J'ai mal

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Je n’en peux plus. J’ai juste mal encore et toujours. J’ai besoin de parler, de crier au monde ma peine. A la place, je me retrouve là à écrire des lettre à un destinataire imaginaire, me persuadant que cela chassera la peine. Tu sais, parfois j’ai l’impression de ne pas être à ma place dans cet univers. Aide moi. S’il te plaît dis moi que tes pages calmeront ma douleur.  
 
"Elle s'était faite tatouer l'univers sur le coin du cœur, histoire de ne jamais oublier le néant qu'elle avait à l'intérieur" 
 
Mon ami,  
 
Je voulais te donner la date et le lieu où j’écris, comme il est coutume de faire dans toute lettre, mais je n’ai pu. J’ai perdu toute notion du temps dans ce lieu inconnu, peut-être suis-je au fin fond des Enfers.  
J’ai sorti ma plume aujourd’hui pour t’écrire, car je n’arrive plus à respirer correctement. Il me semble avoir besoin de me confier pour trouver la paix un instant.  
J’ai mal, si tu savais comme j’ai mal. J’ai du plomb dans le cœur. Il pèse si lourd que je m’interroge chaque jour sur ma capacité à tenir debout. Le plomb a envahi mon cœur. A moins que ce ne soit l’inverse ? Peut-être ai-je du cœur dans le plomb ? Je suis épuisée, je ne sais plus comment marcher, comment mettre un pied devant l’autre sans tituber.  
Je suis perdue dans une galaxie inconnue. Je n’arrive pas à m’en échapper, j’y suis seule face à un monde hostile. C’est un endroit effrayant où des monstres me guettent à la recherche du moindre faux pas. Je vois leurs yeux globuleux me fixer, leurs griffes prêtes à me déchiqueter, à arracher mes entrailles.  
J’ai envisagé toutes les solutions pour m’en échapper, étudié tous les plans possibles, mais rien. Rien ne se révèle concluant. Rien.  
Je suis bloquée. Je ne vois aucune issue à cet enfer ardent. Le soleil brûle la terre la nuit, le froid la glace le jour. Les plantes ont fané, les arbres sont morts. Des ronces ont envahi les chemins, ont pris leur place. Depuis, mes pieds saignent à chaque pas. Alors je m’enferme dans un lieu sombre que je crois sans danger.  
Pourtant, il m’a semblé apercevoir une ombre se mouvoir au fond de ma grotte. Cette ombre a réveillé mes cauchemars et, vois-tu, ils portent tous le même visage. Des yeux noirs sans fond, de longs cheveux noirs en bataille, un sourire triste, un portrait bien familier : le mien.  Je suis plongée dans une lutte sans fin contre moi-même. Je m’affronte éternellement sans ne jamais arriver à en finir.  
Alors me voilà, je t’écris pour trouver le réconfort dans des bras qui me sont chers.  Malgré cela, j’entends cette voix qui me dit que cela ne suffira pas, que je dois me battre en vain pour toujours. Elle me siffle toujours le même requiem :  
 
-« Le temps passe, l'heure tourne,  Et toi que fais-tu ?  
Tu restes là, hors du temps, hors de tout.  
Ta tête tourne, tu es perdue.  
Tu devrais chercher la clé pour sortir d’ici,  Arrêter de te morfondre.  
Regarde par la fenêtre pour trouver un peu de lumière, de ciel bleu pour combler ce vide dans ton cœur.  
Je sais que tu devrais le faire.  Mais vois-tu je sais autre chose,  Je sais que tu n’y arrives pas.  
Secoue-toi !  
Arrête de te prendre pour le pauvre petit canard !  
Rends-toi compte que tu devrais être heureuse !  
Tu connais l'amour, tu as une famille aimante, tu es en bonne santé, tous les jours tu manges à ta faim.  
Mais je sais où est le problème,  
Mais, tu te détestes,  
Tu ne sais gérer ce flot de haine, de tristesse qui t'envahit.  
Je sais que tu veux pleurer, pleurer encore,  
Crier, crier encore,  
Chanter de toute ton âme, encore,  Peut-être iras-tu mieux ?  
 
Ecoute ma voix,  
Cette pression,  Un jour te tuera,  
Tu perdras la raison.  
 
Tu n'es bonne à rien. Rien !  
Tu ne sais même plus à travailler, tu passes tes journées la boule au ventre et habitée par cette volonté de te faire payer pour ton existence.  
Que tu es pathétique !  
Tu en viens à vivre constamment avec la nausée et l'envie de déchaîner cette haine contre ton être.  
À force, peut-être as-tu abandonné la lutte.  
Le spleen a gagné.  
Tu es maintenant incapable d'exprimer ce qui t'arrives.  
Tu as mal, c'est tout.  
Tu veux pleurer nuit et jour.  
Ton cœur est lourd, si lourd.  
 
Écoute mon chant,  
Ton dernier soupir,  
Un coup de vent,  
Balayant les souvenirs. »  
 
J’entends cette voix, elle résonne sans arrêt dans ma tête.  
Je suis dans un monde qui me détruit jours après jours. J'y affronte de multiples démons.  
Tous ensemble, forment un tout, un moi.  
Seuls, ils sont mes pires cauchemars, mes folies, mes peurs, ceux qui m'empêchent de dormir, de croire en moi, de vivre ma vie. Ils sont mes chaînes, ne me quittent jamais.  
Ensemble, ils sont ce monde dans lequel je vis. Ils sont ma catabase sans retour.  
Ils sont ces images en moi. Vois-tu, je crois qu’en réalité j'ai créé ce monde, j'ai créé ma propre prison.  
J'aimerais que tu me comprennes. Que tu voies à quel point je peux me haïr, tu arrives enfin à entrer dans ce monde pour y changer les couleurs.  
Tu sais…  
Parfois le bouclier de ce monde cède, parfois il laisse entrer un peu d'espoir avant de se refermer, et là, tout s'effondre à nouveau...  
Je ne sais plus quoi faire. Ma plume ensanglantée tremble lorsque je trace ces lettres pour toi.  
J'ai mal. Mes frêles épaules ne tiennent plus.  
J'ai mal, j'ai juste mal. Mon cœur est fragile et rempli de plomb.  
Alors je t’écris sans savoir si tu recevras un jour ce parchemin embrasé.  
Mon cher, je t’ai peut-être déçu mais je garde espoir. Je crois encore qu’un jour tu répondras à tous ces appels de détresse, que tu viendras me sauver, balayer ces visions qui me hantent.  Oui, j’y crois encore.  
 

Je t’embrasse,  
Avec affection,  
Ta rose égarée.  
    

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