar en personne. Il oublia tout cela quand le bruit d'un ruisseau retentit à travers les épais branchages. Il accéléra le pas pour se retrouver face à ce dernier. Là des cerfs s'abreuvaient, et ils lui tinrent compagnie. Il se précipita vers l'eau et il but goulûment l'eau fraîche qui humectait ses lèvres et qui rafraîchissait son corps après une longue marche. Il ne savait pas depuis combien de temps, il progressait dans ces immenses bois, mais le soleil lui indiqua par sa position qu'il était presque midi. Et son ventre sentit cela également. Il chercha alors tout autour de lui une forme de nourriture quelconque. Il n'aurait pu s'en prendre aux cerfs, il n'avait rien pour cela. Mais devant lui apparurent soudainement un petit couple de lapin. Ils ne l'avaient pas remarqué. Sevel prit un pas posé et il s'approcha par l'arrière des deux petites proies. Un pas, deux pas. Mais son pied craqua sur une branche, alertant les animaux. Il se précipita alors, et il en attrapa un par le cou, l'autre détala en toute hâte. La petite bête se débattit un instant avant que le jeune homme ne lui brise les os, d'une manière sèche et vive. Tout autour, les cerfs n'avaient que faire de cela. L'un d'eux leva la tête se demandant peut-être ce qui venait briser ce moment de calme.
Sevel avait remonté le ruisseau pour trouver un petit surplomb. Il s'installa en ce lieu, ou il prit le temps de réunir des branchages pour faire cuire sa proie. Il installa quelques pierres tout autour et il essaya pendant une heure ou deux d'allumer un feu avec un bâton. Il tournait et tournait encore ce dernier, jusqu'à ce qu'une étincelle apparaisse.
Il savoura avec appétit ce repas, maigre certes, mais presque magique après tout ce qu'il avait traversé. Il mangea puis il s'aplatissait sur le sol et il ferma les yeux un instant.                                   Puis cette sensation étrange lui revint, celle d'être observé par quelque chose. Était-ce les oiseaux, ou même les cerfs, ou juste son imagination. Ou alors ce n'était rien de tout cela. Il ne pouvait pas rester là de toute façon. Outre cette sensation, il y avait dans l'air quelque chose d'étrange. Cette forêt entière cachait tant de mystère. Il ne devait pas s'arrêter, qui pouvait savoir quel danger se terrait en ce lieu. Il reprit donc son chemin, à travers les broussailles, cherchant différentes choses des yeux. Il repéra quelques baies, il pria le ciel pour quelles, soit comestibles et il en mangea une. Cela était plutôt bon. Il en ramassa un peu et il continua donc sa route en espérant ne pas attraper un quelconque mal de ventre.
Devant lui se profila une grande pente. Il la descendit avec prudence. Mieux valait ne pas se briser les genoux. Tout en bas, il arriva sur un petit sentier. Enfin, il trouvait une trace du peuple du Lothar. Il s'étonna d'ailleurs de ne voir aucune autre trace de pas, autres que les siennes. Tout autour du chemin, venait de hauts sapins, il vit même un grand chêne qui empiétait sur le passage. Il ne savait pas dans quel sens le suivre, mais son bon sens lui dicta de le faire tout de même. Il ne souhaitait pas retrouver dans les broussailles ou constamment les branches venaient lui griffer le visage. Alors il se décida à partir en direction du Nord pour voir s'il rencontrer une quelconque population qui aurait pu l'aider. D'un côté, certes, il était conscient que dans ces bois, l'homme pouvait être un danger aussi grand que les bêtes, mais il en avait en lui le désir profond de voir d'autres êtres humains. Il avait l'impression de crapahuter depuis une éternité dans cette forêt, et il désirait peut-être pouvoir profiter d'un peu de charité.
À mesure qu'il passait sur ce chemin le fais de ne voir aucune trace de pas l'inquiétait au plus haut point. Il oublia cela lorsque il vit, sur une pierre bordant le sentier, un étrange symbole. Un de ceux qu'il avait vu il y a une éternité, dans les bois de Josua. Il était un enfant à l'époque, haut comme trois pommes, comme disait Jebe. Il courait partout, comme aujourd'hui entre les broussailles. Ce symbole qu'il avait vu sur de larges pierres levées. C'étaient les symboles des anciens dieux. Les dieux qui furent vénérer avant même que l'homme ne naissent. Il posa sa main sur la surface rugueuse du monument. Il tenta de se rappeler alors toutes ces choses qu'il avait vécu depuis qu'il avait quittées le diocèse et le Comté de Josua. Il avait vu tant de douleur, de mort. Et pourtant, ces pierres et les anciens dieux restaient de marbre, dans l'ombre des forêts profonde. C'est comme s'ils se fichaient de la condition des hommes. Pourtant, si Sevel avait eu le pouvoir de changer les choses. S'il avait eu le pouvoir de mettre un peu de bonté dans le cœur de son prochain, de faire refleurir les champs brûles, de ressusciter tous ses gens qui avait été tuer ou violé au nom de la liberté, il l'aurait fait. Tous ces gens morts pour la justice d'un tel ou d'un tel, pour les idéaux des puissants. Par ce que l'un avait été décrété tyran et l'autre héros. Mais Sevel comprenait de mieux en mieux le monde. Il n'y avait pas de héros dans ce monde seulement des hommes. Il n'y avait peut-être pas de dieux, et alors l'homme, les gobelins, les orcs, ne seraient livrés qu'à eux-mêmes, et à la fin il ne resterait que des cendres.

Le jeune homme reprit son chemin. Son moral retombait petit à petit dans les bois alors que le soleil se mit à descendre lentement. La chaleur qui régnait alors autour été parcourue de petit frisson de vent qui venait  dans les cheveux et la peau du garçon à travers les branches et le tissu déchiré de son gambison. C'est dans ce vent et ces caresses qu'il trouvait un peu de réconfort, cela lui rappelait les caresses de sa mère. Quand il était enfant, elle venait souvent toucher son visage, puis il s'endormait dans ses bras protecteurs.
Bientôt le garçon sorti de ses souvenirs, car devant lui, sur le bord du chemin, se dressait une petite chaumière et un moulin longeant une petite rivière. Au-dessus de la maison, un chêne laissait reposer ses branches. Pourtant il n'y avait nulle trace de vie humaine. La porte était défoncé et il lui sembla que quelque chose de terrible s'était déroulé ici. Il ne pouvait le comprendre vraiment, mais au fond de lui  il le savait. C'est en s'approchant plus près qu'il remarqua d'immenses trace de pas sur le sol, accompagné de plus petite, visiblement humaines. Mais la plus grosse trace n'aurait pu appartenir à une quelconque bête sauvage. Était-elle les traces d'une bête bien plus grande. Sevel avait déjà entendu parler que dans les forêts du Lothar se cachaient des créatures immenses. Des montres poilues, au nez crochus, et grandes pattes, des trolls. Qui sait d'où ils étaient venus à l'origine, n'étaient-ils pas nés dans ces forêts. Mais était-ce vraiment un troll qui était à l'origine de cela, ou une toute autre créature peut-être.
En relevant le regard vers la chaumière, le garçon distingua les marques des griffes d'une bête dans la pierre. Quelle créature pouvait être aussi puissante pour faire cela. Un ours ? Non-même, eux ne pouvaient trancher la pierre. Comme il s'avançait encore en avant il s'arrêta juste devant la porte. Du sang séché marqué cette dernière. Il la poussa lentement et ce qu'il vit le remplit d'effroi et de dégoût.
Il y avait le corps meurtri d'une enfant tenant une poupée de chiffon dans ses bras. Avait-elle compté sur cette dernière pour la protéger au dernier moment ? Un peu plus haut, on voyait ce qui ressembla à une tête dans l'ombre, posée sur une étagère. Sevel ne regarda pas plus. Il referma la porte précipitamment et il détala le long du chemin. Toujours, alors qu'il courait, il sentait ce regard pesant sur lui. Était-ce le monstre qui avait fait cela qui l'observait depuis le début ? Était-il devenu la proie de quelque chose de tellement effrayant qu'il ne pouvait se l'imaginer ? Alors qu'il détalait à toute allure sur le chemin à travers les feuillages le ciel déclinait des nuances de roses. Le garçon le savait, il s'était grandement enfoncé dans les noires frondaisons du Lothar, et à la nuit tombée qui sait ce qu'il allait croiser. Il dévia brusquement pour s'enfoncer dans les branchages et les feuillages. Son cœur battait la chamade. Une impression dans le noir qui arrivait le saisit à la gorge. Il se mit dans la tête l'idée qu'une créature plus horrible que n'importe quel cauchemar le suivait . Esse que cette chose allait le saisir d'un moment à un autre et le dévorer. D'ailleurs, ne s'agissait-il pas peut-être  d'une meute de monstres. Peut-être de choses tellement innombrables cachées dans ces bois. Peut-être que Sevel avait en partie vu juste. Il n'y avait pas de Dieu, les hommes étaient livrés à eux-mêmes face aux monstres de la nuit. Ils avaient tenté de les repousser au plus profond des bois, mais finalement les créatures de la nuit revenaient pour les hanter, pour le hanter, dans un lieu où nul ne l'entendrait crier.

Il s'arrêta alors sur un petit surplomb. Il avait faim, et il doutait que les quelques baies en sa possession puissent le nourrir suffisamment. Mais pourtant autre chose, de tout à fait différent occupait alors son esprit. Il devait se défendre contre ce qui le traquait dans la nuit. Il ne pourrait pas courir éternellement. Il avait fini par comprendre qu'il n'était qu'un homme fait de chair et de sang. Un corps qui se fatigue petit à petit.
Ainsi, il se prépara. Il chercha sans relâche quelques pierres, quelque peu aiguisé. Puis se munissant d'une branche de chêne, il la tailla avec hâte. Il obtint une petite sagaie de bois qu'il garda précieusement près de lui, ne la lâchant jamais. Mais cela n'était pas fini. Alors que le soleil glissa vers l'horizon, il se mit à rassembler des branchages, plus ou moins solide. Il les tailla de manière rapide craignant que la nuit ne tombe avant qu'il ait fini. Il fit cela avec une précipitation, avec une telle anxiété, que quelques branches se brisèrent sur le coup. Mais il ne se découragea point, et après une heure ou deux, alors que l'obscurité s'était installée, une myriade de pieux rudimentaire entourait tout son campement. Il décida de ne pas allumer de feu, peut-être que le monstre aurait été alors attiré. Peut-être que cela aurait trahi sa position. Il se posa contre un tronc, la sagaie à la main, et il attendit que l'obscurité gagne les alentours.

Dans le noir profond de la forêt, il resta aux aguets. La peur qui l'envahissait l'empêchait complètement de dormir. Tout autour régnait le noir sur le Lothar. Un loup hurla à la lune au loin, et quelques oiseaux de nuit se mirent à chasser. Des questions se profilaient dans sa tête. Quelle était cette chose ? Était-il réellement suivi ? Ou alors devenait-il fou ? Il se mit à penser que quelqu'un venant par ces bois, et le trouvant ainsi le prendrait probablement pour un fou. Pourtant, lui savait que quelque chose était ces bois, pas loin de lui. Cette chose, ou ces choses, tournait autour du surplomb. Elles ne faisaient pas un bruit, elles se contentaient d'attendre. Mais attendre quoi ? Qu'il s'endorme, qu'il devienne fou et qu'il quitte l'enceinte des pieux. Mais si tel était le cas ces choses devraient attendre très longtemps. Car il n'avait nulle intention de mourir. Il ne dormirait pas, la peur le maintenait bien trop éveiller. Esse pour ce qui était de fuir, le jeune homme ne comptait pas le faire. En effet, il avait bien compris qu'à un moment ou un autre, il se ferait attraper. De plus dans le noir complet de la nuit, alors que la lune était le seul phare, pouvait-il survivre dans les bois.
Soudain il vit se dessiner une ombre montante dans les ténèbres. Il ne voyait pas de visage, juste cette forme qui montait le long de la pente du surplomb. Son cœur accéléra et il tenta tant bien que mal de le calmer espérant cacher sa présence. Mais cela servait-il a quelque chose. Après tout le monstre, la chose ne venait elle pas ici pour lui. Peut-être voyait elle dans le noir. Sevel décida donc de se lever. Était-ce réel, ce n'était pas sûrement pas une bête ou un troll. La masse en haut était certes bossue, mais en bas, elle se rétrécirait pour donner, peut-être ce qui aurait été un bassin, et des jambes, fines comme des aiguilles. Les bras, étaient eux difformes, long effilé, au doigt fin et long tel une lance. Mais pourtant, le jeune homme ne voyait pas  grand chose autre que la silhouette qui devait bien mesurer trois ou quatre mètres de haut. Il était là, debout, les jambes tremblantes, la sagaie en avant. C'est un léger reflet de la lune qui lui laissa entrapercevoir des yeux noirs. Du reste du visage, Sevel ne vit rien et il préféra cela. Des yeux presque innocents enfoncés dans des orbites ridées. Du reste du visage, Segel ne vit rien et il préféra cela. Car qui savait ce qui se cachait dans l'ombre. Si les feuilles des arbres n'avaient pas couvert la lune qu'aurait vue le jeune homme, et esse que son esprit l'aurait supporté. Le plus effrayant devait probablement être le fait qu'il n'entendît aucune respiration. Le corps se contentait d'avancer vers lui d'un pas lourd. Et bientôt, il fut surplombé par cette masse immense.
  Alors il déglutit, le monstre le regardait de haut, statique. Il leva alors sa main, du bout de son bras démesurément long. Du visage du monstre Sevel ne voyait maintenant que quelques traits, mais qui l'emplirent pourtant d'un effroi incommensurable. La main se rapprocha de son visage et elle se posa sur sa joue, ou plutôt elle enserra sa tête dans une douce étreinte. Le garçon aurait voulu se laisser aller, faire confiance à cette chose, mais le souvenir brusque de la chaumière et de ce qu'il avait vu le força à reculer brusquement. La créature sembla mécontente de ce geste, mais à vrai dire le garçon ne put savoir précisément si tel était le cas. Alors il se mit à faire quelque chose de stupide, quelque chose qu'il s'était promis de ne pas faire. Il se retourna brusquement et il s'enfuit lâchant sa sagaie au passage. Sous la précipitation, il chuta et il dévala la pente. Il se releva et il n'osa alors pas se retourner. Il ne prit même pas le temps de reprendre son souffle et il fonça a travers les bois en titubant à moitié sur son passage. Ne pas se retrouner ne pas regarder en arrière, ne pas entrevoir cette vision d'horreur, des enfers. Dans le noir, tout sembla s'éteindre. Sa vision était braquée dans une direction dont il ne distinguait rien. Quelques ombres d'arbres, mais rien de plus. C'est comme ci le monde entier était tombé dans un univers de ténèbres pur à l'approche du monstre.
Sevel tomba soudainement sur une falaise. En contrebas, il pouvait percevoir les reflets de lune sur un petit lac. Il ne savait que faire. Derrière lui, alors qu'il jeta un regard, il put voir la créature avancer toujours lentement. C'était comme si cette chose pouvait le rattraper malgré sa vitesse, et qu'il n'y avait aucun moyen de lui échapper. Il hésita un moment, puis il plongea. La surface d'eau devait bien se trouver à dix mètres en dessous, mais qu'importe, sa survie était en jeu, et paradoxalement il était prés à tout risquer pour cela.
En entrant dans les eaux noirâtres, il reçut un énorme choc. Ses poumons semblèrent se contracter et ils se remplirent d'eau. Mais ce qui provoqua une sourde douleur fut le rocher que sa jambe heurta. Il senti une immense souffrance. Il ne pouvait y avoir de doute, l'os de son genou s'était brisé. Il tenta de nager néanmoins pour atteindre la berge et les arbres. Il réussit cela. Sa jambe était en sang et pourtant, il continua à ramper désespérément. Il s'affala finalement, il avait fait de son mieux. Toutes ses forces étaient à bout. Sa détermination elle-même ne pouvait continuer sur ce chemin. Il songea à son père à la promesse qu'il lui avait fait. Il ne pourrait pas la tenir. Il songea au fait qu'il n'aurait jamais dû s'enfoncer dans les forêts du Lothar. Si la créature ne venait pas le finir, les bêtes sauvages le feraient. Et pour finir les vers finiraient le travail en rongeant ses os.
C'est là sur ses berges que je le trouvai alors que l'aube arrivait par les feuillages. Je ne trouvai trace nul du monstre, je ne sus donc rien de sa présence. S'était-il désintéressé de sa proie.
À ce moment précis je ne me doutais point que rencontrer ce garçon me changerait. Je ne penser à ce moment qu'à sauver sa vie. Je le pris su mon dos et je le ramenai à mon campement. 

La main de libertéWhere stories live. Discover now