1. L'Entraînement

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Hélas ! il y a plus de péril pour moi dans ton regard que dans vingt de leurs épées : que ton œil me soit doux, et je suis à l'épreuve de leur inimitié

William Shakespeare, Roméo et Juliette

Westen, 16 novembre 2183
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- Tery ! Allô la Terre, ici la Lune !

- ...Oui quoi ? Désolée je n'ai pas entendu.

- Dis plutôt que tu n'as rien écouté ! Il souffle bruyamment. Tu es ailleurs aujourd'hui. Si tu le veux, l'on peux arrêter. Mais au moins, fais-moi le plaisir de te remettre les idées en place pour que l'on puisse terminer cela correctement ! s'exclame Matt, mon meilleur ami, en me tendant mon deuxième couteau.

Il est vrai que ces temps-ci je pense beaucoup ; trop. Mes rêveries sont souvent accaparées par de nombreux sujets. Mais maintenant, j'ai mes deux objets préférés en mains.
Leur contacte froid et métallique me rassure, ils me sont si précieux. Lorsque j'étais petite, il m'arrivait de malencontreusement les perdre. Et alors, je me refusais catégoriquement  d'avaler quoi que ce soit tant que l'on ne les avait pas retrouver. J'en rigole encore. Tant de choses ont changé depuis.

J'esquisse un sourire à l'idée de me battre, même si cela n'est juste qu'un entraînement. J'aime cet effort physique, ces thématiques.

J'hausse vaguement les épaules en lui répondant.

- J'étais simplement dans mes pensées, je hausse les épaules, ce n'est pas la peine d'en faire tout un plat, je râle.

Je me déplace vers lui. Il faut que j'arrête d'être distraite par la moindre pensée qui traverse mon esprit. Ces entrainements ne sont pas là pour rêvasser, je secoue la tête. J'inspire lentement et me concentre.

- Cependant, faisons cela sans armes, comprends-moi, je ne voudrais point entailler ton joli minois, je le provoque en lâchant mes lames au sol.

- Tu es très gentille de penser à ma sécurité. Même si je pense que, de nous deux, cela aurait été toi la plus endommagée, explique-t-il. En même temps, tu te bats avec moi, expose-t-il avec une assurance parodique.

En voyant mon air faussement offusqué, il glousse. C'est un vrai gamin, je lève les yeux au ciel, mais c'est pour cela que je l'aime. Il jette ses propres armes sur le plancher, puis les pousse dans un coin avec la pointe de son pied. Je fais de même.

Bien que je sache que côté muscle il me bat, je ne m'attends pas forcement à une défaite. Je suis plus légère que lui, er rapide. Et je dois admettre que je ne suis pas mauvaise en combat, quel qu'en soit le type. Bien sûr, Matt a beaucoup plus d'expérience que moi, c'est évident.

- Je suis prête à te laminer. Tu sais très bien que j'ai toujours été meilleure que toi, il est indispensable de se le cacher, dis-je comme si j'annonçais qu'il pleuvait.

- On verra cela lorsque tu me supplieras de t'épargner ! prononce-t-il en se ruant vers moi, tous poings dehors.

Il m'envoie un coup au ventre que je pare aisément, puis, je lui en assène un à la gorge. Il s'étouffe durant à peine quelques secondes, mais cela me suffit pour lui attraper le bras. Rapidement, je passe ma jambe derrière la sienne et tire d'un coup franc. Il s'écroule à terre. En deux temps trois mouvements je me retrouve au sol, réceptionnée sur mes mains et mes orteils. Sa main toujours accrochée à ma cheville droite me tire en arrière. Il me plaque, un coude sur mon cou.

- Alors ?

Je me retourne et le pousse sur le côté. Nous faisons un roulé-boulé sur le plancher. Dans la mêlée, lui attrape le bras et le lui coince dans son dos. Je me positionne alors à califourchon sur lui.

- Tu disais ? je tends l'oreille comme pour entendre une réponse de sa part. Je t'avais prévenu, je suis la meilleure ! imposé-je en appuyant sur le second "je".

Il éclate soudainement de rire, bouche contre sol, face à ma réaction de petite fille. Et assez vite je le suis dans ses éclats.

J'aime nos entraînements et nos rigolades, j'ai l'impression de les avoir toujours connus. De même que dans mes plus lointains souvenirs, Matt y était. Il est comme mon frère. C'est la famille que je n'ai plus.

- Tu comptes rester longtemps comme ceci ?

Je m'enlève délicatement et commence à ranger mes couteaux dans mon harnais, autour de ma taille.

- Matt, sais-tu quand est-ce que tes parents vont revenir ?

Je vois que ma question l'a pris au dépourvu, mais il me répond toujours, même sur des questions des plus embarrassantes.

- Tu sais Tery, cela fait plus de 7 ans qu'ils ne sont pas rentrés de leur mission, pourquoi persistes-tu à penser qu'ils vont un jour revenir ? prononce-t-il avec une once d'amertume. Tessy, je suis comme toi, tu le sais, non ?

Oui, bien sûr, je sais pertinemment que nous sommes pareils, et cela sur énormément de points.

Sa voix se fait plus douce lorsqu'il emploi ce surnom, comme toujours. Il n'y a que lui qui m'appelle comme ceci, c'est affectif. Mais, cela est aussi - et essentiellement - puisque lorsque nous avions seulement quelques années, il n'arrivait pas à prononcer mon nom.

Je me baisse pour attraper quelques affaires que je remets à leurs places.

- Orphelin, je murmure.

Nous avons fini de ranger cette pièce qu'est le sous-sol, qui nous sert de salle d'entraînement. Il acquiesce silencieusement. Puisque oui, c'est ce que nous sommes à présent. D'ailleurs, j'y pense, nous n'avions pas quelque chose de prévu ce soir ?

- Mince ! J'avais complétement oublié la réunion du Conseil ! je m'écris d'un coup.

- En effet, tu ferais mieux d'aller te préparer. Puisque comme ceci... Si l'on te voit en tenu de combat, en sueur, avec des armes, tu risques de sérieux ennuies. Je te le dis moi !

Tandis qu'il se moque de moi, je cours comme une folle jusqu'au premier étage, à la salle de bain plus exactement. J'ouvre le robinet d'eau chaude et me déshabille.

J'entrebâille la porte de la salle d'eau.
Il n'y a personne, Matt doit certainement être dans sa chambre. J'allais sortir, puis je me ravise. Il faut dire que je suis entierement nue. Il pourrait sortir à tout moment et j'en rigole, en enroulant une serviette autour de mon corps. Il faut dire que c'est assez comique, je m'inquiète pour ce genre de chose alors qu'en paralèlle je me bats.

J'entre dans ma chambre et laisse tomber le drap cotonneux qui me recouvrait quelques secondes auparavant.

Alors... c'est une réunion. Et pour les réunions, qui sont rares de nos jours, il faut "bien s'habiller". Ce qui sous-entend, bien évidemment, de la part de nôtre Aîné, qu'il ne faut point mettre de pantalons. Est-ce utile de préciser que cela ne concerne que les femmes, évidement ? J'imagine assez mal Matt porter une robe rose à frou-frou ! Et voilà que je rigole de plus bel, encore toute seule.

Bon, finis les plaisanteries. J'enfile en vitesse la robe noire que je porte en ces occasions. Elle est simple, à fines bretelles. Seulement, je n'y suis pas très à l'aise, puisqu'elle moule légèrement mes formes et m'arrive juste au-dessus des genoux. Mais, je la choisis à chaque fois puisque ces la plus sobre que je possède.

Je la remonte jusqu'à mes hanches, pour accrocher mon Holster à ma cuisse droite, où j'y glisse mes lames les plus plates. Je lâche ma robe, et constate fièrement que l'on ne les voit absolument pas.

Je déteste sortir sans eux. Sinon je me sens encore plus nue que dans ce vêtement. Leurs contactes me rassurent, m'apaisent et me réconfortent. Je retourne devant le miroir où la buée a disparu.
Je démêle mes cheveux bruns légèrement bouclés. Je n'ai pas l'habitude de me regarder dans la glace. Cependant, pour une fois, je prends le temps qu'il me reste pour le faire, soit peu.

Je fixe mes boucles discrètes retomber en-dessous de mes épaules. Avec mon doigt, je trace le contour de mon visage aux traits fins, mon front, ma pommette saillante, mon menton, ma deuxième joue rosée, ma tempe, les racines de mes cheveux, mon nez, mon cou puis mes épaules. Il est vrai que ma peau n'est pas très bronzée, mais je ne suis pas blanche non plus. Après avoir vérifié que mes armes étaient toujours en place, je sors en trombe de la pièce rejoindre Matt.

GuerrièreWhere stories live. Discover now