Crier au monde

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De temps en temps, j’ai la folie des grandeurs. Et aujourd’hui j’ai envie de crier sur les toits tout ce que je n’ai pas dit, j’ai envie de crier tant de choses au monde. Je me suis tant tue sur certains points de ma vie, j’ai tellement broyé du noir toute seule. Aujourd’hui j’ai envie de dresser mon étendard bien haut pour crier au monde la vie.  
 
"L'art est l'arme des larmes" 
 
C'est lorsque l'on grandit que le monde change, que nos yeux s'ouvrent pour affronter la lumière d'un soleil bien trop brillant. 
Quand la petite fille abandonne ses peluches, quand son regard se ternit; alors la terre ne tourne plus dans le même sens et tout est sans dessus dessous. 
Quand le noir vient envahir la garde-robe rose, quand des cernes viennent se poser sous les yeux et que le mot douleur est appris pour la première fois. 
Quand l'on comprend que son corps est bien plus que son corps, que le mot femme rime avec drame et grandir avec soupir, quand on apprend que la société est un ring dans lequel on t'a mis à ta naissance, quand les regards se baissent , s'éteignent.  
C'est quand la petite fille découvre la vérité que tout semble s'effondrer.  
 
Alors, le monde ne tourne plus dans le bon sens. 
Alors il faut sortir les cartes, les compas, la boussole et la longue vue pour s'orienter. 
Alors il faut sortir les feutres, les carnets, le stylo et l'encre pour écrire le monde.  
On apprend à rire et à pleurer; à chanter, danser, tomber, se blesser, hurler, chuchoter. 
On apprend à aimer et détester; à vivre, à mourir, à trembler, à sauter. 
On apprend à tout voir, s'arrêter puis tout recommencer. 
On apprend à courir derrière la vie qui file et à attendre le temps qui languit.  
 
C'est lorsque l'on grandit que le monde change, que le jour se transforme en nuit et la nuit en jour, les lumières s'inversent et nos pensées se perdent.  
Quand le bleu devient gris ou violet, que le rose devient rouge, l'azur devient noir. 
Quand la peinture s'assèche, craquelle, s'envole. 
Quand le monde perd ses nuances, que les photographies vieillissent.  C'est quand l'illusion se ternit que la mélodie s'attriste.  
 
C'est là que l'on forge son armure, que l'on choisit ses armes, ses compagnons et qu'on avance vers le champ de bataille.  
C'est là qu'une fière combattante a décidé de croiser le fer avec un stylo, de se protéger de feuilles et s'entourer de mots.  
Petite fée couchée sur un cahier griffonné refait le monde à sa manière.  
Elle peint les sentiments aux infinités de couleurs qui brillent au fond d'elle.  
Elle fait fleurir le printemps, pleurer l'automne, rayonner l'été, blanchir l'hiver.  
Elle fait danser sa plume au rythme des quatre saisons, bondissant de vers en vers, valsant avec les mots.  
Elle fait durer la nuit éternellement, languir l'aube, trainer le crépuscule, elle stoppe le temps, le modèle. 
 
C'est quand elle gagne ce pouvoir que l'univers est à ses pieds.  
Quand l'encre tapisse les murs, salit les doigts, vide les stylos. 
Quand les étoiles sont à portée de mains, quand elle caresse les planètes, dessine les constellations du bout des doigts.  
Quand des galaxies entières s'ouvrent en un mouvement de poignet, un coup de pinceau.  Quand le ciel change de couleur face à quelques lettres tracées sur un morceau de papier, que le temps s'y plie.  
C'est quand les mots résonnent que le monde écoute.  
 
C'est là qu'elle a trouvé sa place, cachée derrière un carnet, un clavier, ses mains glissant sous le sortilège de l'inspiration.  
C'est là que la rose est éclatante, fière, rouge écarlate.  
C'est là que sa voix se fait entendre, que la vie sonne aux oreilles d'une âme ou d'une autre.  C'est là qu'elle fait éclater en un magnifique artifice scintillant les émotions. 
C'est là qu'elle est la plus humaine. 
Elle devient ce porte-parole des troubles, des joies des hommes. 
Elle traverse vents et marées, grimpe les montagnes pour décrocher le ciel. 
Et de là haut, elle nous regarde, ses yeux noirs perçant l'atmosphère.  
Tel un aigle sur la cime d'un arbre, elle domine un monde si étrange. 
Et elle sent, ressent, porte en elle tous ces tourments, tous ces rires, ces chemins empruntés, ces routes traversées. 
Et elle s'élèvera encore, flambeau à la main, pour clamer ses plus beaux vers, chanter ses plus belles rimes. 
Elle subira les tempêtes, le froid du blizzard, la chaleur du soleil sur sa peau, le vent qui glace les os. 
Elle attrapera les étincelles de vie, la rosée du matin, la brise faisant danser ses cheveux.  
Elle contera la vie, 
Elle hurlera son désarroi, 
Elle éclatera en mille rayons,
Elle se fera voix des hommes, 
Pour se saisir de la magie. 
De cette aventure, 
Cueillir l'espoir, 
Et le crier au monde. 

Au Fil De La RoseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant