34. L'Attachement (part. 4)

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Lorsque l'aube pointe le bout de son nez, que ses couleurs chatoyantes se reflètent sur la rivière, je me lève pour réveiller mes camarades. Dans cette ambiance délicate et féerique, un nouveau jour s'élève. Je m'avance vers Jonas, étant le plus près de moi. Je me baisse, accroupie, et dépose ma main sur son épaule. Je secoue légèrement son épaule tandis qu'il me marmonne une phrase incompréhensible. Je fais à nouveau le même geste. Cette fois-ci il élève la voix.

- Laisse-moi, je suis réveillé.

En voilà un qui n'est pas du matin. Je me dirige lentement vers Wyden, toujours collé à son arbre. Je pose un genou au sol et observe quelques courtes secondes les ombres aux teintes orientales danser sur son visage. C'est si beau. Tous se reflète autour de nous, sur l'herbe, les feuilles, la terre, les branches. Ma paume vient rejoindre son bras. Ses yeux s'ouvrent brusquement. Je lui lance un sourire en guise de bonjour et continue mon tour.

Mes doigts effleurent le long du bras de Matt. Il sourit avant d'ouvrir les yeux.

- C'est ce que j'appelle un réveil en douceur, baragouine-t-il la bouche encore pâteuse.

Je me redresse en prenant appui sur ma cuisse. Tandis que Matt tente de faire de même, Jonas et Wyden sont déjà sur pieds, en train de s'activer. Avant que mon meilleur ami de parte les rejoindre, je lui bloque le passage.

- Au fait, ta blessure ?

- Elle se porte très bien, ne t'en fais pas.

- Je ne m'inquiète pas, je vérifie seulement.

Sans lui demander son avis, j'agrippe le bas de son débardeur kaki et le soulève dévoilant une partie de son ventre barrée d'une large marque. Je plisse et yeux découvre une longue cicatrise, juste en-dessous de son nombril, encore rosée. La couleur d'une peau nouvelle. Bon, tout va bien. Il ne faut juste pas qu'il l'expose trop au soleil s'il ne veut pas aggraver la marque qu'il gardera toute sa vie. Cela ne devrait pas poser de problème, cela m'étonnerait qu'il se mette à courir en plein champ torse nu dans peu de temps. Je lâche son vêtement, satisfaite.

Jonas revient vers nous en courant, la section s'en va. Cela annonce également notre départ. Chacun a déjà ses armes exposées correctement et son sac à dos en place, sauf Jonas bien sûr qui n'en a pas. Nous décampons sans tarder.

Ma marche s'accélère, mes pieds se décollent de plus en plus vite, ma cadence prend de l'allure. Et je m'élance. Ne croyez pas que, parce que la section regroupe une quarantaine de guerriers, elle n'avance pas vite. Ces guerriers ne sont pas choisis au hasard, malgré quelques volontaires. Ils ne choisissent pas de simples gardes comme Brion, non, ceux-ci courent depuis le début de leur formation. Il faut suivre le rythme.

Mes pensées dérivent vers Matt, l'Examen, le remède, Jonas, Faeny, Le Conseil, la traque, Wyden, la traque, Wyden, le remède, la traque. Ma respiration joue aux montagnes russes. Elle n'arrête pas de s'accélérer, ralentir, et ainsi de suite. J'ai un point de côté. Je grimace, mécontente de moi. Oui je peux penser, oui mon corps fait des mouvements par automatisme, mais il faut tout de même que je lui jette un œil de temps en temps. Je vide ma tête en me concentrant sur la forêt et prends de grandes inspirations. Inspire. Expire. Doucement. Inspire. Expire. Régulier.

Mes pensées s'apaisent. Le seul bruit de mes pas et de mon cœur occupe ma tête. Et le mal s'avanouie peu à peu, me laissant reprendre une course normale. Le mélange de mousse et de terre sèche étouffe mes pas. Je me laisse surfer entre les végétaux, projeté par la force de mes muscles. Les rayons de soleil nous arrivent par bribe, bloqué par les épais feuillages. L'odeur boisé des écorces me chatouillent les narines. Aujourd'hui, c'est Wyden qui prend de l'avance et court plusieurs dizaines de mètres devant nous. Avant, nous avancions tous côte à côte, jusqu'à quelques jours. Nous avions failli être découvert par la section. Ils s'étaient arrêtés plus tôt que prévu. Notre éclaireur – aujourd'hui Wyden – nous évite d'être à nouveau confronté à ce genre de situation.





- Réveille-toi, vite !

Une poigne ferme me secoue. J'inspire violement, sortie brusquement de mon sommeil. La nuit enveloppe encore nos corps. J'entends du monde s'activer autour de moi. Des bruits de métal me parviennent. Jonas me rappelle, mais je suis déjà debout. Je sors mes dagues. Ce ne sont pas des créatures, je ne les sens pas. Je peine à distinguer la raison de cette bousculade nocturne, la lune nous a abandonné. Je ne sens que des courants d'air et n'entends que des frottements.

Combien ? je crie,couvrant les bruits de combat en m'avançant à l'aveugle.

GuerrièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant