Le manège de ton esprit

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Aujourd’hui il fait gris, alors j’écris. Je me suis allongée sur mon bureau en bois avec toi comme seul compagnon. Dis-moi, qu’est-ce que je ferais sans toi ? 
 
« Elle écrit ses phrases préférées dans des cahiers, les phrases qui résonnent en elle, qui arrivent à exprimer à la perfection ce qu’elle ressent. Elle apprend que la plupart du temps, ce sont les livres qui lisent en nous et non le contraire » Auteur inconnu  
 
Dis-moi, qu’est ce qu’être perdu ? Comment sais-tu que tu l’es ? Comment vis-tu avec ?  
… Et bien, sache le, tout ce système est complexe…  
Ta tête ne t’appartient plus réellement, elle s’est métamorphosée en tempête, ton cœur en ouragan et tu ne sais quand cela s’est produit. Tu navigues inlassablement dans un océan en furie. Comment définir ce ressenti si personnel, interne ? C’est un océan, un océan de pensées, de sentiments par milliers, d’émotions en folie, d’images plus envahissantes les unes des autres, de souvenirs qui semblent par un pur hasard être bien trop négatifs à ton goût, de mots que tu voudrais graver sur du marbre pour oublier, un océan de tout, de trop.  
Tu ne sais pas réellement où te mènera ta fragile barque ,mais elle vogue à une vitesse que tu ne contrôles plus depuis déjà longtemps. Pourtant, tu sais pertinemment qu’elle te dirige là-bas contre ton gré, sans que tu ne puisses y faire quelque chose.  
 
C’est ainsi que tu prends une décision, tu as besoin de réconfort, de calmer la peine et la douleur. Alors, tu saisis un stylo, un carnet que tu as en si grand nombre et tu laisses ta main te guider. Tu la fais glisser sur le papier, tracer des lettres, former des mots. Tu n’es pas même consciente de ce qui se passe, tu as arrêté de réfléchir, tu sais seulement que tu ne contrôles plus rien. Qu’as-tu écrit ? Tu n’en sais pas un traître mot. Dans ces moments tu ne penses pas à ton écriture, tu as déjà trop été assaillie par les pensées. 
Pourtant, il paraît que tu as une belle plume, qu’elle sait attendrir les âmes, résonner avec certaines.  
 
C’est lorsque tu reposes ton stylo que tu te rends compte que des larmes ont coulé, alors tu les balayes d’un revers de main. Tu réalises que tu ne sais pas où tu vas, que tu es fondamentalement perdue, que tu es effrayée, terrorisée par tous ces doutes, toutes ces folies, ces craintes.  
C’est lorsque tu reposes ton stylo que tu te calmes et cherches la raison de ta peine.  Et si tout venait de ta haine envers toi-même, de ce manque de confiance, ce syndrome de l’imposteur ?  
Alors, tu cherches à analyser ton ressenti, comme si tu voulais être ta propre psychologue. Tu t’interroges :  
Que ressens-tu ?  ….  
Un trou noir, un trou noir titanesque… Tu le vois presque. Cet affreux vide qui semble avaler, effacer les compliments, les rêves, la volonté, la foi, l’espérance. Il te laisse, livrée à toi-même, petite boule de nerf, petit nuage qui broie du noir. Il te laisse là, démunie, avec pour seule consigne de cacher tout cela à la face du monde, alors tu transformes ces mille défauts que tu vois en toi en petites remarques d’autodérision, d’ironie, tu les noies dans un surplus d’énergie, de fausse énergie positive.  
Pourtant, tu sais très bien au fond de toi que tu n’as pas arrêté l’hémorragie, qu’elle est en train de te détruire de l’intérieur, de pourrir ta vie. Comment avancer quand tu entends une petite voix te murmurer doucement à l’oreille que tu en es incapable ?  
 
Te voilà rapidement face à un cul de sac, il semble n’y avoir aucune issue par le chemin que tu as pris. Il te faut changer de route, du moins le faire croire à l’univers. Vois-tu ce masque posé là-bas ? Saisis-le, il t’aidera à savoir faire bonne figure. Il t’apprendra à te forcer, te forcer à sourire, à te montrer comme une jeune fille pleine d’espoir, de celles qui semblent si naïves que l’on a peur de les toucher. Il te dira d’écouter un peu les compliments des autres quand tu le portes, mais il est si lourd qu’il te dévisage. Comme Janus tu possèdes deux visages. Lorsque tu décides d’écouter celui qui parle avec ton cœur, tu te retrouves comme toujours seule, dans un coin de ta salle de bain, des chaudes larmes brouillant ta vue, des sanglots brisant ta respiration, la haine te rouant de coups.  
 
Alors, petite fille effrayée, tu glisses cette arme dans ta main, tu te défends comme tu peux, tu assènes de multiples attaques à ton ennemi, tu regardes ses plaies se dessiner, tu ne veux plus arrêter,  tout filtre s’est envolé. Mais tu t’interroges, ton adversaire pliera-t-il enfin ? C’est lorsque la folie retombe que tu réalises ce que tu étais en train de faire. C’est lorsque la folie retombe que tu vois ton propre sang glisser le long de tes jambes, alors seulement là tu comprends.  Le monstre qui provoquait ta haine, celui qui brouillait ta lucidité, celui que tu étais heureuse de faire payer, celui qui méritait ta violence. Oui, cette abomination c’était toi.  
Qu’as-tu fait ? Tu es écartelée entre bien et mal, tu ne sais si ce que tu as fait est à blâmer ou non, tu ne sais plus rien.  
Il te faut te lever, sortir de cette pièce, panser les plaies, changer d’air.  
Il faut te lever, te lever malgré cette douleur fulgurante. Un éclair vif et violent te transperce et t’arrache un cri de douleur. Il faudra vivre avec.  
Bien vite, tu comprends que tout a des conséquences et celles-ci sont périlleuses.  
Souffrent-ils réellement avec moi ? Voit-on mes plaies sous mon collant ? Peut-être devrais-je mettre un jean ? Vas-tu réussir à te lever de cette chaise sans laisser échapper un râle ? Sauras-tu marcher sans sentir les larmes monter ?  
 
Te voilà qui perds la tête progressivement, tu ne sais comment agir.  
Tu veux t’isoler, t’envoler loin de ce monde, fuir tes responsabilités, épargner tes proches, échapper à tout sans exception. Si seulement tu le pouvais… Si seulement la liberté totale était réelle en cet instant, si seulement tu avais le droit de faire tout cela.  Malgré la frayeur et la tristesse, tu fais semblant.  
Tu vas machinalement t’asseoir sur cette chaise pour y travailler, tu te lèves et recommences tout le long de la journée. Tu vis ta journée sans être véritablement capable de comprendre, sans même réaliser ce que tu fais. Tu sociabilises, te mens à toi-même par ces rires, ces sourires. Tu honores ton emploi du temps tellement rempli qu’il ne te laisse pas souffler un instant avant de rentrer chez toi, la boule au ventre. Puis tout reprend de la même manière jours après jours.  
Puis, chaque soir,  tu t’enfermes dans ta salle de bain pour évacuer cette pression, cette angoisse, cette haine.  
Un jour peut-être cela s’arrêtera.  
 
Me voilà qui écrit sans relâche depuis je ne sais combien de temps. Je suis là, parlant à quelqu’un ,mais qui ? Je ne sais pas un traître mot de ce que j’ai pu tracer. Je crois que mon esprit n’est plus totalement sain. Certains me condamneraient à l’asile de peur que mon état ne s'aggrave. Promis j’ai encore de l’espoir sur mon cas, laissez-moi trouver une solution, cela prendra peut-être plusieurs mois mais j’y arriverais.  
En attendant j’essaye de calmer mon cœur, mon esprit et mes larmes.  
J’oublie tout, tout ce qui me concerne, mes envies, mes pensées, mon apparence, mon opinion. J’efface tout cela de ma mémoire un instant, pour accorder une pause à mon être, pour me concentrer sur le plus important : le bien-être des autres.  
Je m’oublie, moi et mon existence.  
La douleur passera.  

Au Fil De La RoseWhere stories live. Discover now