9. Haineux ou Chamboulé (part. 2)

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Si c'est l'option que Le Conseil décidera, alors nous nous donnerions rendez-vous au passage de la rivière, Matt et moi à l'extérieur et Brion à l'intérieur. Westen est une ville entourée des plusieurs murs nous protégeant des créatures environnantes, et à l'exception de quelques portes, ce n'est rien que de la pierre sans fenêtre. Bien évidemment, il y a des gardes postés à certains points, en hauteur sur les murs, mais assez éparpillés pour nous permettre cet échange. Certes la ville est encerclée par des millions de briques de pierres, mais cependant, il y a deux endroits où ils sont remplacés par une grille permettant à une rivière de s'introduire au sein de notre société, puis d'en ressortir.

Lors de nos échanges, Matt avait eu la fabuleuse idée d'en tirer profit. Ces grilles sont constituées de barres métalliques positionnées de manière verticales, assez resserrées pour qu'aucun être humain, enfant comme adulte, ne puisse passer au travers, mais je pense qu'un sac bien aplati pourrait y arriver.

Après avoir établi cela, Brion avait quitté la maison, repartant travailler. Et depuis, nous avions bien réfléchit aux possibilités que l'avenir prenait un malin plaisir ne pas révéler. Et nous voilà maintenant à parcourir nos affaires du regard et à essayer de sélectionner le minimum pour le faire rentrer dans un sac.

Mon placard est ouvert devant moi, quelques habits sont suspendus pendant que d'autres sont pliés bien sagement sur une étagère. En dessous est normalement l'emplacement où j'entreposais mes premières armes, elles n'étaient plus vraiment utilisables mais disons que je les gardais pour le côté sentimental. Et à présent, le tiroir est vide. Les guerriers ont tout pris, toutes mes anciennes armes. Certes je ne les maniais plus et elles prenaient la poussière, mais elles venaient de mon père. Il m'en avait fait cadeau pour mon anniversaire, l'année juste avant sa mort. Les souvenirs en sont encore frais.

Mes yeux s'embrument doucement en y repensant. Les derniers cadeaux, les dernières affaires de mon adorable père m'ont été arrachées de force à cause de mon manque de prudence. J'aurai dû faire plus attention, j'aurai dû mieux écouter Matt lorsqu'il me le répétait. Tout est ma faute. Je ne veux imaginer la tête de mon père s'il me voyait comme ceci. Il serait furieux contre moi et mes réactions, il me dirait de ne pas me dégonfler et il me réconforterait dans une tendre étreinte. Il me manque tellement.

Une larme perle le long de ma joue. Je l'essuie rageusement et me remets à fouiller mes biens.

Comme je n'ai pas énormément de place dans mon placard, ce qui n'est pas sur mes étagères est entreposé de manière assez... bordélique.

Je soulève une corbeille et la pose derrière moi pour pouvoir avoir accès à un tiroir incrusté dans le mur. Je l'ouvre et découvre – le sourire aux lèvres – mes armes, intactes. Mes couteaux ainsi que ma nouvelle épée à lame courte sont restés à leur place. Les hommes de tout à l'heure n'ont sûrement pas pensé à enlever cette panière et je leur en remercie. Je me tourne et lance un sourire à cette corbeille d'osier comme si celle-ci pouvait me voir, puis j'attrape mes armes et les déposes sur mon lit.

J'entre dans la chambre de Matt. Les tiroirs de sa commode sont ouverts et plusieurs choses sont disposées sur un coin de son lit. Lui, est assis les pieds ballant sur le bord de son matelas. Je grimpe alors sur ses couvertures et m'avance à quatre pattes vers Matt. Lorsque j'arrive à sa hauteur, juste dans son dos, je passe mes bras autour de son cou et laisse tomber ma tête sur son épaule.

Il ne bouge pas et continue de fixer les pans de son placard où sont disposés tous nos souvenirs papiers, et cela sans un mot. Je ressers un peu mon étreinte à l'aide de mes bras et il appuie alors sa tête sur le côté de la mienne dans un soupir.

Ce n'est pas un silence gênant, non, il est apaisant, réconfortant. C'est le silence de deux personnes qui s'aiment et qui partagent la même vie depuis leur plus tendre enfance. C'est le silence d'un homme et d'une femme qui se comprennent et qui n'éprouvent pas le besoin de parler pour cela. C'est un moment de bonheur que partagent un frère et une sœur, un ami et une amie, une fille et un garçon, deux amants de la vie.

- As-tu rassemblé tes affaires ? formule-t-il pourtant avec un soupçon d'amertume.

- Oui, tout est prêt. J'ai le nécessaire, maintenant il faut que l'on vérifie ensemble, j'opine.

Il hoche alors la tête en murmurant un « très bien ». Il replace correctement sa tête avant de se lever, ce que je fais également.

- Vas chercher ce dont tu as besoin et rejoins-moi ici.

J'affirme et pars dans la pièce d'à côté. Je prends le tout dans mes bras et je viens le lâcher sur le lit de Matt en attendant qu'il réapparaisse. Mes objets sont mélangés aux siens formant une tache de couleurs sur ses draps foncés. Il y en a de toutes sortes : armes, habits, accessoires et quelques affaires de toilette.

Matt ne tarde à se montrer, il se place face à moi en me présentant deux sacs en toile qu'il dépose ensuite à mes côtés. Ils ne sont pas très larges et tant mieux, ils seront d'autant plus pratiques pour marcher, courir ou combattre. Nous listons à voix haute tout ce dont nous avons besoin et le plaçons dans notre sac respectif. Je place au fond mon pantalon de cuir, mon débardeur kaki et ma veste noire soit mes habits de combat. Je les recouvre alors de deux sous-vêtements et de mon seul élastique. J'y glisse aussi ma paire de baskets, puisqu'officiellement je ne porte que des scandales. Il reste alors juste assez de place pour que je puisse rentrer mon Holster avec mes deux lames plates, deux dagues et un baume cicatrisant. J'enfile verticalement mon baudrier - où est soigneusement rangée mon épée à lame courte - dans mon sac, contre le futur emplacement de mon dos. Pour terminer, j'ajoute un désinfectant dans une petite poche extérieur.

De mon côté, j'ai finis, et ce n'est que lorsque je tourne mon regard vers ma gauche que je me rends compte que Matt n'est plus là. Mes yeux fouillent la pièce mais ne trouvent aucunement trace de lui. Je laisse tout tomber sur son lit et me dirige vers le couloir en questionnant son prénom, mais rien, pas un son. Je m'arrête alors et inspire lentement, forçant mon cœur à prendre un rythme normal. J'expire doucement par la bouche en me disant que cela n'est rien, qu'il doit sûrement être en bas. Il n'a pas dû m'entendre.

J'avance, sûre de moi, vers l'escalier et le descends. Une fois en bas, je regarde sur ma gauche et aperçois mon ami, dans la cuisine. Je lève les yeux au ciel d'exaspération - je ne sais si cela est à mon intention ou à la sienne - et je le rejoins.

Je pose vivement mes mains à plat sur le plan de travail.

- Que fais-tu ? Je t'ai appelé et tu ne m'as même pas répondu ! je m'exclame, vexée.

- Je ne t'ai pas entendu, il hausse les épaules en balayant ma question d'un revers de main. J'étais seulement en train de rassembler un peu de nourriture.

Il est agressif, sur la défensive et je le comprends tout à fait. Nous allons perdre tout ce dont nous possédons, peu importe le choix final du Conseil.

Je lui attrape le bras et le ramène vers moi, mes yeux plongés dans les siens.

- Ecoute Matt, je sais que c'est compliqué en ce moment pour nous, mais s'il te plaît ne t'éloigne pas de moi. Nous n'y sommes pour rien, nous n'aurions rien pu faire, j'élude passivement ne voulant pas d'une tension supplémentaire.

Matt retire violemment son bras de mon emprise, je suis surprise. Je ne cache pas mon désarroi face à sa réaction.

GuerrièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant