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— Angèle, réveille-toi...

Quelqu'un lui tapote l'épaule. La brune ouvre un œil puis deux avant de trouver le regard familier de Coline, plongée dans la pénombre des stores.

— Qu'est-ce qui se passe ?

— Je crois qu'il y a quelqu'un en bas. J'ai entendu du bruit, j'flippe. SOS, on va tous mourir.

Angèle se redresse d'effroi, puis soupire de soulagement en reprenant ses esprits.

— Ça doit être Isidore.

Sa meilleure amie la force à aller voir. La brune soupire, se contente d'obéir en trouvant la peur de la blonde justifiée. En bas, elle y retrouve le petit-ami de la blonde en train de se faire des pâtes. À quatre heures du matin.

Deux jours se sont écoulés depuis le festival et si le groupe n'a fait qu'enchaîner bronzettes et baignades à la plage, Angèle remarque distinctement chaque matin les cernes du blond.

Elle envoie un message rassurant à Coline, encore planquée dans le lit en haut.

— Qu'est-ce que tu fiches ? demande la brune en murmurant pour ne pas réveiller toute la maison.

— Des pâtes, répond simplement Isi' en égouttant ses féculents cuits.

Seulement, elle trouve le comportement du blond de plus en plus étrange ces derniers temps.

— Dis Isidore... Tu serais pas insomniaque ?

L'hôte de la maison laisse tomber sa fourchette sur le carrelage, de quoi réveiller des étages entiers. Le blond la ramasse et essaye de se donner une certaine contenance avant d'abandonner en relâchant la pression sur ses épaules :

— J'ai trop peur de m'endormir ces derniers temps, avoue-t-il sincèrement.

La brune l'examine et elle lit une profonde tristesse dans son regard.

— Tu refumes la nuit ? interroge-t-elle de but en blanc.

Et les yeux du blond s'écarquillent, comme quelqu'un qu'on vient de prendre sur le fait.

— J'ai re-tiré une fois mardi dernier parce que j'avais oublié ce que ça me faisait après deux mois et demi. Et puis maintenant chaque soir j'y pense, et je bataille avec moi-même pour éviter mes cauchemars et ne pas fumer à nouveau. J'ai craqué la nuit dernière et ça me tue. Oui je sais, je suis pitoyable et ça craint.

Elle le regarde avec une compassion infinie. Angèle n'a pas vraiment connu ce problème extrême. Pour la drogue, elle s'est toujours contentée d'un peu, de temps en temps, en se posant des limites pour ne jamais tomber dans la spirale de ceux comme le blond qui ne savent jamais s'ils ont le contrôle ou non.

— Coline peut t'aider ?

Et le blond éclate d'un rire nerveux, montrant toute la lucidité qu'il a sur la situation.

— Elle est têtue et j'sais pas... Elle est tellement contente depuis que j'ai arrêté de fumer. Quand j'ai vraiment tout arrêté, elle m'a dit qu'il fallait que je le fasse pour moi, pas pour elle. Mais la vérité c'est que je l'ai toujours fait pour elle, même encore aujourd'hui, parce que si je pouvais, je continuerais à me niquer la santé rien que pour ne pas bader.

Il marque une pause avant de reprendre :

— C'est facile quand on fume. On croit que c'est nous qui avons le contrôle sur l'objet, qu'on le tient dans la main, qu'on tire ou pas, qu'on se donne les moyens d'entrer dans une transe ou non. On l'intègre dans sa vie parce qu'on croit le vouloir. Puis quand ça disparaît, on se rend compte que c'est l'autre qui a le contrôle. Et j'ai du mal à trouver le contrôle ces derniers temps, avoue-t-il enfin.

Angèle tend le bras.

— Passe-moi tout ce que t'as.

Le blond obéit et sort d'un placard un petit sac plastique avec des joints. Il les a roulés seul, sûrement durant toutes ses nuits d'insomnie.

— Monte dans la chambre. Je mettrai tes pâtes au frigo. Mais va répéter ce que tu viens de me dire à Co', OK ? Pendant ce temps, je confisque tout ! Et quand tu redescends, tu me dis si tu veux que je jette tout ça ou pas.

Isidore reste figé au milieu de la cuisine.

— Tu peux le faire et t'as pas à traverser ça seul, surtout s'il y a une fille qui t'aime juste un étage au-dessus, têtue, mais tout de même prête à tout pour toi.

Le cœur d'Angèle s'emballe. Elle veut vraiment aider Isidore à aller mieux. Et elle sait qu'il ira mieux avec sa meilleure amie.

— Allez, Isi', lâche la brune en attrapant le sac.

Et il part, monte et ne redescend pas.

Puis surgit un message du blond, tout simple, mais qui veut tout dire : « merci vraiment... (et tu peux mettre le sac dans la poubelle) ».

Angèle sourit, satisfaite, avant de se rendre compte qu'elle est seule sur le canapé, avec Isidore qui a sûrement pris sa place dans son lit pour le reste de la nuit.

Alors Angèle va toquer à la porte de Selim. Le brun ouvre, à peine réveillé, les yeux mi-clos.

— Surprise ! On a piqué ma place dans mon lit, annonce-t-elle en essayant de l'apitoyer le plus possible.

Selim tire la tronche.

— Tu m'as réveillé pour que je t'héberge ?

La brune arrive à peine à contenir son sourire gêné.

— Peut-être ?

Un long soupir derrière eux les amène à se taire. Anatole déboule de nulle part, sort de sa chambre, l'air enragé.

— PUTAIN ! Vous me cassez les couilles à faire trop de bruits, allez hop hop hop, allez tous dormir bande de cons ! Foutez-moi la paix, j'ai besoin de dix heures de sommeil merde quoi ! lance-t-il en poussant Angèle et Selim dans la chambre tout en claquant toutes les portes de l'étage.

Angèle, à l'intérieur, éclate de rire. Selim allume la lumière et pendant un court moment, ils s'admirent.

— Je peux dormir ici ?

Selim la regarde un instant, intensément.

— Je bouge quand je dors, prévient-il simplement.

Et Angèle sent son cœur battre très fort.

— Bonne nuit ? lance-t-elle en essayant de ne pas se retourner pour fondre dans ses bras.

— Chut, j'ai besoin de ma grasse mat' moi, chuchote-t-il tout bas.

Elle devine son sourire, même dans la nuit.

Puis... lentement, elle sent son corps se coller tout doucement contre le sien.



FlûteWhere stories live. Discover now