34. L'Attachement (part. 2)

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Cela fait maintenant deux jours de plus que nous suivons la section de Victhorion à la trace, sans nous faire remarquer. Chacun alterne entre tour de garde et éclaireur quand il s'agit de savoir quand la section s'éloigne au petit matin. Mais ce soir, il semble y avoir plus de mouvements chez eux. Cependant, ce pique sonore ne dure pas et bientôt tout retourne à la normale.

Nous sommes tous assis proches les uns des autres, attendant que Matt revienne. Il est parti chasser il y a près de vingt minutes je dirais. Et oui, nos réserves provenant de Lowick commencent à s'épuiser et la chasse se met en place petit à petit.

- Certaines personnes de sont pas faites pour voyager.

- C'est ce que te disait Faeny ? dis-je.

- Oui, entre ça et le fait que c'était trop dangereux. J'espère qu'ils ne m'en voudront pas trop à mon retour.

- Les parents pardonnent toujours, sourit Wyden.

Son sourire exprime pourtant plus de nostalgie que de réconfort et cela me pince le cœur. Sa mère à lui doit sûrement être morte. Il ne me l'a jamais dit, mais sa ville a été massacrée, comme il me l'a dit. Aujourd'hui, j'ai bien plus l'impression qu'il parlait d'une personne plutôt que d'un lieu.

- C'est vrai, j'acquiesce pour l'unique raison que Sireen n'était pas ma mère mais ma génitrice.

- Elle a jamais compris que pour moi partir comme ça, à l'aventure comme on dit, c'était vivre. Et là-bas, j'étouffais.

- Comment tu pouvais savoir ça si t'avais encore jamais quitté Lowick ? Le taquine-t-il.

Jonas lève les yeux aux ciels en laissant échapper l'ombre d'un rire. Il n'a pas besoin de donner de réponse, Wyden n'en attendait pas. Alors, je pris la parole pour enchaîner.

- J'avais la même impression, moi aussi. Je me suis toujours sentie prisonnière des murs de ma ville, plutôt qu'en sécurité comme la majorité des autres habitants.

- Et bien, on ne s'entend pas bien pour rien tous les trois, sourit le brun.

Une fois que Matt fut arrivé et que, après de longues minutes à faire cuire quatre lapins, nous avion fini de manger, je m'installe pour ma garde. J'essaie d'interpeller Jonas, mais il tombe rapidement de fatigue. J'aurai bien aimé continuer notre conversation. Mais elle attendra dans ce cas-là. Je marche un petit peu autour de nous, repérant l'endroit et la place de chaque brindille. Je m'assieds ensuite, à quelques mètres d'eux. Et je tends l'oreille, m'empêchant de dormir. Je tâte mes cuisses, vérifiant que mes armes soient correctement plaquées contre celles-ci. Une dague et une lame plate à droite et à gauche. Je n'ai cependant pas placé mon épée à lame courte dans le haut de mon dos. Le petit baudrier allant avec est un peu lourd. Mais en y pensant, qu'il soit dans mon sac ou sur mon dos, je le porte dans tous les cas. Alors je le sors et me l'accroche. Son manche gravé dépasse au-dessus de mon épaule droite et le bout du baudrier touche mon omoplate gauche, puisque celui-ci est accroché en diagonale dans mon dos. Ce qui est, je l'avoue, gênant lorsque je veux m'appuyer contre un arbre. Mais d'un point de vue général, un arbre n'est pas très confortable.

Je jette régulièrement des regards alentours, mais entre chaque vérification, mes yeux se posent sur ces trois hommes paisiblement endormis. Et je souris car, peu importe ce que mes pensées les plus sadiques veulent me faire croire, je ne suis pas seule dans cette aventure. Matt. Même s'il a changé depuis notre exil, il reste toujours le même pour moi. Après tout, il ne m'a toujours pas dit ce que le Conseil lui avait demandé. Mis à part le fait que c'était inhumain. Mais le plus important est qu'il n'a pas fait ces mauvaises choses et qu'il s'est enfuit pour moi avec moi. Et maintenant nous sommes tous deux pris dans cette traque, certes, mais ensemble. Nous trouverons un moyen de nous en défaire, grâce au remède, et cela tous les quatre. Wyden nous aidera beaucoup et Jonas aura enfin sa chance de mener une mission. Lorsque nous avons mangé, ce hier soir, Matt a tenu promesse et a cessé de lancer des piques à Wyden. C'était le dernier obstacle à une solidarité. Je sais que peux compter sur eux et inversement. C'était valable pour tout le monde sauf entre Wyden et Matt. Mais qui c'est, maintenant, peut-être vont-ils se découvrir et bien s'entendre. Je l'espère de tout mon cœur.

Quand je les regarde, là, une émotion étrange me dorlote le cœur. Je m'attache chaque jour un peu plus à eux. C'est un sentiment si chaleureux et agréable que j'aimerai qu'il dure toute une vie durant. Mais l'idée même que l'on puisse me retirer l'un d'eux m'écrase le moral comme une petite boulle de papier. De nombreuses créatures pourraient surgirent à tout moment. Nous pourrions nous faire repérer. Ils mourraient à cause de moi.

C'est à ce moment là que je comprends tout le danger que représente l'attachement, l'amour, l'amitié. Et je n'en veux pas. Je ne sais pas si je pourrai me remettre d'une perte comme celle qu'ils commencent à représenter pour moi. Matt ne pourra jamais s'effacer ne serait-ce qu'un tant soit peu de mon cœur. Pour lui, je suis fichue. C'est pourquoi, je ne veux pas que Jonas ou Wyden ne s'ancre trop en profondeur dans mon cœur. Qu'ils restent juste à la surface. Cela suffira.

Je sens cette odeur caractéristique de pourriture avant même d'entendre un craquement. Je me redresse sur mes deux pieds sans bruit.

GuerrièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant