Même s'il n'était resté que deux heures maximum, je n'avais jamais tenu tête et eue la langue aussi pendue avec quelqu'un, et surtout un homme que je trouvais malheureusement follement attirant. A vrai dire, je ne savais pas si j'appréciais l'effet qu'il avait sur moi. Oui, c'était libérateur de pouvoir enfin parler librement (bien que sans s'en rendre compte par moment...), de ne pas être bloqué par cette maladive timidité.

Chaque instant de ma vie, où je dois composer avec un inconnu, ne serait-ce que pour acheter une pâtisserie -autre qu'à la boutique de Tara-, c'est à chaque fois la même rengaine : un bonjour murmuré, une commande maladroite, et un « merci, aurevoir bonne journée, merci ! » incompréhensible parce que bredouillé trop vite, et donc mélangé. Alors, (re)découvrir cette facette de ma personne, celle qui dit ce qu'elle pense (littéralement, pour le coup) et qui ose tenir tête à quelqu'un, c'est... grisant. Mais je continue à penser que je ne l'intéresse pas. Du moins, pas comme un les prétendants de Tara sont intéressés par cette déesse.

Mais peu importait après tout : peut-être avait-il dit qu'il viendrait demain pour me faire stresser. Et m'humilier un bon coup, lorsque demain, je pourrais passer ma soirée seule.

            Le soleil brillait courageusement aujourd'hui, réchauffant mon visage orienté vers l'aveuglante boule de feu, devant la boutique de Tara. Je m'étais vite préparé, et voyant le beau temps, j'étais partie quelques minutes plus tôt pour me faire un bain de soleil miniature en attendant sa pause.

Nous avions prévu d'aller faire les boutiques à Nothing Hill. Non pas dans l'intention de tomber sur Hugh Grant, mais ce quartier recèle de boutiques vintage et de petits cafés où se restaurer en vitesse. Les bâtisses mitoyennes colorées étaient de plus beaucoup plus charmantes et les rues plus tranquilles que les lieux certes plus branchés mais aussi plus peuplés, comme la célèbre Oxford Street.

-         Coucou !

Tara sortait avec les derniers clients, clés à la main, fermant la porte après avoir tourné la petite pancarte accrochée sur la vitre, indiquant que la boutique était fermée. Après s'être faite la bise (une attitude très frenchy que j'ai rapporté de mon pays natal et qui amusait follement Tara à chaque fois), nous nous mîmes en route, en papotant de sa matinée ou de nouvelles vues sur le net.

Comme toujours, Tara était jolie et bien habillée, et bon nombre d'hommes la regardaient : des regards les plus discrets aux plus voyants et lubriques nous suivaient dans les rues, et dans l'underground*.

Tout retenait -faussement- mon attention, ne voulant pas me concentrer sur ce soir : le goudron gris sur les trottoirs, les quelques mégots qui étaient aplatis au sol et rendait la rue moins propre, les touristes flânant dans les rues, l'appareil photo à la main... Mais ça, c'était sans compter sur la détermination de mon amie à me transformer en Cendrillon.

-         Alors, alors.... Norah..., commença-t-elle en me regardant avec un sourire calculateur. Robe, ou jean ce soir ?

-         Parce que tu me laisses le choix ? Trop aimable de ta part, ô Entremetteuse.

Elle s'esclaffa doucement, mais son rire suffit à faire retourner sur elles les quelques têtes qui avaient trouvé la volonté de rester de marbre. Quel étais son secret ? Personne ne semblait pouvoir l'ignorer. Même les femmes lui faisaient des sourires polis, ou tentaient de l'assassiner avec des regards haineux. Rien de bien étonnant je dois dire, lorsque vous peinez à attirer l'attention d'un homme et que ce dernier n'a subitement d'yeux que pour une autre.

Nous venions de monter dans le métro, et avions repéré par chance deux places libres côte à côte. En prenant place, elle me répondit :

-         Bien sûr que je te laisse le choix voyons ! La robe fera certes très sexy pour un premier rendez-vous, mais le jean te fera des fesses à croquer ! Et ayant vu la Bête, je paris qu'elle est du genre à croquer...

Avant ce genre de phrase tirées de son contexte, je ne serais aucunement surprise que les gens autours de nous pensent que nous préférions les femmes, et que nous soyons en réalité un couple. Ce serait le désespoir complet pour les soupirants de Tara...

Imaginer Pierre à feu en demoiselle étant cependant très perturbant et amusant à la fois ! Nous... Une telle voix rauque, son torse musclé pour saturait sa chemise, son regard chavirant...

-         J'en connais une qui est au pays des rêves...

La voix de Tara me ramena subitement sur Terre. Même si le rouge qui colora subitement mes joues prouvait la véracité des paroles de mon amie, je tentais de nier, tant bien que mal :

-         Bien sûr que non, jolie Tara. (Un homme nous regardait deux sièges plus loin, avec insistance et un léger malaise depuis que Tara avait pris la parole. Ne pouvais-je pas m'amuser un peu ?) Tu m'aideras donc à trouver le jean parfait pour moi ?

Intriguée et ayant remarqué mon espièglerie, un sourcil parfaitement épilé de Tara s'arquât, tentant de trouver la raison de mon attitude aguicheuse. Remarquant enfin le type qui ne pouvait décrocher son regard de nous, Tara sourit et posa une main sur mon genou, assez haut cependant sur ma cuisse pour réduire totalement les espérances de l'homme.

-         Oh, mais c'est toujours une joie de t'habiller et de te faire changer de tenue, ma chérie...

Visiblement et anéanti et n'étant plus intéressé, l'homme se leva, et se dirigea au fond du métro, à l'affût d'une nouvelle créature quelque peu plus abordable que Tara. En riant jusqu'aux larmes de notre numéro, nous nous levons et nous plaçons devant les portes, au milieu des gens descendant au même arrêt que nous.

 

Ma foi, cette journée me faisait déjà un bien fou !

Cette fois-ci, j'y vais (ANCIENNE VERSION)Where stories live. Discover now