Flûte

26

— Tu fais quoi ? demande Angèle en enlaçant par-derrière le brun.

Selim est dans la cuisine, en train de faire des expériences mystérieuses secrètes.

— C'est secret.

Elle lève les yeux au ciel en le voyant ajouter de l'eau dans la casserole.

— Des coquillettes ? devine-t-elle bêtement.

Le grand brun se retourne d'un seul coup et Angèle éclate de rire en voyant sa bouche grande ouverte. Elle a trouvé. Des coquillettes, rien que pour elle.

— Mets la table Ange, ordonne-t-il pour la chasser des lieux.

La brune obéit, un peu boudeuse, mais contente d'avoir trouvé le menu de leur déjeuner. Coline est en train de passer son permis pendant qu'Isidore et Anatole sont à Paris pour Rock en Seine.

Angèle est maintenant assise dans le canapé de Selim, fixant l'armoire qu'elle a aidé à monter la veille. Le brun a désormais son petit studio et elle est contente de passer un peu de temps avec lui avant le début des cours. Les deux vont en prépa. Une en A/L, l'autre en MPSI. De quoi charbonner pour deux longues années.

— Il va bien ton pôpa ?

— Oui, il va bien mon pôpa, imite-t-il en sortant de la cuisine. Il est sorti de l'hosto, je suis allé le voir ce matin.

Selim et elle ne sont pas en couple. Mais comme le dit si bien Coline, c'est « tout comme ». Leur relation n'est pas du tout installée, les moments partagés paraissent encore très flous et ils apprennent à se connaître sur le bout des doigts.

Souvent, ils se regardent beaucoup. Ils peuvent passer des journées à se contempler, se sourire, se chatouiller dans un lit. D'autres fois, ils s'embrassent, partagent plus rarement des moments d'intimité, parce qu'Angèle préfère les contacts visuels à ceux buccaux, étrangement.

Au fond, dès le départ, Angèle avait cru à un amour raté. Sans résultat, qui ne promettait rien de grandiose. Rien de rien.

Quelque chose à oublier.

Et c'est le fait même que rien n'a paru facile qui rend la chose précieuse et libérée de contraintes. Elle ne sait pas si ce n'est qu'un amour d'été ou un véritable amour qui perdurera sans hésiter. Mais c'est comme infini, sans bords et sans fond. Universel. Éternel.

Angèle sait juste que l'amour n'a aucun secret pour elle. Et que c'est pour cette raison, qu'elle aura le courage de l'aimer.

— Et voici les coquillettes pour Ange, annonce Selim en égouttant les pâtes.

Ils se sourient. Et elle repense aux livres, au refuge, à la librairie, au feu de camp, au festival, au lit douillet et au sable de leur premier baiser. Tous ne sont pas de bons souvenirs, mais tout de même, ça reste ce qui a construit leur relation aujourd'hui.

Angèle a continué à apprendre beaucoup de choses de la vie cet été. L'été de ses dix-huit ans où elle apprend à prendre du recul sur le passé, ouvrir les yeux sur le présent et découvrir le futur.

La brune n'a pas réponse au secret de l'univers, mais juste un peu plus au sien. Elle n'a pas le contrôle de l'avenir, mais elle est persuadée qu'elle peut provoquer ce qui l'attend.

Après tout, elle a hâte. Manger des coquillettes et aimer un peu plus chaque jour suffisent à la rendre heureuse pour la vie.

FIN.